D’ici la fin de l’année 2022, Elon Musk sera le propriétaire de Twitter. Vous ne comprenez rien à ce rachat spectaculaire ? Voici des réponses aux questions que vous vous posez peut-être.

Le 25 avril 2022, après 21 jours de manœuvres, Elon Musk a mis la main sur Twitter. Le patron de Tesla et SpaceX s’est engagé à racheter chaque action Twitter en circulation au prix de 54,2 dollars, ce qui lui fera dépenser au total 43 milliards de dollars (21 milliards proviennent de sa future personnelle, le reste de prêts). Ce rachat est historique à bien des niveaux et devrait permettre à Elon Musk de prendre les commandes d’un Twitter sorti de bourse, d’ici la fin de l’année. Il pourra alors effectuer des changements, comme détendre les règles de modération au nom d’une vision maximaliste de la liberté d’expression.

Pourquoi Elon Musk rachète-t-il Twitter ? Pourquoi Twitter a-t-il dit oui ? Faut-il se désinscrire du réseau social ? Dans cet article, Numerama vous propose de courtes réponses à toutes vos questions, afin de vous aider à maîtriser le sujet. N’hésitez pas à utiliser le sommaire pour directement aller vers la question que vous vous posez.

Pourquoi Elon Musk a-t-il racheté Twitter ?

Depuis 2017, Elon Musk fait régulièrement des blagues sur son envie de racheter Twitter. Cependant, jusqu’à maintenant, cela ne traduisait pas une vraie envie de prendre les rênes du réseau social. Avec le temps, Elon Musk est devenu l’une des personnalités les plus populaires de la plateforme. Peu de célébrités utilisent Twitter comme lui. Elon Musk est ce que l’on appelle un « troll ». Il adore se moquer, répondre à des inconnus et utiliser son influence pour s’amuser, provoquer, surprendre. On peut aussi noter une proximité avec ses clients : Elon Musk aime répondre aux questions des propriétaires d’une Tesla et est régulièrement moqué pour ses promesses qu’il ne tient pas.

De toute évidence, Elon Musk porte une affection toute particulière pour ce réseau social, et cet attachement constitue une clé importante pour comprendre ce rachat — l’entrepreneur entend pouvoir modeler le service comme il l’entend afin de le faire évoluer dans des directions qui, d’après lui, sont nécessaires, mais aussi pour ajouter des fonctionnalités qui manquent depuis trop longtemps.

En tant qu’utilisateur très actif de la plateforme, mais aussi homme le plus riche du monde, Twitter n’est pas seulement une entreprise pour l’intéressé. C’est aussi une plateforme mondiale, utilisée partout ou presque. C’est un outil qui peut servir de vecteur d’influence et de médiatisation, un moyen de toucher les foules sans le filtre des médias. Donald Trump pourrait en témoigner. Elon Musk aussi, sans doute. Sans Twitter, la visibilité du chef d’entreprise serait moindre.

La deuxième raison est plus politique. Elon Musk défend une liberté d’expression absolue. Il pense que Twitter est devenu le repère de bien-pensants et veut le « libérer » de ce carcan. Enfin, Elon Musk a aussi beaucoup d’argent et reste un milliardaire imprévisible : on peut difficilement anticiper les actions. Il pourrait aussi donner l’impression que ce rachat est un passe-temps, mais à ce tarif-là, Elon Musk sait très bien ce qu’il fait et a des idées forcément bien précises.

Capture d'écran de l'ancienne biographie Twitter d'Elon Musk // Source : blockblog
Amuseur sur Twitter, Elon Musk a souvent utilisé le réseau social pour faire varier le cours de cryptomonnaies. // Source : blockblog

Qu’est-ce que la liberté d’expression totale ?

