Parfois présentée comme une solution de carburant alternatif anti-crise, l’huile de friture revient sous le feu des projecteurs. Pourtant, l’idée n’est pas toujours bonne, et clairement pas cohérente avec les ambitions européennes sur le climat.

Dans le cadre du projet de loi pouvoir d’achat, un amendement concernant un carburant atypique a été approuvé par les députés dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 juillet 2022. Cet amendement, qui a particulièrement capté l’attention, vise à autoriser l’utilisation de l’huile alimentaire usagée en tant que carburant.

Présentée par Julien Bayou (EELV) comme une solution anti-crise, l’huile de friture gagne ses lettres de noblesse. Dans la réalité, cette nouveauté ne va concerner qu’un très faible pourcentage du parc automobile et n’a que peu d’intérêt économique ou écologique pour l’automobile.

Une décision partiellement anachronique

Certains utilisateurs de vieux véhicules diesel n’ont pas attendu cette approbation des députés et roulent depuis de nombreuses années avec ce carburant « maison ». À chaque crise financière, choc pétrolier ou conflit avec les pays producteurs de pétrole, les carburants alternatifs sont mis en avant. Le superéthanol (E85) est la solution anti-crise pour les véhicules essence, et pour ceux fonctionnant au diesel, c’est l’huile de friture.

Sauf que, plus les années passent, moins il existe de véhicules diesel qui peuvent rouler avec des huiles végétales filtrées en guise de carburant sans risque de casse. Tous les véhicules diesel récents ne pourraient pas supporter ce mélange. Ils ont des réglages, de l’électronique et des filtres qui sont globalement incompatibles avec cette solution. L’huile de friture est surtout réservée aux vieux modèles de voitures au fonctionnement rustique, ainsi qu’au matériel agricole.

Voiture circulant au diesel // Source : Image par Rudy and Peter Skitterians de Pixabay
Voiture circulant au diesel. // Source : Image par Rudy and Peter Skitterians de Pixabay

Ce sont ces mêmes véhicules que les grandes villes ont déjà bannis de leur centre avec la mise en place des zones à faible émission. Ces véhicules diesel anciens sont poussés à être mis à la casse avec les aides visant à acquérir des véhicules plus propres. Alors que les automobilistes sont invités à électrifier leur prochain véhicule pour répondre aux enjeux climatiques, cette annonce semble être un signal contradictoire. C’est d’autant plus surprenant qu’il ait été soutenu par Europe Écologie Les Verts.

Un plus pour les vieux diesel polluants

Il était cependant temps que la France autorise cette pratique, puisque nos voisins ont déjà homologué ce carburant, et qu’elle est expérimentée dans quelques territoires.

Ce carburant a l’avantage d’émettre beaucoup moins de CO2 à l’usage, c’est donc un plus pour ceux qui ne peuvent, ou ne veulent, pas se séparer de leur vieux véhicule à motorisation diesel. Un gain qui peut être également financier, si ce nouveau carburant ne voit pas son prix flamber avec cette possible homologation.

Il n’en reste pas moins que cette annonce va provoquer de la confusion et pousser certains automobilistes, soufrant de la hausse des prix du gazole, vers un carburant qui pourrait détruire le moteur de leur véhicule récent, car inadapté.

Un bénéfice qui concerne surtout la filière recyclage

Les restaurants et certaines industries produisent des quantités astronomiques d’huiles usagées, qui deviennent ensuite des déchets à valoriser. Cet amendement permettrait donc de donner officiellement une seconde vie à cette huile, qui une fois correctement filtrée, pour éliminer tous dépôts non huileux, peut avoir une nouvelle fonction.

Pour être vertueux, il faut cependant que cette démarche reste locale. L’impact de la fabrication, du recyclage et de la remise sur le marché de ces huiles transformées en carburant ne doivent pas alourdir le bilan carbone. Un fonctionnement en circuit court semble indispensable, comme pour toutes les sources d’énergies issues de biomasse.

Et pourquoi ne pas favoriser un usage en tant que carburant pour chaudière ?

Plutôt que de se focaliser sur un usage automobile a priori de plus en plus restreint, il aurait pu être mis en lumière que, moyennant adaptation du bruleur de sa chaudière fioul, ce carburant à base d’huile végétale filtrée pourrait remplacer le fioul domestique.

Comme pour les vieux véhicules diesel, le gouvernement pousse les foyers à changer leur vieille chaudière au fioul pour d’autres solutions, pas toujours adaptées, ni financièrement viables. En plus de son coût en hausse, le fioul domestique est aussi très polluant. L’huile végétale pourrait être une solution à développer.

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