La guerre que se livrent Moscou et Kiev est aussi une bataille pour le contrôle des réseaux en Ukraine, en marge de l’affrontement dans le cyberespace qui se joue depuis le début du conflit. Un exemple de cet affrontement à bas bruit pour les télécommunications est apparu au tout début du mois de mai avec la ville de Kherson, dans le sud du pays.
Une coupure d’Internet, suivie d’un re-routage via la Russie
Fin avril, une interruption brutale d’Internet avait été relevée dans cette localité située à quelques dizaines de kilomètres au-dessus de la Crimée, un territoire annexé par la Russie en 2014. La connectivité avait fini par être rétablie, mais il avait été constaté que le « chemin » pris par les données n’était plut tout à fait le même qu’auparavant.
Autrement dit, au lieu de circuler sur les réseaux ukrainiens, le trafic Internet se déplaçait désormais sur des infrastructures étrangères — en l’occurrence ceux des opérateurs russes Miranda et Rostelecom. Des observateurs soulignaient alors le risque, pour la population de Kherson, d’être affectée par la censure et la désinformation russes, et d’être la cible d’un espionnage numérique.
Un risque qui est aujourd’hui en passe d’être écarté, du moins pour l’instant. Le vice-premier ministre et ministre de la Transformation numérique de l’Ukraine, Mykhailo Fedorov, affirme dans un tweet publié le 4 mai que les communications ont été pleinement rétablies, évoquant la présence de trois opérateurs sur la zone pour assurer la connectivité de la ville.
« Je suis heureux de confirmer que la connexion télécom est entièrement rétablie à Kherson. Trois opérateurs télécoms sont à nouveau disponibles. Cher Kherson, les problèmes de service étaient temporaires, tout comme l’occupation russe. Un travail conjoint remarquable des autorités locales et des entreprises de télécommunications », est-il écrit.
Les affirmations du ministre ukrainien ont été confirmées de manière autonome par NetBlocks. Il s’agit d’une initiative née en 2017 pour suivre et documenter la liberté d’accès à Internet dans le monde. Selon ses mesures, le trafic repasse bien par les infrastructures ukrainiennes — ce que montre un « traceroute », une commande informatique montrant le trajet des données.
Dans un message publié le 4 mai, le Service d’État des communications spéciales et de la protection de l’information d’Ukraine, qui est l’équivalent ukrainien de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information en France, a condamné cette tentative de détournement des liaisons. Le service, appelé DSSZZI, est très occupé sur le front du cyber depuis le début de la guerre.
« Il s’agit d’une violation flagrante du droit international. Nous avons déjà demandé à l’Union internationale des télécommunications [une agence des Nations unies, ndlr] d’imposer des sanctions appropriées à la Russie et d’annuler l’adhésion du pays agresseur à l’Union », a exigé Yuii Shchyhol, le directeur du DSSZZI, dans un communiqué.
Ce qu’il s’est passé à Kherson n’est toutefois que le sommet de l’iceberg et qu’il y a d’autres localités qui se trouvent aussi dans cette situation. « Les communications seront rétablies dans tous les territoires actuellement contrôlés par les Russes. Cela se produira dès que ces territoires seront libérés ou que les opérateurs de réseau pourront accéder à l’infrastructure », a ajouté Yuii Shchyhol
« La même chose s’est produite dans les régions que la Russie a prises après 2014. En plus de la surveillance et de la censure, générer des profits pour l’État est un élément important », indiquait d’ailleurs le 3 mai Dlshad Othman, un expert en sécurité informatique chez Amazon, en référence à la Crimée. Avant d’ajouter que ce type de séparation « se produit partout. »
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