« Ouvrir la voie à un avenir numérique aux possibilités infinies ». Le slogan du projet Sango pourrait faire penser à celui de n’importe quelle jeune entreprise du numérique. Mais il s’agit d’un projet officiel extrêmement ambitieux, mené par le gouvernement centrafricain, et dont le but est de transformer le pays en un hub africain des crypto-monnaies.
« Après la décision unanime de l’Assemblée nationale de faire du bitcoin une monnaie officielle, nous sommes heureux de pouvoir vous présenter notre première initiative concrète ! », a tweeté le président de la République centrafricaine, Faustin-Archange Touadéra, le 24 mai 2022. « Elle va au-delà de la politique et de l’administration, et a le pouvoir de transformer le système financier de la Centrafrique ! »
Le pays est devenu le 2e au monde à reconnaitre le bitcoin comme une monnaie officielle en avril 2022, mais n’a pour l’instant pas les infrastructures nécessaires pour en permettre l’utilisation : seulement 11,4 % de sa population est connectée à Internet. Malgré l’enthousiasme du président, il n’est pas dit que le projet Sango arrive, un jour, à sortir de terre.
Qu’est-ce que le projet Sango ?
Le site dédié au projet Sango est encore assez mystérieux, et il faut obligatoirement s’inscrire à la liste d’attente afin d’avoir accès à un PDF de plusieurs pages détaillant le projet pour avoir plus d’informations. Selon le document, le projet a trois objectifs :
- Créer le premier « crypto-hub africain », qui accueillerait les entreprises et des « crypto enthousiastes »,
- « Amener l’héritage du bitcoin au niveau supérieur »,
- Construire « Sango, l’île Crypto ».
Les prochaines étapes du projet sont censées avoir lieu « avant la fin de 2022 », d’après le document. Il est ainsi précisé que la Centrafrique doit créer un cadre légal pour toutes les crypto-monnaies — un cadre qui est censé exister depuis la signature de la loi faisant du bitcoin une monnaie officielle. À grand renfort de photos représentant des bâtiments à l’allure futuriste, le document explique que Sango accueillera un programme de « e-residency digital », que les entreprises partenaires et les entrepreneurs n’auront ni taxes ni impôts à payer, et qu’il sera possible pour les investisseurs étrangers d’acquérir la nationalité centrafricaine.
Le projet doit également permettre la création de la Banque Nationale Digitale de la Centrafrique. Surtout, l’État « soutiendra complètement » les projets crypto souhaitant s’installer en Centrafrique, et s’engage à donner accès aux nombreuses ressources naturelles du pays, telles que l’or, les diamants, l’uranium, les minerais de fer, etc.
« Comme le gouvernement est le principal propriétaire de Centrafrique, ce dernier facilitera l’acquisition de terrain en bitcoin pour les investisseurs du monde entier », est-il également indiqué. Enfin, l’île Sango sera aussi présente dans le métaverse, et permettra aux entreprises de créer des NFT.
Véritable projet, ou espoirs flous ?
La lecture du PDF ne permet pas de répondre à beaucoup de questions. Il n’est jamais expliqué ce qu’« amener l’héritage du bitcoin au niveau supérieur » veut véritablement dire, ni où cette île crypto pourrait être installée, ni comment les infrastructures seraient montées, etc. Il est rapidement question de la Central African Backbone, un projet de connexion à la fibre optique, mais il n’est jamais expliqué quand ni comment il pourrait permettre aux habitants du pays de se connecter (pour l’instant, seulement 11,4% de la population a accès à Internet).
Le projet Sango est extrêmement ambitieux, mais il manque beaucoup d’informations concrètes sur les plans de réalisation. Il est donc difficile aujourd’hui de savoir si le projet pourra véritablement voir le jour. D’autres projets crypto utopistes ont essayé de se lancer, avant de finalement échouer. C’est notamment le cas d’Akon City, projet de ville futuriste du chanteur Akon, ou de CryptoLand, dont le but était de faire une île consacrée au bitcoin. Les deux projets, lancés en grande pompe, sont depuis au point mort.
Sango pourrait connaitre un sort similaire et tomber dans l’oubli, ou bien n’être qu’une vaste tentative d’arnaque. Mais le projet d’île crypto pourrait aussi être utilisé à des fins géopolitiques. De nombreux observateurs estiment que la Russie aurait utilisé son influence en Centrafrique afin de faire adopter le bitcoin comme monnaie légale. Le pays est en effet très impliqué dans la région : depuis 2020, des paramilitaires russes soutiennent le président centrafricain contre les différents groupes rebelles, et l’aident à rester au pouvoir.
Le fait que la Centrafrique, un pays ami, utilise des cryptos, pourrait éventuellement aider la Russie à échapper aux sanctions internationales qu’elle subit depuis son invasion de l’Ukraine. Mais avec Sango, la Russie pourrait aller plus loin : le fait que la Centrafrique s’engage à fournir des ressources naturelles aux investisseurs crypto n’est pas anodin. Le pays est en effet riche en diamant, en uranium, et possède des réserves de pétrole — promettre l’accès à ces ressources et à des terrains contre des investissements en bitcoin pourrait bien faire du projet Sango un important rouage géopolitique.
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