Elon Musk est nostalgique de l’ancien Internet, celui où on pouvait dire n’importe quoi sans jamais être sanctionné, comme si on pouvait tout y faire, hors de portée des États. Une sorte de nouveau continent, en somme (la déclaration d’indépendance du cyberespace témoigne bien de cette ambiance des débuts). Selon lui, les dirigeants des principaux sites servent aujourd’hui un agenda politique. Elon Musk dénonce le « wokisme » et la bien-pensance, quitte à être parfois lui-même dans l’excès. Il ne supporte plus ce qu’il vit comme une injustice pour les conservateurs, ou même les ultra conservateurs, et a longtemps envisagé de lancer son propre réseau social, un peu comme Donald Trump avec Truth.

Selon Elon Musk, la liberté d’expression doit être absolue. Si quelqu’un veut raconter des mensonges sur le vaccin ou insulter une personne, il devrait pouvoir le faire sans risquer d’être censuré. Dans son Twitter idéal, la modération doit être réduite au strict minimum, voire absente en pratique. Elon Musk lui-même a parfois été accusé de diffuser de la désinformation, notamment en laissant entendre que le Covid-19 n’était pas important. Pourtant, même le premier amendement de la Constitution des États-Unis sur la liberté d’expression ne permet pas tout.

Elon Musk peut-il vraiment tuer la modération ?

Il peut l’affaiblir, mais certainement pas la tuer. La liberté d’expression a un champ d’application très élargi aux États-Unis, plus qu’en Europe, ce qui devrait lui permettre d’être bien moins strict que la précédente direction (même si Twitter est déjà connu pour son manque de modération, ce qui lui vaut d’ailleurs des ennuis sur le Vieux Continent, de nombreuses associations dénonçant son inaction ou les insuffisances des mesures prises). Par ailleurs, Elon Musk devra rentrer en conformité avec la loi des autres pays. Enfin, même aux USA, on ne peut pas tout dire. Les appels à la violence, par exemple, sont condamnables. Et condamnés.

En France par exemple, la liberté d’expression s’arrête au moment où l’on nuit à autrui. On ne peut pas faire l’apologie de l’esclavage, nier le génocide arménien ou la Shoah par exemple. La désinformation est également combattue, tout comme les appels à la haine ou à la violence, l’homophobie et le racisme. Dans d’autres pays totalitaires, on imagine aussi très mal Twitter devenir un endroit où l’on peut diffuser tout et n’importe quoi. À un moment donné, Elon Musk devra réaliser que son projet n’est que partiellement réalisable, sous peine de blocage. L’Internet de 2022 n’est pas celui des années 2000.

Quels sont les autres changements promis par Elon Musk ?

Dans le communiqué officialisant le rachat de Twitter, Elon Musk donne quelques pistes sur ses envies pour Twitter. Il dit notamment vouloir un algorithme open source (ce qui correspond aux demandes des autorités, qui ne veulent plus que les réseaux sociaux se comportent comme des boîtes noires, sans que l’on sache de quelle façon ils fonctionnent), souhaite mettre fin aux bots et aux faux comptes puis veut vérifier l’identité de tous les utilisateurs — la portée de cette dernière idée reste encore difficilement évaluable. Est-ce la fin du pseudonymat ou est-ce autre chose ?

Autre fait intéressant, Elon Musk sortira Twitter de la cotation en bourse au moment du rachat. Cela veut dire que le réseau social ne sera plus soumis aux mêmes règles de transparence et pourra moins s’attarder sur sa rentabilité. Si Elon Musk est aussi désintéressé qu’il le dit, cela pourrait rendre Twitter plus agréable à utiliser, en retirant peut-être des encarts publicitaires. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Le tweet prémonitoire d'Elon Musk, publié le 7 avril. // Source : Twitter / Elon Musk
Le tweet prémonitoire d’Elon Musk, publié le 7 avril. // Source : Twitter / Elon Musk

43 milliards pour Twitter, est-ce un bon prix ?

Propriétaire de 9,2 % des actions Twitter depuis le 25 mars 2022, Elon Musk a déjà dépensé approximativement 2,9 milliards de dollars dans cette opération. Pour racheter les 90,8 % restants, il mobilise environ 43 milliards de dollars, ce qui correspond à toutes les actions actuellement détenues par des actionnaires (il les rachète 54,20 dollars par action, ce qui constitue une plus-value par rapport à leur cours courant). À la fin de cette opération, et sans doute après avoir négocié avec des actionnaires qui souhaiteraient conserver une part dans Twitter , Elon Musk sera le propriétaire de la plateforme.

