Le milliardaire américain incarne certains des pires aspects du réseau social. Mais contrairement aux autres internautes, Elon Musk a 83 millions d’abonnés et utilise Twitter pour influencer les cours de la bourse, l’information et l’opinion publique. Une catastrophe ambulante qui aurait dû être modérée il y a bien longtemps, alors qu’il vient justement de mettre la main sur le réseau social.

Quiconque fréquente Twitter régulièrement connait ce genre de profils. Un compte qui enchaine les publications provocatrices, répond de manière erratique à des inconnus, critique les « bien-pensants », lance des blagues graveleuses. En règle générale, ces internautes sont soit de sombres anonymes, soit des personnalités controversées qui parlent à leurs quelques milliers d’abonnés. Aucun n’a le potentiel destructeur d’Elon Musk.

Le milliardaire, fort de ses 83 millions d’abonnés, utilise depuis des années Twitter pour manipuler les faits, le cours de la bourse et la couverture médiatique de son empire. Et tout le monde applaudit bien fort.

Son profil semble tout droit sorti d’un mème de gauche qui critiquerait les oppressions systémiques : Musk est un homme blanc hétérosexuel de 50 ans, richissime et influent, qui se plaint de ne pouvoir plus rien dire, alors qu’il est l’un des hommes les plus écoutés au monde.

Un tweet d'Elon Musk interrogant ses abonnés sur la liberté d'expression, dont ils seraient soi disant privés. // Source : Capture Numerama
Un tweet d’Elon Musk interrogant ses abonnés sur la liberté d’expression, dont ils sont soi disant privés. // Source : Capture Numerama

Le patron de Tesla et SpaceX, qui a toujours parlé ouvertement des ses troubles de l’autisme, parlant notamment de son « décalage » dans les relations sociales au cours de sa jeunesse, est brillant et iconoclaste. C’est aussi un innovateur qui agit de manière impulsive et dont les entreprises fascinent, de par leur efficacité et leur ambition (la conquête spatiale d’un côté, le tout-électrique de l’autre).

Ces qualités l’ont rendu sympathique auprès de millions de fans (une majorité d’hommes, mais pas que) à travers le monde, qui suivraient le milliardaire dans ses délires les plus fous. Musk inaugure une nouvelle Gigafactory au Texas ? 15 000 personnes font le déplacement pour voir le show, pancartes « Elon tu es notre héros » brandies à bout de bras.

L’homme est en passe de devenir le propriétaire de Twitter, ce qui lui confèrerait un pouvoir jusqu’ici inégalé dans l’histoire des démocraties occidentales. Il ne faudrait pas commettre l’erreur de prendre à la légère les conséquences du rachat de la plateforme par un homme qui aurait dû en être interdit d’utilisation depuis longtemps.

De la même manière que l’on conteste aujourd’hui le monopole de mastodontes comme Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), il serait temps de remettre en cause la force de frappe de personnalités toxiques, qui disposent à la fois d’une puissance financière gigantesque, mais aussi d’une capacité d’influence de l’agenda médiatique démesurée.

Appeler à bannir Elon Musk de Twitter peut sembler complètement idiot, alors que l’intéressé ne cesse de dénoncer la prétendue « censure » du réseau social à son égard. Ne serait-il pas donner de l’eau à son moulin ? Ne risque-t-on pas de renforcer son syndrome de persécution, lui qui ne manque pas une occasion de se plaindre des « wokistes » ? Le paradoxe ne nous a pas échappé. Il s’inspire d’ailleurs de la même mauvaise foi que celle d’un patron milliardaire qui se plaint d’une censure qu’il n’a jamais expérimentée, tant Twitter est déjà laxiste sur le sujet.

C’est pour cette raison que nous retournons le problème, en avançant cet argument parfaitement sérieux : il est temps que Twitter censure vraiment Elon Musk.

Les tweets d’Elon Musk sont souvent stupides, parfois dangereux

Les publications d’Elon Musk sur Twitter vont malheureusement bien souvent au-delà des blagues graveleuses et des multiples références au cannabis. Ses tweets sont très souvent stupides, parfois dangereux.

Le milliardaire a ainsi prédit en mars 2020 que la pandémie de coronavirus prendrait fin en un mois, après avoir assuré que la panique autour du virus était « idiote ». Il a affirmé que les enfants étaient « immunisés » contre le covid.

Il a aussi assuré que les tunnels sous-terrains, comme le métro, étaient « immunisés contre les variations climatiques à la surface », oubliant toutes les fois où les métros sont inondés à cause des intempéries.

En 2018, il a traité un sauveteur de « pédophile », car celui-ci avait simplement remis en cause l’utilité d’un mini sous-marin (en effet inutilisable sur place) pour secourir des enfants coincés dans une grotte en Thaïlande.

Depuis des mois, le milliardaire s’attaque conjointement à Netflix et ses séries inclusives, se moque des personnes trans, parle de « virus woke », et acquiesce lorsqu’un partisan lui dit qu’il s’agirait de « la plus grande menace pour la civilisation

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Mécontent du fait que Bill Gates dispose de positions vendeuses sur Tesla (c’est-à-dire qu’il s’enrichirait si l’action baissait), Musk s’est fendu d’un tweet aussi odieux que ridicule le 23 avril 2022, comparant une photo du milliardaire avec un emoji d’un homme enceint, associé de la phrase : « Pour être assuré de perdre son érection rapidement » (montrant à nouveau son obsession pour les personnes trans). Le gazouillis détestable a été retweeté 150 000 fois.

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Les tweets d’Elon Musk ont un impact sur la finance mondiale

Avec un tweet, Elon Musk est capable de provoquer son propre enrichissement, en influençant directement les cours boursiers. Fasciné par le Dogecoin, une crypto-monnaie qu’il qualifie lui-même de « blague débile », dans laquelle il a investi personnellement, il en a fait monter le cours à plusieurs reprises en modifiant sa biographie Twitter ou en multipliant les gazouillis à son sujet.

Cependant, le « tweet de trop » le plus célèbre de Musk concerne son entreprise Tesla : en 2018, il a affirmé qu’il avait « sécurisé le financement » pour un éventuel retrait Tesla de la bourse, ce qui était non seulement faux, mais avait mis en péril la multinationale. Il en avait perdu la présidence de Tesla, et avait dû payer 20 millions de dollars d’amende.

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Pendant longtemps, les tweets d’Elon Musk ont fait sourire. Beaucoup l’ont considéré comme une sorte de trublion du web inoffensif, qui amuse la galerie avec détachement, apportant une touche d’audace rafraichissante dans un monde très régulé. Elon Musk a réussi ce qu’aucun autre milliardaire n’avait osé avant lui : faire semblant d’être comme tout le monde. Mais Elon Musk n’est pas un simple troll au milieu des autres. S’il l’était, son compte aurait été supprimé il y a bien longtemps. Pour le bien de tous : Twitter doit bannir Elon Musk, avant qu’Elon Musk ne contrôle Twitter. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?

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