Près de 9 mois après les débuts du bitcoin comme monnaie officielle au Salvador, la crypto-monnaie est encore loin d’être adoptée par beaucoup dans le pays. C’est ce que dit une étude, menée par le National Bureau of Economic Reseach, un laboratoire de recherche américain.
Les conclusions des chercheurs ont été compilées dans un article, publié à la fin du mois d’avril 2022. Et leurs observations sont sans appel : le bitcoin est loin de rencontrer le succès espéré parmi la population la plus pauvre du pays. Et contrairement à ce qu’annonçait le président salvadorien, Nayib Bukele, la crypto-monnaie ne profite pas aux personnes sans accès à un compte bancaire.
Le bitcoin ne concerne que la partie la plus riche de la population
Selon l’étude, seulement 68% des Salvadoriens et Salvadoriennes connaissent l’existence de Chivo, le porte-monnaie crypto mis en place par le gouvernement. Une large campagne de communication avait pourtant été organisée avant l’arrivée du bitcoin dans le pays, et depuis le mois de septembre Chivo est souvent mis en avant sur Twitter par le président, un fervent admirateur des crypto-monnaies. La probabilité de connaître Chivo et de s’en servir comme moyen de paiement est plus forte pour les personnes « jeunes, éduquées, possédant un compte bancaire ». La séparation se fait également au niveau du genre, selon l’étude : les hommes sont plus susceptibles d’utiliser le bitcoin que les femmes.
Mais le fait de connaître de Chivo ne fait pas tout : l’étude rapporte que seulement la moitié des Salvadoriens au courant de son existence l’ont téléchargé, largement motivés par les 30 dollars offerts par le gouvernement. En tout, 40 % des téléchargements ont eu lieu en septembre 2021, lors du lancement de Chivo, et les chiffres n’ont fait que baisser après coup. Depuis 2022, selon les chercheurs, il n’y aurait eu « virtuellement aucun téléchargement de l’app ». Et, encore une fois, ce sont surtout les jeunes hommes éduqués qui ont profité du porte-monnaie crypto.
Au final, l’utilisation du bitcoin comme moyen de paiement reste encore très faible. La majorité des Salvadoriens auraient utilisé Chivo seulement pour recevoir le bonus de 30 dollars. « Moins de la moitié des personnes ayant téléchargé le porte-monnaie ont continué de l’utiliser après avoir dépensé le bonus » : au final, 75% des personnes ayant entendu parler de Chivo ne l’auraient pas téléchargé sans le bonus de 30 dollars. Selon les chercheurs, seulement 20% des répondants utilisent le bitcoin pour régler leurs achats.
Ce chiffre est à mettre en parallèle avec ce qu’avait annoncé Nayib Bukele en octobre, lorsqu’il s’était vanté sur Twitter des 3 millions de Salvadoriens qui, selon lui, utilisaient Chivo. Sur les 6,5 millions d’habitants que compte le pays, cela aurait représenté 46% de la population. Quelques mois après, il semblerait que la réalité soit tout autre.
Pourquoi les chiffres sont-ils si bas ?
Comment expliquer qu’il y ait si peu d’utilisateurs ? Premièrement, par le fait que peu de commerces eux-mêmes utilisent le bitcoin. Seulement 20% des entreprises interrogées par les chercheurs ont indiqué accepter la crypto-monnaie comme moyen de paiement, et il s’agit dans l’immense majorité de gros groupes.
La plupart des petits commerçants ne sont pas équipés pour accepter les bitcoins, et ceux qui ont sauté le pas ont souvent fait marche arrière. Comme l’expliquait le média Rest of World au mois de mars, même sur « Bitcoin Beach », un endroit très fréquenté par les amateurs de crypto, la plupart des commerçants sont revenus de leur expérience avec les crytpo-actifs.
Au total, seulement 4,9% de toutes les transactions dans le pays seraient effectuées en bitcoin, selon les auteurs de l’étude. Parmi les commerces qui acceptent la crypto-monnaie, la grande majorité convertirait immédiatement les sommes en dollars, de peur de l’effondrement de la valeur.
La très forte volatilité du bitcoin est un frein important à son adoption : le cours de la crypto-monnaie n’est pas stable, et peut parfois varier très fortement au cours de la même journée. Pour les commerçants, suivre le rythme et ajuster constamment les prix en fonction des dernières tendances est impossible, et refroidit de nombreuses personnes, comme a pu le constater Rest of World.
Il faut rajouter à cela le fait qu’une partie de la population du Salvador n’a pas de smartphone, un point essentiel pour les paiements en bitcoin, et qu’il existe des problèmes techniques. Un restaurateur, interrogé par Rest of World, explique avoir perdu une transaction de 25 dollars à cause d’une erreur, ce qui l’aurait convaincu d’abandonner pour de bon le bitcoin.
Au final, « malgré le statut légal conféré au bitcoin et les actions du gouvernement pour encourager l’usage du bitcoin, la crypto-monnaie n’est pas un médium d’échange largement accepté au Salvador », conclut l’étude. Pour l’instant, l’ambition du président, qui était de faire du bitcoin la banque des personnes n’ayant habituellement pas accès au système bancaire, n’est pas encore près de se réaliser.
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