46 milliards en tout pour Twitter, est-ce une dépense adéquate ? Cela paraît totalement hors sol. Twitter est dans une bulle depuis longtemps et, en fait, ne vaut pas grand-chose. Certes, Twitter est très populaire, mais il ne gagne pas d’argent. Son modèle économique est nul, comme en témoigne son chiffre d’affaires annuel de 5 milliards de dollars en 2021. pour autant de dépenses annuelles. Twitter perd de l’argent tous les ans.

Dans ces conditions, difficile d’affirmer que la plateforme vaut bien ces 46 milliards de dollars, même si Elon Musk rachète non seulement le réseau social, mais aussi sa marque, sa technologie, sa notoriété auprès du public, sa base d’utilisateurs, son assise sur le web et même du « vocabulaire » (tweeter quelque chose est presque entré dans le langage courant, comme googler). Quoiqu’il en soit, c’était le seul moyen de le sortir de bourse. En revanche, au niveau de l’influence et de la visibilité, Twitter est un canal extrêmement puissant.

Pourquoi Twitter a-t-il accepté sa proposition ?

Elon Musk ne leur a pas vraiment laissé le choix. Le 25 mars, il a d’abord acheté des millions d’actions pour détenir 9,2% de l’entreprise. Entre le 5 et le 11 avril, Elon Musk a fait croire à Twitter qu’il avait envie de rejoindre leur conseil d’administration, afin de les aider à améliorer le service. Au dernier moment, il l’a planté. Le 14 avril, il a annoncé vouloir racheter 100 % de Twitter, provoquant la panique au siège de l’entreprise. Twitter a activé des mesures d’urgence afin d’empêcher Elon Musk de racheter trop d’actions. Quelques jours plus tard, le 22 avril, Elon Musk a annoncé avoir des offres des banques pour financer son projet.

Si Twitter avait dit non à Elon Musk, il serait rentré dans un bras de fer délicat. Le conseil d’administration se doit de servir les intérêts des actionnaires, et l’offre d’Elon Musk était trop généreuse. Pire, Elon Musk lui-même était devenu son plus large actionnaire, ce qui lui permettait de peser sur la direction en cas de désaccord. Accepter son offre était le plus raisonnable, d’autant plus que le plan de financement de Musk était public et crédible. Twitter a préféré lâcher prise.

Quand est-ce qu’Elon Musk dirigera Twitter ?

La revente de Twitter n’est pas immédiate, d’autant plus que Twitter doit d’abord quitter Wall Street. Twitter dit cependant qu’Elon Musk sera son propriétaire d’ici la fin de l’année 2022. En attendant, la direction ne change pas.

Elon Musk lors d'une conférence Tesla au Texas. // Source : Capture d'écran YouTube
Elon Musk lors d’une conférence Tesla au Texas. // Source : Capture d’écran YouTube

Twitter peut-il encore changer d’avis ?

Généralement, les accords de cette ampleur incluent des clauses spéciales. Twitter s’est engagé, mais Elon Musk peut encore renoncer (ou les deux peuvent s’entendre pour laisser tomber). Si cette hypothèse se produit, il est probable qu’un des deux acteurs doive de l’argent à l’autre, pour rupture de contrat (on parle d’1 milliard de dollars de pénalité). Il est peu probable qu’un tel scénario survienne, mais ça reste possible. Elon Musk ne devrait pas être embêté par les autorités de régulation et devrait donc pouvoir aller au bout du rachat.

Est-ce une bonne chose, ou une mauvaise chose ?

Difficile de se prononcer. Sur le papier, il y a assurément du bon à ce changement. Twitter est réputé pour sa lenteur et a été décrié parfois pour avoir pris de mauvaises décisions. Elon Musk peut dynamiser tout ça. La sortie de bourse pourrait aussi permettre à Twitter de ne plus justifier ses dépenses, et donc de faire de meilleurs choix.

