C’est une autre conséquence de la guerre en Ukraine. Dans les territoires occupés, la Russie apparaît décidée à isoler la population d’un accès libre à Internet et, donc, aux informations occidentales. C’est en tout cas ce qui semble se jouer à grande échelle dans la ville de Kherson : un détournement du trafic Internet dans cette localité a été observé fin avril 2022.
Dans un tweet publié le 1er mai, l’organisation NetBlocks, qui suit au jour le jour la liberté d’accès à Internet dans le monde entier, a fait état d’une interruption brutale de la connectivité dans cette agglomération. Elle a été restaurée quelques heures plus tard, mais le chemin emprunté par le trafic Internet n’est plus le même que celui fréquenté précédemment.
« C’est confirmé : les mesures indiquent que la connectivité Internet du fournisseur Skynet (Khersontelecom) dans la ville de Kherson occupée par les Russes, dans le sud de l’Ukraine, a été partiellement rétablie et réacheminée via la société russe Rostelecom au lieu de l’infrastructure ukrainienne », est-il écrit. Rostelecom est un très gros opérateur des télécoms russe.
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Kherson est une grande ville du sud de l’Ukraine, peuplée avant la guerre d’un peu plus de 280 000 habitants. Située à une centaine de kilomètres de la Crimée, qui est annexée depuis 2014, elle a été l’une des premières localités d’importance à tomber aux mains des Russes, le 2 mars 2022. Depuis le front s’est déplacé plus au nord, à 50 km, avec des combats au niveau de Mykolaïv.
Pour appuyer ses observations, NetBlocks a ajouté que les traceroutes — des commandes informatiques pour suivre le chemin pris par les données — indiquent que le FAI ukrainien « passe désormais par des infrastructures de télécommunications russes Miranda et Rostelecom plutôt que par celles de l’Ukraine, suite à l’occupation de la région par la Russie ».
Un risque de censure accrue dans les territoires occupés
Cette redirection du trafic Internet fait que les connexions de la zone sont donc soumises désormais à la réglementation, à la surveillance et à la censure de l’Internet russe, prévient NetBlocks. C’est d’ailleurs vraisemblablement pour cela que ce re-routage a été mis en œuvre, envisagent plusieurs observateurs à la suite des messages de l’organisation.
Avec cette redirection, « il est plus facile de censurer l’accès aux informations indépendantes », fait observer Tanya Lokot, chercheuse à l’université de Dublin et spécialiste du net russophone. Un son de cloche partagé par Gissur Simonarson, directeur technique de la société Cloud Sherpa. C’est le signe que Moscou veut faire entrer ces Ukrainiens dans les bulles de désinformation russes.
Ces manœuvres pourraient servir au Kremlin pour diminuer l’hostilité locale des populations envers les forces russes, qui ne sont pas reçues favorablement par la population, y compris dans les régions les plus russophones et les plus proches des frontières russes. En les éloignant des informations occidentales et ukrainiennes, Moscou espère peut-être amoindrir la résistance sur place.
Ce détournement dans les télécoms pourrait aussi accentuer la pression sur la population, à cause de l’espionnage du trafic qui risque d’avoir lieu sur les réseaux, surtout si celui-ci n’est pas bien protégé avec du chiffrement. De fait, la présence de liaisons sécurisées HTTPS et l’emploi de réseaux privés virtuels (VPN) dans les régions occupées deviennent d’une importance critique.
L’emploi de liaisons Starlink à Kherson apparait être une solution de repli difficile à mettre en œuvre. Le territoire étant contrôlé par les Russes, il est forcément très compliqué, voire impossible, d’accéder dans ces régions sans danger. En outre, il est possible que les éventuelles paraboles déployées dans la ville deviennent des cibles militaires.
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