C’était juste après le déclenchement de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Deux jours après l’invasion, le vice-premier ministre de l’Ukraine et ministre de la Transformation numérique de l’Ukraine, Mykhailo Fedorov, lançait un appel à Elon Musk pour qu’il mobilise Starlink afin d’aider son pays à garder un accès à Internet.
Réponse dans la foulée de l’intéressé : « Le service Starlink est maintenant actif en Ukraine. D’autres terminaux sont en route ». À ce moment-là, le milliardaire américain avait le beau rôle : il mettait à contribution son service d’accès à Internet par satellite au profit des Ukrainiens et des Ukrainiennes, dans le cas où les réseaux fixes et mobiles tombaient dans le pays.
Cette aide est effectivement utile sur le terrain. Dans un tweet publié le 7 avril, le vice-ministre montrait tout l’intérêt de ses paraboles mobiles capables d’accrocher un signal satellitaire pour apporter une connexion à Internet à la population. Et tout autour de l’antenne, de nombreuses personnes sont visibles en train d’accrocher un signal en Wi-Fi avec leur smartphone .
« Le village d’Ivankiv, région de Kiev, juste après l’occupation par la Russie. Le fonctionnement de l’électricité et des communications mobiles n’a pas encore été rétabli, mais Starlink est arrivé à temps. Les habitants peuvent enfin dire à leurs proches qu’ils sont en vie. Merci Elon Musk. Votre aide est inestimable pour l’Ukraine », écrit Mykhailo Fedorov.
Mais Starlink ne s’était guère épanché sur la question du financement de cette aide : s’agit-il de dons de la part de l’entreprise ? Est-ce financé par la fortune personnelle d’Elon Musk, qui est milliardaire par les actions qu’il détient dans ses entreprises (Tesla, SpaceX) ? Cette question se posait déjà dans nos colonnes dès le 27 février, après l’activation de Starlink en Ukraine.
La question n’est pas anodine : après tout, Starlink commercialise chaque kit de connexion à un prix très élevé (500 euros à l’époque, et maintenant 600 à la suite d’une hausse pour absorber l’inflation). En outre, la liaison Internet dépend d’un abonnement mensuel lui aussi coûteux : la facture atteint 99 euros chaque mois. Pour SpaceX, c’est un manque à gagner.
Une partie des kits est payée avec des financements publics américains
La réalité s’avère en fait plus complexe et relativise significativement l’effort de Starlink. Le Washington Post a en effet découvert le rôle clé que joue l’USAID — l’Agence des États-Unis pour le développement international, une structure qui est rattachée à la Maison-Blanche et au département d’État. Son rôle est de piloter l’aide extérieure, au nom des USA.
Il apparait que ce sont les États-Unis qui prennent une part de la facture. Dans un communiqué publié le 5 avril, l’USAID déclare avoir livré 5 000 terminaux Starlink au gouvernement ukrainien dans le cadre d’un partenariat public-privé avec le fabricant aérospatial américain SpaceX. Mais une précédente version, retirée depuis, se montrait plus loquace.
On apprenait qu’un tiers de ces 5 000 kits est financée par l’USAID (1 333 très précisément), tandis que le reste (3 667) vient de dons de SpaceX — l’entreprise qui est derrière Starlink.
Précédemment, l’USAID a acheté 175 autres kits, toujours pour les transférer à l’Ukraine, via un transporteur aérien faisant la liaison entre Los Angeles et la Pologne. Les engins sont ensuite acheminés par la route, dans des camions. L’agence a contribué par ailleurs aux coûts de livraison, à hauteur de 800 000 dollars.
Ces kits ont été payés chers, puisque chaque appareil acheté par l’USAID a été payé 1 500 dollars (environ 1 400 euros). C’est loin des prix du marché, mais, selon la presse américaine, Starlink prévoit trois mois de connexion en illimité avec ces kits — c’est-à-dire gratuit. À cela s’ajoutent aussi des frais de mise en service. Ces 1 500 dollars recouvrent peut-être toutes ces dépenses.
Une porte-parole de l’USAID a déclaré que « la livraison des terminaux Starlink a été rendue possible par une série de parties prenantes, dont les contributions combinées s’élèvent à plus de 15 millions de dollars et ont facilité l’achat, les vols internationaux, le transport terrestre et le service Internet par satellite de 5 000 terminaux Starlink. »
La contribution exacte de l’USAID sur le financement de cette aide à l’Ukraine n’est pas connue, mais ces éléments montrent que SpaceX n’a pas pris à sa charge ses différentes livraisons — il y a au minimum une partie de l’effort qui repose sur le budget américain et donc, in fine, sur le contribuable.
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