Cependant, on peut aussi s’inquiéter de la nature de ce rachat. Est-il souhaitable qu’un seul homme, et non pas une entreprise, détienne le réseau social sur lequel des millions de personnes partagent leurs opinions, mais aussi sur lequel se trouvent des comptes publics, des gouvernements, des journalistes, des autorités publiques ? Peut-on faire confiance à Elon Musk, connu pour son manque de nuance et son combat politique pour la liberté d’expression sans filtre ?

Quels sont les risques causés par Elon Musk ?

Un cas théorique intéressant est apparu peu après l’annonce de l’opération. Que se passerait-il si un État comme la Chine demandait à Elon Musk de fermer le compte d’un opposant politique ? La même problématique pouvait déjà se poser avant, mais Twitter n’avait pas à se soucier de la Chine puisqu’il n’était pas présent là-bas (le site est censuré dans l’Empire du Milieu) et que ses dirigeants actuels n’ont pas des intérêts cruciaux dans le pays.

Elon Musk, lui, détient plusieurs entreprises, dont Tesla. Or le constructeur automobile possède justement une usine en Chine et mise beaucoup sur ce marché — il est devenu stratégique, juste derrière le marché américain. Elon Musk pourrait-il résister à une pression politique, après avoir tant milité pour que Tesla soit bien vu en Chine ? Ici réside sans doute un des enjeux majeurs de ce rachat. Posséder un réseau social, c’est beaucoup de galères. Autre exemple, comment réagirait Elon Musk à l’utilisation de Twitter par un groupe terroriste ? Où s’arrête sa liberté d’expression ?

Elon Musk chez MotorTrend // Source : MotorTrend
Elon Musk à côté d’une Tesla. // Source : MotorTrend

Comment réagissent les responsables de Twitter ? Et les employés ?

Là aussi, les avis divergent. La direction de Twitter semble accepter son sort, des employés s’inquiètent et Jack Dorsey, le cofondateur de Twitter, dit qu’il s’agit de la meilleure option. Il semblerait que Jack Dorsey, comme d’autres, soit très remonté contre la bourse qui a tué Twitter. Ils se félicitent surtout du retour de Twitter sans influence des marchés.

Donald Trump va-t-il revenir sur Twitter ?

C’est une question bonus, mais néanmoins intéressante. Viré de Twitter après les émeutes au Capitole, survenues en opposition à la victoire de son rival Joe Biden, Donald Trump n’a aujourd’hui plus le droit de se rendre sur le moindre réseau social. Sous Elon Musk, cela peut-il changer ? Si l’on applique le concept de la liberté d’expression absolue, c’est probable, d’autant plus que Musk a plusieurs fois pris la défense de Trump. En revanche, l’ancien président américain ferme la porte à un retour pour l’instant, afin de promouvoir son propre réseau social. Si ce dernier ne fonctionne pas (ce qui est probable compte tenu de la fréquentation actuelle), alors un retour sur Twitter sera l’étape d’après.

Faut-il se désinscrire de Twitter ?

Quitter Twitter maintenant n’aurait aucun sens. Les mouvements de désinscriptions d’ampleur n’ont jamais rien de donné dans le temps. Les campagnes appelant à déserter Facebook ou à boycotter WhatsApp ont bien souvent tourné court et les sites communautaires alternatifs restent des plateformes naines à côté des géants bien établis. Et puis il y a une réalité : ce n’est pas parce que vous quittez Twitter que vos contacts vont faire de même. Or, migrer vers une toute nouvelle plateforme pour y être tout seul n’est guère enthousiasmant. Les réseaux sociaux savent que leurs membres sont captifs des liens qu’ils ont sur place.

Notre avis évoluera-t-il dans le futur ? Peut-être. Mais le mieux reste de laisser une chance à Elon Musk, en espérant une bonne surprise.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Abonnez-vous à Numerama sur Google News pour ne manquer aucune info !