Des parlementaires européens doivent statuer ce lundi sur le projet dit MiCA, un nouveau cadre réglementaire pour les marchés des cryptomonnaies. Mais la dernière version du texte légal soumise au vote fait craindre le pire à la jeune et fragile industrie européenne du bitcoin.
Obscurantisme. Suicide industriel. Cadeau aux Américains sur un plateau d’argent. Entrepreneurs spécialisés et politiciens techno-enthousiastes crient au scandale. À l’heure où Joe Biden mobilise toute son administration pour tirer profit des actifs numériques, l’Union européenne serait sur le point de saboter toutes ses chances de compter un jour sur le marché des cryptomonnaies.
La Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen doit en effet se pencher ce lundi 14 mars 2022 sur la dernière version proposée du règlement MiCA (Markets in Crypto-assets). Un ensemble de mesures pour un nouveau cadre légal censé « soutenir davantage le potentiel de la finance numérique en termes d’innovation et de concurrence tout en atténuant les risques. »
Dans une démarche honorable, l’Europe veut harmoniser les normes à l’échelle de l’Union pour tout ce qui touche aux monnaies digitales et à cette « tokenomie » émergente. Pour protéger les consommateurs et les investisseurs, tout en garantissant la stabilité de l’économie. MiCA constitue un pilier de la stratégie européenne de finance numérique dévoilée en septembre 2020. Les législateurs assurent ainsi vouloir concilier innovation et protection.
Sauf que le document contient une disposition selon laquelle les actifs crypto « doivent être soumis à des normes minimales de durabilité environnementale en ce qui concerne leur mécanisme de consensus utilisé pour valider les transactions, avant d’être émis, offerts ou admis à la négociation dans l’Union. »
Une monumentale erreur ?
Cette approche réglementaire, qui bannirait de facto les protocoles de Bitcoin et d’Ethereum, risque de gravement hypothéquer la compétitivité européenne sur le long terme. « Les individus et les organisations devraient être libres de choisir la technologie la plus appropriée à leurs besoins. Les décideurs politiques ne doivent ni imposer ni discriminer une technologie particulière. Ceci est profondément préoccupant et aurait de graves conséquences pour l’Europe. L’économie innovante et croissante des actifs numériques en Europe disparaîtra », a déclaré Pascal Gautier, CEO de Ledger.
Pour le patron du leader français des wallets physiques, sans Bitcoin et Ethereum, les activités crypto ne peuvent plus fonctionner de manière rentable. Des entreprises européennes devront donc fermer boutique, s’expatrier en dehors de l’Union et même bloquer l’accès aux Européens. Comme on l’a vu avec la Chine, ce genre d’interdiction ne fait que déplacer les activités, au détriment du pays bannisseur.
« En l’état, (MiCA) condamne définitivement l’avenir des crypto-actifs en Europe. En interdisant le bitcoin et l’ether, en compliquant l’utilisation des NFT et de la DeFi (finance décentralisée, ndla) », a déclaré Pierre Person, député de Paris et défenseur notoire de l’écosystème crypto.
Dit autrement, les parlementaires européens semblent prêts à réécrire l’histoire des GAFAM, abandonnant l’hégémonie aux États-Unis, mais cette fois avec le web décentralisé de la blockchain et des cryptomonnaies.
« Tout pour mener la danse »
« Il est crucial que l’Europe reste dans la course à l’innovation et saisisse la chance de former les champions et les leaders du monde du web3 à venir, créant ainsi des milliers d’emplois », appelle de ses vœux Pascal Gautier de Ledger.
Sans compter que, technologies sans frontière obligent, les actifs numériques continueront d’attirer des consommateurs européens, malgré l’interdiction sur leur territoire, au risque de les forcer à utiliser des plateformes non réglementées.
« L’Europe risque ainsi de creuser davantage son retard technologique, alors qu’elle a tout le talent et toutes les ressources pour être une région prédominante », a commenté David Marcus, ancien responsable du prototype de stablecoin élaboré par Meta (Facebook).
Pour cet entrepreneur né en France, passé par la présidence de PayPal avant de rejoindre Facebook, nos décideurs politiques pèchent par leur une vision anachronique. « Dans un monde massivement connecté, le protectionnisme met en échec les marchés-mêmes que l’on essaie de protéger. (Députés européens), si vous voulez être pertinents, si vous voulez que les entreprises européennes soient en tête, vous devez retenir, nourrir et attirer les talents et l’innovation », a-t-il lancé à la cantonade.
Précisant, en guise de conclusion, que l’Histoire ne sera pas tendre avec les personnes et les régions qui non seulement n’ont pas saisi l’opportunité de mener cette nouvelle ère d’innovation mais qui, en plus, l’ont gênée sans apporter d’alternative supérieure.
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