On peut avoir l’impression d’être plus en sécurité dans une voiture imposante. Or, ce sont justement les personnes qui conduisent les plus gros véhicules sont ont tendance à prendre le plus de risques au volant, expliquent deux spécialistes du marketing dans The Conversation.

D’après une étude publiée dans The Lancet Public Health, les blessures causées par les accidents de la route devraient coûter à l’économie mondiale 1 800 milliards de dollars entre 2015 et 2030, soit 0,12 % du PIB mondial chaque année. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évaluait en 2018 à 1 350 000 le nombre de décès dans le monde des suites d’un accident de la route (contre moins de 1 200 000 en 2000). Dans plus de la moitié des cas, les victimes sont les usagers les plus vulnérables : les cyclistes et les piétons.

Un élément clé de ce problème reste la conduite des automobilistes. Les mesures de sécurité routière, concernant les équipements de sécurité des véhicules ou le code de la route, se sont multipliées ces dernières décennies. Avec un certain succès en Europe et dans l’est de l’Asie, où la mortalité a reculé. Mais la tendance reste à la hausse ailleurs.

Dans les politiques de sécurité routière, le lien entre comportement à risque des conducteurs et taille des voitures n’a guère été pris en compte dans l’équation. Or, c’est en comprenant ce qui pousse les conducteurs à prendre des risques que l’on pourrait aussi réduire les accidents de la route et limiter leurs impacts sur la société.

Ce lien entre taille des voitures et prise de risque n’a rien d’évident. D’un côté, les consommateurs se sentent rassurés lorsqu’ils choisissent de grosses voitures. De l’autre, les statistiques indiquent que les grosses voitures sont beaucoup plus souvent impliquées dans les accidents, ce qui pourrait laisser penser que les conducteurs de grosses voitures prennent plus de risques.

Les grosses voitures sont souvent impliquées dans des accidents. // Source : Pexels/Kin Pastor (photo recadrée)
Les grosses voitures sont souvent impliquées dans des accidents. // Source : Pexels/Kin Pastor (photo recadrée)

L’illusion d’un « coussin de sécurité » à bord d’une grosse voiture

Les grosses voitures sont de plus en plus nombreuses sur les routes. D’après l’Agence internationale de l’énergie, il y a eu au moins 35 millions de SUV en plus sur les routes du monde entier en 2021, avec des niveaux record en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Chine.

Dans le même temps, les modèles les plus vendus ont pris du volume depuis quelques décennies. Une étude menée par le courtier en crédit spécialisé britannique Zuto fournit quelques exemples intéressants : la taille de la Ford Mustang a augmenté de 63 % depuis 1964, et la Mini de 61 %.

Si la taille des véhicules influence le comportement des automobilistes, cette course au volume aura des répercussions négatives sur les accidents de la route. Ce constat nous a conduits à étudier l’idée suivante dans nos recherches : les grosses voitures donneraient-elles aux conducteurs l’impression de disposer d’un « coussin de sécurité » qui les inciterait à prendre plus de risques ?

Nous avons utilisé un simulateur extrêmement réaliste de formation des conducteurs pour tester les différences de conduite entre les petites et les grosses voitures. Les réglages du simulateur sont restés identiques mais on a indiqué aux participants qu’ils étaient au volant soit d’une petite voiture (Toyota Yaris), soit d’une grande voiture (Toyota Avensis Wagon). On leur a demandé de conduire normalement pendant la simulation.

Les résultats ont montré que les participants qui pensaient être au volant d’une grosse voiture ont conduit de manière plus sportive et ont eu un comportement plus risqué qu’avec une plus petite voiture. La voiture était pourtant la même, avec une réaction identique lorsqu’on appuie sur l’accélérateur ou sur le frein. Seul le comportement changeait. Ils se pensaient donc mieux protégés dans les grosses voitures et prenaient plus de risques.

Le sentiment de sécurité perdure hors du véhicule

Une seconde expérience a montré que cette prise de risque globale plus élevée a d’autres conséquences. Nous nous sommes demandé si les conducteurs prenaient aussi plus de risques une fois sortis de leur véhicule, et nous avons relevé que le sentiment de sécurité que procure la voiture constituait effectivement un bon indicateur de la prise de risque globale, c’est-à-dire également en dehors de la route.

D’autres études étayent ce constat. Par exemple, de précédentes recherches ont montré que les chauffeurs de poids lourds ont souvent un accident peu de temps après avoir quitté leur véhicule. L’explication est que le sentiment de sécurité ressenti à l’intérieur du camion se prolonge en dehors du véhicule et conduit à une prise de risque excessive.

La prise de risque se décline donc à différents niveaux, au volant de la grosse voiture puis une fois hors de l’habitacle. L’effet de « coussin de sécurité » peut d’ailleurs inciter une personne à acheter ou non un billet de loterie dans une station-service, ou bien une boisson plutôt qu’une autre.

Un malus à partir de 1 800 kg en France

Ces résultats incitent donc les gouvernements à privilégier la piste d’une taxation au poids ou à la taille du véhicule, qui existe déjà dans de nombreux pays d’Europe, dans un objectif de sécurité routière. En France, une loi qui impose un malus à partir de 1800 kg est entrée en vigueur depuis 2022.

Ces mesures se justifieraient d’autant plus que les grosses voitures peuvent aussi provoquer des dommages plus importants en cas d’accident en raison de leur taille et éprouvent davantage les infrastructures : elles abîment plus les routes et ont besoin de plus d’espace pour le stationnement.

Sachant cela, les infrastructures peuvent aussi être conçues de manière à sauver des vies. En effet, si les rues sont plus étroites, la prise de risque des conducteurs de gros véhicules sera moindre car ils ralentiront.

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Bart Claus, Assistant professor of marketing, IÉSEG School of Management et Luk Warlop, Professor of Marketing, BI Norwegian Business School

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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