« Nous sommes heureux d’annoncer que Binance a été enregistré comme prestataire de services sur actifs numériques par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), avec l’approbation de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). » C’est par cette phrase un peu alambiquée que Binance a annoncé par communiqué de presse le 4 mai 2022 l’une des plus importantes nouvelles pour son activité européenne.
La plateforme d’échange crypto, l’une des plus importantes au monde, exerçait déjà dans le pays : il était notamment possible pour les Françaises et Français d’ouvrir un compte sur Binance. Mais l’enregistrement lui permet désormais d’exercer d’autres activités en France légalement — et surtout, de faire valoir aux autorités financières du monde entier que l’AMF lui a accordé un statut de confiance.
L’enregistrement en tant que prestataire de services sur actifs numériques, c’est quoi ?
Binance a été enregistrée en tant que prestataire de services sur actifs numériques, abrégé PSAN dans le jargon. Les PSAN sont des intermédiaires financiers qui proposent différents services relatifs à l’investissement en crypto-actifs, précise l’AMF. Ces services sont, entre autres, « l’achat/vente de crypto-actifs contre des monnaies ayant un cours légal (Euro, Dollar, etc.), l’échange de crypto-actifs contre d’autres crypto-actifs, la conservation de crypto-actifs ou l’accès à des crypto-actifs », etc.
Binance n’est pas le seul organisme à avoir cet enregistrement : une trentaine d’autres plateformes sont reconnues comme PSAN, notamment la française Coinhouse. C’est à l’AMF, en lien avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de valider les demandes d’enregistrement PSAN, après de nombreux examens. Est notamment vérifié le fait que les plateformes sont conformes à la « réglementation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme », et que les dirigeants sont « honorables et compétents », précise l’AMF sur son site. Il existe une étape supplémentaire, celle de l’agrément — mais pour l’instant, aucune plateforme crypto ne l’a reçu. Binance France, contacté par Numerama, a déclaré qu’obtenir cet agrément était un objectif, mais que la plateforme souhaitait pour l’instant rester sur l’enregistrement.
Il est nécessaire pour les plateformes d’être enregistrées en tant que PSAN afin d’exercer certains types d’activités en France. Binance peut ainsi commencer à faire de la communication de manière plus active, ce qu’elle n’avait pas le droit de faire avant. « On peut enfin commencer le dialogue et entrer en contact avec les Français », indique à Numerama David Prinçay, le directeur de Binance France.
Pourquoi l’enregistrement est important
L’enregistrement permet aux PSAN de faire des campagnes de pub — et de mettre des affiches dans le métro, entre autres. David Prinçay souhaite ainsi faire un travail de communication pour faire connaître la marque aux Français, mais surtout, apporter de la pédagogie sur les questions crypto, indique-t-il. « La prochaine étape, c’est celle de l’éducation. Pour l’instant seulement entre 8 et 12% de la population a un portefeuille crypto, et si on veut aller plus haut, il va falloir éduquer. »
Concrètement, pour les Françaises et Français déjà utilisateurs de Binance, l’enregistrement auprès de l’AMF ne va pas changer grand-chose, comme pour les personnes qui souhaitent rejoindre le site maintenant. L’enregistrement est surtout important pour Binance d’un point de vue réglementaire. Car en plus de pouvoir faire de la pub, le fait d’être enregistré auprès de l’AMF confère surtout à la plateforme beaucoup de crédibilité.
« Les autorités françaises ont une renommée internationale, explique David Prinçay, donc recevoir un enregistrement en France envoie un signal fort aux autorités financières du monde entier, et permet de les rassurer. » Binance est dans le viseur de nombreux régulateurs financiers : la plateforme a été partiellement interdite en Angleterre en 2021 et a dû retirer ses services de la province de l’Ontario, au Canada. Elle est aussi soupçonnée en Allemagne d’avoir proposé un produit qui aurait enfreint la réglementation fiscale du pays. La justice américaine a également lancé une enquête sur la plateforme, et l’Agence des services financiers du Japon (JFSA) a adressé un avertissement à Binance l’année dernière.
Après de tels déboires réglementaires, le fait que la France enregistre Binance est donc une excellente nouvelle pour la plateforme — d’autant plus qu’il s’agit du premier pays européen à leur accorder l’enregistrement, un symbole de taille. « La décision de la France va aider les autres régulateurs, et va les rassurer », assure David Prinçay. « Ça assoit leur légitimité », complète Claire Balva, la directrice Blockchain et Crypto de KPMG. « Il y avait de la suspicion et des incertitudes sur leur respect de la réglementation. Le fait d’être enregistré en France, ça vient vraiment balayer les doutes, et cela leur permet aussi de dire qu’ils respectent les règles ».
La France, leader européen des crypto ?
Il n’y a pas que pour Binance que la nouvelle est importante : elle l’est également pour tout le secteur crypto en France. La plateforme a des ambitions et veut faire de la France son siège européen. « La France a toutes les armes pour devenir un pays leader de la blockchain en Europe », indique David Prinçay, et Binance ne veut pas manquer l’occasion. « C’est pour ça qu’on a un incubateur à station F, qu’on est en train d’installer des bureaux à Paris, et qu’on cherche à recruter 250 personnes. »
Il y a pourtant à peine un an, la plateforme refusait l’idée d’avoir un siège global, préférant rester « comme le bitcoin », libre de s’installer partout. « Quand on s’est créé, on voulait être décentralisé, reconnait David Prinçay, mais maintenant, ce n’est plus le Far West, il y a des régulations. Et pour passer à la prochaine étape, il faut que Binance se structure. » Et donc, qu’elle le fasse en France.
L’arrivée de Binance suffira-t-elle pour faire de la France un pays leader de la blockchain ? Pour Claire Balva, leur installation est « une bonne nouvelle », mais elle n’est pas sure que cela suffise pour faire de la France une future place forte des crypto. « Il faut une vraie présence, et surtout, tout un écosystème. Il faudrait aussi qu’il y ait des messages positifs de la part du gouvernement », par exemple en termes de fiscalité. La flat taxe de 30% sur les crypto pousseraient certaines entreprises vers la Suisse et le Portugal, plus souples sur la taxation.
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