La guerre qui sévit entre la Russie et l’Ukraine est aussi une bataille de l’image et une bataille d’influence pour gagner l’opinion publique. Une bataille que l’Ukraine, de l’avis des experts, a remportée largement, grâce à un président ukrainien très présent sur Twitter et une communication officielle maîtrisée sur les réseaux sociaux.
Cette mobilisation se remarque aussi bien sur Instagram qu’à travers les appels du ministre du numérique, qui interpelle directement les multinationales pour leur demander de quitter la Russie, ce qui les oblige parfois à prendre position. Le 16 mars, il alertait le patron de Qualcomm, un équipementier américain de premier plan, qui a dû réagir.
Les internautes aussi sont pris dans ce mouvement et nombreux sont celles et ceux qui republient des photos — de victimes ukrainiennes, de soldats russes, de résistants ou de prisonniers — pour donner leur point de vue sur la guerre, pour afficher leur sympathie envers la population ou pour exprimer leur rage contre l’envahisseur.
Ne pas partager de photos de prisonniers sans floutage
Mais gare à ne pas partager n’importe quoi, n’importe comment. Au-delà de la désinformation que l’on pourrait véhiculer par mégarde, et nonobstant le sujet de la propriété intellectuelle des clichés (les photos sont normalement soumises au droit d’auteur et, donc, à l’accord préalable du photographe pour être repartagées), il y a aussi le droit des personnes.
Cela vaut aussi pour les prisonniers de guerre, qu’ils soient Russes, Ukrainiens, Tchétchènes, Syriens ou de n’importe quelle autre nationalité impliquée dans le conflit. C’est le rappel qu’a fait début mars le Comité international de la Croix-Rouge, après avoir constaté une multiplication de clichés montrant des troupes sans aucun floutage pour préserver leur dignité.
« La loi stipule que les [prisonniers de guerre et détenus] doivent être protégés. Ils doivent notamment être protégés contre les actes de violence, les intimidations et les mauvais traitements. Ils doivent également être traités avec dignité et ne pas être exposés à la curiosité du public, comme la diffusion d’images sur les médias sociaux. »
Amnesty International n’a pas dit autre chose, en prenant appui sur l’article 13 de la Troisième Convention de Genève. L’organisation dénonçait surtout l’attitude des autorités ukrainiennes, qui avaient mis en scène des conférences de presse avec des prisonniers russes, pour les pousser à se repentir. Quand bien même la Russie est la puissance attaquante, ses combattants ont des droits.
Comment flouter un visage ?
N’importe quel logiciel de retouche photo — Paint, Photoshop, Gimp, etc. — permet de cacher le visage d’une personne. Il suffit de tirer un rectangle noir sur la tête des individus autant de fois que cela s’avère nécessaire. Des options plus avancées peuvent se trouver dans certains programmes, par exemple pour appliquer un flou plus ou moins prononcé, plutôt qu’un carré noir.
Et pour qui n’a pas de logiciel de retouche photo, il existe aussi des services en ligne : c’est le cas de Redact.photo. Ce site gratuit, lancé il y a quelques mois, applique un effet de flou pixelisé très rapidement et très facilement sur n’importe quel cliché. Sur Product Hunt, le concepteur du service indique que tout le traitement se fait du côté de l’internaute, sur son navigateur.
Les internautes qui partagent ces clichés sans faire attention pourraient-ils avoir des ennuis avec la justice ? C’est très théorique. Si cela constitue certes une violation du droit international humanitaire, et que des dispositions pénales peuvent s’appliquer en conséquence, c’est sans doute davantage les règles des réseaux sociaux qui sont susceptibles de s’appliquer d’abord.
Un site comme Twitter dispose d’un règlement intérieur qui exige de la part de ses membres qu’ils respectent un certain nombre de consignes, notamment pour tout ce qui relève de la violence, de la conduite haineuse, de comportement inapproprié ou de médias sensibles. En cas de signalement, la modération pourrait retirer certaines de ces photos et avertir les comptes fautifs.
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