Portrait de Colossus, le « robot-pompier » construit par Shark Robotics et qui a été utilisé lors de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Avril 2019. Un incendie inédit se déclare à Notre-Dame de Paris. La célèbre flèche s’écroule. Rapidement, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris est envoyée sur place. Elle va combattre les flammes pendant près de 15 heures. Durant l’opération, les soldats du feu ne sont pas seuls : un « robot-pompier » est entré le premier dans la cathédrale en flamme pour évaluer la situation, puis pour épauler les secours.

Prenant la forme d’un rover, il répond au nom de Colossus. Celui-ci est utilisé une dizaine de fois par semaine par les pompiers de Paris sur des incendies d’ampleurs variées. C’est une entreprise française qui en est le concepteur et le fabricant de A à Z : Shark Robotics. La société est la seule en France à fournir des robots pour la sécurité civile.

Fondée en 2016, l’entreprise a livré son premier robot — un Colossus de première génération — aux pompiers de Paris la même année. Il n’aura fallu que huit mois de développement. « Le fait d’avoir associé les pompiers de Paris en bénéficiant de leur expérience pour le développement du robot nous a permis aussi d’avoir une acceptation psychologique du produit », nous précise le fondateur de Shark Robotics, Cyril Kabbara.

Le robot Colossus. // Source : Shark Robotics
Le robot Colossus. // Source : Shark Robotics

Mais un « robot-pompier » ne doit pas seulement entrer dans l’usage des pompiers : il doit répondre à un certain à des critères très stricts qui peuvent tout changer sur le terrain. Colossus doit pouvoir « transporter du matériel, évacuer des blessés, faire de l’assistance respiratoire, faire des missions de reconnaissance/surveillance ». La plupart de ces fonctions correspondent à des modules brevetés par Shark Robotics.

Quels sont les secrets de Colossus ?

Le robot Colossus doit résister au feu

Le premier critère incontournable pour un robot-pompier semble des plus évidents : résister au feu. Tout commence par une mise à l’épreuve : « On met les robots dans de grands fours où l’on vient tester la résistance de nos matériaux et de nos batteries », explique Cyril Kabbara.

Dans les batteries courantes, le lithium-ion est un élément de vulnérabilité : comment éviter qu’elles soient atteintes ? Cela réside d’abord dans l’assemblage : les cellules sont assemblées au laser, ce qui leur confère une résistance aux vibrations. Une autre clé est à trouver dans la dissipation thermique, qui tient à la façon dont les batteries sont encapsulées ; la chaleur ne doit pas s’accumuler dans les composants.

La résistance au feu tient aussi aux matériaux. Aucune parcelle du robot ne doit potentiellement… fondre. Lors de l’incendie de Notre-Dame, Colossus a dû traverser une atmosphère abrasive allant jusqu’à 800 degrés Celsius, et ce pendant plusieurs heures.

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Colossus en action dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. // Crédits : Bastien Guerche – Sécurité Civile

Le seuil maximal est de 900 degrés et la chenille de déplacement est censée tenir jusqu’à 1 000 degrés. Pour atteindre ces seuils sans défaillir, on trouve dans Colossus des thermoplastiques — des plastiques chargés plus robustes face aux hautes températures. De l’aluminium aéronautique est également mobilisé : un matériau léger, qui a la particularité de résister à la chaleur « mais aussi de se déformer et de reprendre sa position initiale », explique Cyril Kabarra. S’ajoutent d’autres matériaux comme des alliages en molybdène, plusieurs types d’acier, du carbone.

Un robot couteau suisse doté de tout un attirail

Lorsqu’il est mobilisé sur le terrain, il est « hors de question que le robot tombe en panne au bout de 2 heures », avertit Cyril Kabarra. Colossus embarque 6 batteries qui, prises ensemble, doivent lui conférer 12h d’autonomieet pas une de moins. Mais il est loin de n’avoir que cela à son bord.

« Hors de question que le robot tombe en panne au bout de 2 heures »

Cyril Kabarra

Un robot comme Colossus ne doit pas seulement résister aux hautes températures et tenir sur la durée, il doit se révéler utile pour les pompiers sur le terrain. Il embarque donc un certain nombre d’outils qui peuvent s’avérer vitaux selon le profil des missions :

  • Un capteur nucléaire radiologique biologique et chimique (NRBC) pour informer le sapeur-pompier sur l’environnement — présence de gaz, de radioactivité ou de matériaux dangereux pour la santé.
  • Un canon à eau.
  • Une tourelle vidéo avec nettoyage automatique de l’optique (qui a tendance à s’encrasser avec les cendres, la poussière).
  • Un dérouleur automatique pour la fibre optique : dans des tunnels ou certains bâtiments, les transmissions peuvent être difficiles, il est donc possible de dérouler un câble fibre derrière le robot, qui se dépose et se rembobine automatiquement, et permet d’avoir des liaisons quoi qu’il arrive.
  • Système d’air respiratoire : des bouteilles sont embarquées, avec un respirateur, ce qui permet de donner de l’air jusqu’à 8 sapeurs-pompiers ou victimes.

Au total, Colossus pèse 500 kg et il peut emmener jusqu’à 1 tonne de matériel. Et avec tout cela, il doit être capable de franchir des marches, des escaliers et de passer un obstacle de 30 cm.

Le robot Colossus dispose également d'une lampe. // Source : Shark Robotics
Le robot Colossus dispose également d’une lampe. // Source : Shark Robotics

Mais l’attirail n’est pas seulement mécanique : il est également électronique. Colossus embarque un système d’exploitation reposant sur la distribution libre Ubuntu sur lequel tournent des briques d’« intelligence artificielle ». Cette IA vient assister l’interface humain-machine pour fluidifier le pilotage, mais induit aussi des automatismes : il faut que le robot soit capable de détecter seul un point chaud, et d’orienter de lui-même le canon à eau vers ce point ; tout comme il doit pouvoir s’orienter de lui-même vers une destination déterminée.

C’est d’ailleurs dans l’IA que se situe la piste d’avenir pour la recherche et le développement chez Shark Robotics : « On travaille à des robots 100 % autonomes », confie Cyril Kabarra auprès de Numerama.

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