Depuis six ans que nous traitons de l’actualité du Peer-to-Peer et de l’industrie musicale, le président d’Universal Music Pascal Nègre est un personnage qui nous a souvent agacé, mais plus souvent amusé par ses prises de positions complètement caricaturales (on se souvient avec délectation de ses métaphores totalement absurdes sur l’interopérabilité et les DRM). Mais nous pensions qu’en tant d’années, et alors que le P2P est au coeur des évolutions de son métier, le juré de la Star Academy avait pris la peine d’étudier et de comprendre le fonctionnement des outils Peer-to-Peer. Naïfs que nous sommes.

En pleine déroute législative à la veille de l’examen du projet de loi Hadopi par le conseil des ministres, Pascal Nègre nous offre à nouveau un commentaire hilarant dont il a le secret. C’était au micro de Jérôme Colombain et François Sorel, les propos étant restitués par PC Inpact. Extrait :

Jérôme Colombain :  » Ça veut dire que vous n’allez pister que les gens qui mettent à disposition des fichiers, toujours la même problématique, et pas ceux qui « downloadent » ? « 

Pascal Nègre : «  Oui mais le problème c’est que si vous faites l’un vous êtes obligé de faire l’autre, donc à un moment donné vous réglez le problème. Ou si plus personne ne met des fichiers en ligne, à ce moment-là y’a plus rien à télécharger. « 

François Sorel :  » Oui mais par exemple, on sait qu’aujourd’hui qu’il n’y a plus de frontières. Si par exemple quelqu’un a 150 millions de titres sur un disque dur, je sais pas moi, dans un autre pays, à l’autre bout du monde, on pourra, nous, le télécharger, et sans rien avoir sur le disque dur. « 

Pascal Nègre : «  Ça ne se passe pas comme ça. C’est-à-dire que, Dieu merci, c’est pour ça que le Peer-to-Peer fonctionne, c’est que quand vous cherchez un titre, Dieu merci, il est pas très loin de chez vous. Parce que si vous allez le télécharger au Japon, avant que vous atteigniez le Japon et qu’il revienne, vous allez mettre trois jours avant de le télécharger. Et clairement on l’a vu nous, quand à un moment donné, on a fait fermer un certain nombre de serveurs sur Emule, on a vu que pendant une semaine, c’était beaucoup plus long pour télécharger et beaucoup plus compliqué. Donc voilà. « 

Si Pascal Nègre pense véritablement ce qu’il a dit, ça explique beaucoup de choses sur les décisions « stratégiques » d’Universal… On a presque honte à rappeler que non, télécharger chez un internaute au Japon n’est pas plus long que de télécharger chez un internaute en France (la différence est de l’ordre de quelques dizaines de millisecondes pour initier la communication, et les taux de transfert restent sensiblement identiques ensuite). On se dit que Pascal Nègre ne peut pas être totalement sérieux lorsqu’il pense qu’Internet n’est efficace qu’à l’échelon local. Mais que dire sur eMule et sur l’effet de la fermeture de certains serveurs ? Non seulement les P2Pistes n’ont pas vu de différence sensible, ce qu’avait confirmé CacheLogic au moment de la fermeture de Razorback, mais en plus ces fermetures ont eu pour seul effet d’aider au développement du réseau décentralisé Kad implanté dans eMule. Résulat : eMule est plus rapide que jamais.

L’interview de Pascal Nègre aura quand même apporté un élément intéressant : avec la riposte graduée, seuls les internautes qui mettent les œuvres à disposition (upload) seront inquiétés. Or le P2P traditionnel qui permet de voir qui partage quoi est de plus en plus remplacé soit par les réseaux P2P sécurisés qui rendent ces observations impossibles, soit par du téléchargement pur et simple sur les newsgroups ou sur des sites de téléchargement comme RapidShare, YouSendIt, ShinyFeet, FileUpYours, ou autres.

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