Mercredi 18 mai, Alexandre Bompard, le patron de Carrefour, a eu l’idée de publier une vidéo de 52 secondes présentant « un entretien d’embauche dans le métavers », accompagné du message « Carrefour innove, apprend, surprend ! ». Sans surprise, il n’a fallu que quelques minutes pour la que la twittosphère s’emballe, dénonçant l’horreur des graphismes, l’inutilité d’un tel dispositif et le côté ridicule d’une telle expérience.
Alexandre Bompard n’a pas répondu au buzz, mais sa vidéo a déjà été vue plus de 1 million de fois. Autrement dit, on peut dire que le coup de com’ est réussi.
Au sein de la rédaction de Numerama, nous nous sommes demandé comment traiter le sujet. Fallait-il rentrer dans la tendance et se moquant de Carrefour ? Tenter de comprendre sa démarche et saluer l’innovation ? En passant quelques coups de fil, nous avons surtout compris que ce qui était dénoncé depuis plusieurs heures… n’était pas vraiment ce que tout le monde pensait.
Ce n’est pas de la réalité virtuelle
Dans la vidéo publiée par Alexandre Bombard, on nous présente une conférence au bord de la mer avec un speaker sans bras, derrière un pupitre et une cinquantaine de candidats en face de lui. Aucun ne bouge. Les graphismes sont en effet de très mauvaise qualité et ne donnent pas l’impression qu’il y existe de vrais avantages par rapport à Zoom ou Google Meet.
De quoi s’agit-il réellement ? Premièrement, l’expérience « métavers » de Carrefour ne s’est pas déroulée dans la réalité virtuelle. C’est l’entreprise française VR-Académie qui a proposé ce dispositif à Carrefour (elle avait déjà organisé une conférence de presse Orange, à laquelle nous avions participé). VR-Académie nous indique que le site Frame a été choisi. Il s’agit d’un service qui ne fonctionne que depuis un navigateur (même si on peut la faire marcher dans un casque VR en passant par le site). VR-Académie a fabriqué une salle virtuelle pour Carrefour et a expliqué aux 50 participants comment s’y connecter, depuis leur navigateur. C’est ce qui explique leur immobilisme. Pour la plupart d’entre eux, il ne s’agissait que d’un entretien vidéo.
Peut-on alors parler de métavers ? La réponse est oui. Contrairement à ce que certains peuvent penser, le métavers n’est pas forcément dans la réalité virtuelle. Même si cette forme-là n’a rien à voir avec celle vendue par Facebook, qui promet un monde ouvert façon Ready Player One, elle a le mérite d’exister. Les graphismes sont mauvais, puisque n’importe quel navigateur doit pouvoir les faire fonctionner.
Une confusion volontairement entretenue ?
Bien sûr, on peut maintenant se demander quel est l’intérêt pour Carrefour de tester cette technologie. Certains saluent sa volonté de tester de nouvelles choses, et il serait difficile pour nous de le lui reprocher. Faire preuve d’un peu d’esprit critique n’est toutefois pas superflu.
Il s’agit avant tout pour Carrefour d’avoir un moyen de faire parler de lui, comme notre article en témoigne d’ailleurs. La firme souhaite associer son nom au terme « métavers » et, indirectement, faire croire à l’existence d’entretiens en réalité virtuelle. On le rappelle une nouvelle fois : ce n’est pas le cas. Pour les candidats, il s’agissait d’un entretien… presque normal.
En janvier 2022, Carrefour avait annoncé acheter une parcelle dans le métavers Sandbox qui, pour le coup, s’imagine un peu plus devenir le monde virtuel du futur. Avec son tweet, Alexandre Bompard a sans doute voulu intentionnellement laisser penser qu’il s’agissait de la fameuse parcelle. Il s’agit en réalité d’une simple salle Frame, orchestrée par Académie-VR.
En conclusion, Carrefour joue à une version hybride entre les Sims et Animal Crossing, tout en faisant croire qu’il est déjà dans Ready Player One. Pas vraiment de quoi fouetter un chat.
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