Il avouait prendre du plaisir à regarder « mourir » des cryptomonnaies et des entreprises. Le karma semblait lui être revenu en pleine face avec l’effondrement de sa blockchain Terra. Pourtant, la mégalomanie de Do Kwon en ressort moins abîmée que les finances de ses utilisateurs. Le cofondateur a même convaincu la communauté de valider son plan de sauvetage, pourtant si décrié.
Fake it till you make it. L’aphorisme de la fructueuse imposture qu’on prête souvent aux startuppeurs semble taillé sur mesure pour Do Kwon. Ce trentenaire diplômé de Stanford, la prestigieuse université de la Silicon Valley, passé en un éclair chez les géants Apple et Microsoft, s’était bâti une réputation sur des promesses : offrir au monde la moins volatile et la plus facilement utilisable des cryptomonnaies. La prophétie avait attiré 40 millions d’utilisateurs au lancement de son entreprise, Terraform Labs, en janvier 2018.
Il faut reconnaître que son écosystème avait rapidement suivi ses belles paroles, Terra se hissant en deuxième position mondiale des blockchains de la finance décentralisée (DeFi). Son stablecoin algorithmique, l’UST, trônait jusqu’il y a peu sur la troisième place du podium international des monnaies digitales dites stables. Et son token siamois, le LUNA, avait touché en avril un sommet historique à près de 120 $ l’unité.
L’éclipse de LUNA/UST était-elle inscrite dans les astres ?
La suite est connue, quasiment déjà entrée dans les manuels d’histoire. La chute couplée de l’UST et du LUNA a entraîné par le fond Terra, devenu le Titanic de la crypto. 50 milliards de capitalisation de marché ont disparu dans la « spirale de la mort », cette hémorragie financière que de nombreux analystes prédisaient depuis des années. Un mal inhérent aux fameux stablecoins algorithmiques reposant sur un mélange paradoxalement instable de code et d’ingénierie financière. Do Kwon avait pourtant passé des mois à assurer qu’une crise de liquidités avec ses cryptomonnaies était peu probable compte tenu de toutes les activités les impliquant.
Un succès qui profitait avant tout au « master des stablecoins », comme Kwon se présente toujours sur Twitter. Sa fortune étroitement liée à Terra avait enflé à vue d’œil, au point d’atterrir sur les radars du gendarme boursier américain. Un bras de fer juridique a déjà lieu en ce moment devant les tribunaux de New York pour ne pas avoir à honorer une assignation à comparaître. Reste à savoir comment son patrimoine survivra et si les cryptos de Terra sont définitivement mortes.
« Renaissance du réseau », vraiment ?
Terra 2.0. Voilà la solution, le plan de relance imaginé par Do Kwon et ses développeurs pour tourner la page du krach de l’UST. En substance, il s’agit de créer une nouvelle blockchain, sans le stablecoin algorithmique incriminé, Terra valant prétendument plus que l’UST, a insisté son cofondateur. L’ancienne chaîne serait rebaptisée Terra Classic et la nouvelle deviendrait un réseau « entièrement détenu par la communauté. »
En théorie, les actifs de trésorerie restants de l’équipe Terra devraient être redistribués aux «petits» investisseurs en fonction de ce qu’ils détenaient sur l’ancienne chaîne et de leur ancienneté.
« Laissons mourir Terra », ont exhorté certains observateurs critiques, en référence ironique aux envolées médiatiques de Do Kwon qui, 8 jours avant l’effondrement, prédisait la mort de 95 % des cryptomonnaies. « Mais il est aussi divertissant de voir des entreprises mourir », avait-il cru bon d’ajouter. Laisser les auteurs d’un réseau défaillant relancer froidement la même machine infernale avec quelques retouches cosmétiques paraît regrettable. De surcroît avec l’argent de victimes crédules qui « ont commis l’erreur de faire confiance à Kwon en premier lieu ». Il faut reconnaître que l’alternative de relance s’appuie sur le découplage du LUNA et de l’UST alors que ce dernier constituait la pièce maîtresse de l’écosystème Terra.
« Cela ne fonctionnera pas. La nouvelle blockchain n’aura aucune valeur. C’est de la pensée magique », a même raillé Changpeng Zhao, le patron de la plus grande crypto-bourse du monde, Binance.
La proposition de Do Kwon a en tout cas été soumise au référendum en ligne. À l’heure d’écrire ces lignes, la veille de l’échéance du suffrage, quelque 284,5 millions de votes ont été validés. La balance penche en faveur du plan, à hauteur de 65,8 %. On constate plus d’abstention (21,5 %) que d’opposition ferme avec véto (12,4 %). Le marché ne s’en émeut guère. L’UST s’échange actuellement contre 0,064 $ l’unité et ne pèse plus « que » 696 millions de dollars. Tandis que son alter ego le LUNA, sombrant à 0,00016 $ pour 1 milliard $ de market cap, est estampillé comme actif « extrêmement volatile demandant la plus grande précaution. »
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