L’avenir de l’accès à l’information en ligne se résumera peut-être un jour à la question suivante : préférez-vous accepter des cookies traceurs et accéder au site gratuitement ou souhaitez-vous les refuser et payer une petite somme en échange ? C’est en tout cas dans cette direction que le web français se dirige, avec l’émergence des « cookies walls », depuis plusieurs mois.
Vous avez certainement déjà croisé ces « murs à cookies ». Il s’agit d’une fenêtre qui apparaît en surimpression quand vous vous rendez sur un site, et qui vous demande de faire votre choix : préférez-vous l’accès gratuit, mais soumis aux cookies publicitaires, ou bien l’accès sans ces traceurs, contre quelques euros, et pour une durée variable (un mois, généralement) ?
Des sites comme Allociné ou JeuxVidéo.com, qui appartiennent au groupe Webedia, ont ainsi sauté le pas depuis 2021. Cette nouvelle approche a nourri des questions légitimes : est-ce que cette manière de faire est licite ? La liberté de consentement est-elle remise en cause avec un choix qui peut apparaître orienté ? En somme, est-ce que la pratique est conforme au RGPD ?
La question avait été tranchée en 2020 par une décision du Conseil d’État. « la Cnil ne peut légalement interdire dans ses lignes directrices les cookie walls », avait lancé la plus haute juridiction de l’ordre administratif français. En l’espèce, la Cnil avait « excédé ce qu’elle pouvait légalement faire » en cherchant à obtenir une interdiction globale de ces « murs de traceurs ».
Pour autant, l’absence d’interdiction générale concernant les cookies walls ne signifie pas qu’il est permis de faire n’importe quoi avec. Et c’est justement à ce niveau que la Commission nationale de l’informatique et des libertés entend agir, en définissant des critères d’évaluation afin de dire si tel ou tel cookie wall est licite ou s’il s’avère excessif.
Les sites ne doivent pas abuser de leur position avec des tarifs excessifs
Dans une note publiée le 16 mai, l’autorité de protection des données personnelles a ainsi partagé ses « premiers critères d’évaluation ». Ces indicateurs ont vocation à s’appliquer à tout le monde, mais en tenant compte du cas par cas. Ce faisant, il n’est pas possible pour la Cnil de définir dans l’absolu un montant fixe qu’il faudrait verser en alternative aux cookies traceurs.
Autrement dit, un site pourrait être légitime pour proposer un paiement de deux euros pour accéder à son contenu pendant 1 mois sans cookie publicitaire, tandis qu’un autre pourrait l’être tout autant avec une facturation d’un, cinq ou pourquoi pas dix euros. En fait, la Cnil indique que l’alternative payante doit reposer sur un « tarif raisonnable ».
Peut-on apprécier objectivement ce qu’est un tarif raisonnable ? En la matière, la Cnil déclare qu’un tel montant est celui qui n’est pas de nature à priver les internautes d’un vrai choix. En effet, si le prix est trop élevé, les internautes seront enclins mécaniquement à aller sur l’acceptation des cookies et, ce faisant, la liberté du consentement définie par le RGPD serait faussée.
Cette analyse ne peut se faire qu’au cas par cas. La Cnil demande à ce titre que le gestionnaire du site web soit « en mesure de justifier du caractère raisonnable de la contrepartie monétaire proposée ». Et pour cela, il faut que le gérant puisse rendre publique la façon dont il est parvenu à ce montant, et pourquoi il est valable pour un temps seulement. C’est une question de transparence.
Ce critère du prix n’est pas le seul retenu par la Cnil, mais il est assurément central, car il est au cœur d’un mécanisme devant aboutir à deux chemins possibles pour le public. D’autres facteurs sont aussi mentionnés. Par exemple, des cookies traceurs peuvent-ils quand même être déposés, même si l’on choisit l’accès payant et que l’on refuse les cookies ?
L’usage des cookies walls s’avère relativement nouveau et son cadre s’avère encore fluctuant — la Cnil dit ainsi attendre une éventuelle intervention de la Cour de justice de l’Union européenne, qui viendrait fixer des lignes directrices. En attendant, la Cnil établit les siennes. Car selon l’autorité, les plaintes s’accumulent. Tout comme l’incompréhension du public.
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