Les voitures sont de plus en plus connectées et génèrent de plus en plus de données. Savez-vous ce que deviennent ces data et qui y a accès ? Ces questions sont actuellement débattues au Parlement européen.

Comme n’importe quel objet connecté, les voitures récentes produisent un nombre croissant de données, sans que l’utilisateur sache forcément à quoi elles servent et qui y a accès. Les exemples les plus parlants en la matière sont très certainement les différents modèles de Tesla, où le rôle de la donnée est central pour le fonctionnement. Mais, quasiment toutes les voitures récentes stockent des données concernant le véhicule, les aides à la conduite, le GPS ou les fonctions d’infodivertissement. Les constructeurs automobiles ont rapidement compris que ces données pouvaient devenir très rentables. Ils intègrent désormais leur traitement dans leur stratégie globale. Une réglementation doit être mise en place pour encadrer l’exploitation de ces data.

Le Parlement européen a adopté le 15 mars 2023 le « data act » en session plénière. Il s’agit du premier règlement européen sur les données de tous les appareils connectés. L’automobile est également concernée par ce nouveau règlement. C’est une première étape avant des discussions plus poussées sur le sujet. Les acteurs de la filière cherchent d’ailleurs à obtenir des mesures plus spécifiques au secteur de la mobilité. Le sujet va tenir un rôle central dans les prochaines années pour les constructeurs automobiles et tout l’écosystème autour de la mobilité.

Data, ma chère data …

Les utilisateurs sont de plus en plus conscients de la manière dont leurs données sont exploitées par les géants de la tech. La notion de cookies, et autres traceurs, commence à être assimilée. Quand il s’agit de savoir quelles sont les données générées par leur voiture et comment elles sont utilisées, toutefois, peu seront en mesure de répondre. C’est parfaitement normal, puisque pour le moment rien n’oblige les constructeurs à vous informer sur cet aspect de votre véhicule. C’est cette situation qui est sur le point d’évoluer.

erreur 503 sur application Tesla // Source : Vincent Sergere
Application Tesla connectée à la voiture. // Source : Vincent Sergere

Avantage des vieilles « bagnoles », par rapport aux modèles plus récents : les conducteurs n’ont pas à s’inquiéter de voir leur comportement de conduite épié par des algorithmes de traitement de données. Avec des voitures de plus en plus connectées et autonomes, la masse des données collectées s’est largement amplifiée. Selon un article d’Auto Infos, le volume des données est en constante augmentation : de 33 zettabytes en 2018 à 175 zettabytes attendus en 2025. Parmi les principales données générées, on trouve :

  • Le statut du véhicule : pannes, suivi des révisions, pression des pneus, niveau de carburant ou de batterie, etc. Pour résumer, tous les indicateurs de santé du véhicule.
  • La localisation : pratique en cas de vol, ou quand on ne sait plus où l’on s’est garé, mais aussi pour pouvoir programmer rapidement vos GPS.
  • La fonction e-call (obligatoire en Europe sur les nouveaux véhicules) : le bouton SOS dans votre voiture, qui peut automatiquement appeler les secours en cas d’accident, gère aussi une multitude de données pour informer les services distants de la localisation, de l’état du véhicule, etc.
  • Les préférences d’utilisateur et services connectées de la voiture : profil de conducteurs, réglages du véhicule personnalisés, stations de radio ou services tiers utilisés, tout est mémorisé sous la forme de données.
  • Les informations relatives aux aides à la conduite ou la conduite seule : les accidents médiatisés de Tesla sont un bon exemple de l’utilisation des données du véhicule pour consulter si les fonctions d’aide à la conduite ont été défaillantes. Il n’y a pas que les Tesla qui collectent de nombreuses données de conduite.

De plus en plus de véhicules électriques, mais pas uniquement, disposent aussi d’une application smartphone connectée au véhicule. Selon les constructeurs, les fonctionnalités sont très différentes, mais on retrouve souvent : autonomie restante, programmation de recharge, préchauffage de l’habitacle, ouverture à distance du véhicule, envoi d’un itinéraire vers le GPS de la voiture, localisation de la voiture, vérification à distance, etc. Toutes ces actions, que vous pouvez effectuer depuis votre téléphone, donnent un indice de la masse de données qui peuvent être échangées, et sont stockées sur des services cloud.

Qui a accès à toutes ces données de nos voitures ?

Les constructeurs automobiles contrôlent actuellement l’accès aux données embarquées des véhicules. Ils ont un quasi-monopole de l’exploitation de toutes les remontées des voitures équipées. Une partie de ces données leur sont notamment utiles pour assurer tout le service après-ventes : les passages en atelier, changements de pièces d’usure et tout ce qui est relatif au bon fonctionnement du véhicule.

Les datas collectées par la voiture pour aider le conducteur // Source : Mercedes
Les datas collectées par la voiture pour aider le conducteur. // Source : Mercedes

Qu’en est-il de toutes les données de conduite, d’utilisation des services d’infodivertissement, etc. ? On sait que les constructeurs y ont accès, et qu’ils les utilisent pour faire des études. Cela peut être utilisé pour définir les fonctionnalités d’un modèle à venir. Un exemple : si parmi tous les acheteurs d’un toit panoramique ouvrant, seuls 5 % des conducteurs l’ouvrent réellement, alors il sera à l’avenir proposé un toit panoramique fixe. Le produit sera moins cher et comblera certainement les utilisateurs. Bien sûr, les possibilités sont bien plus grandes que le choix d’un équipement pour un modèle.

Les constructeurs commencent même à parler de monétiser les données récoltées. Carlos Tavares l’a déjà mentionné à plusieurs reprises. Avec la transformation technologique de Stellantis, les données joueront un rôle important dans la création de valeur, et donc de potentiels revenus.

Une réglementation européenne pour réguler l’exploitation de ces données

Le règlement européen en discussion au Parlement pourrait améliorer la transparence sur l’utilisation des données. L’utilisateur pourra avoir accès aux données qu’il génère. Il pourra aussi donner son consentement, ou non, à l’utilisation de ces données.

D’autres acteurs de la mobilité aimeraient aussi avoir accès à ces data, que les constructeurs gardent précieusement : les assureurs, les réparateurs (autres que ceux du constructeur) et les sociétés de location (LOA/LDD…). Le règlement européen harmoniserait potentiellement les conditions de transmissions de ces informations aux tiers et régulerait leur utilisation. C’est notamment ce qui est défendu par l’organisation patronale Mobilians en France : « l’innovation dans ce domaine exige que les données relatives aux voitures soient partagées, de manière sûre et bien encadrée, dans le respect des règles de concurrence entre de nombreux acteurs économiques différents. »

L’association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) précise quand même : « Les utilisateurs qui sont des entreprises faisant un usage commercial des produits à partir desquels les données sont générées, et qui ont l’intention d’utiliser ces données à des fins commerciales, ne devraient pas avoir le droit d’accéder à ces données gratuitement. » Transmettre des données est une chose. Les vendre, si l’usage qui est en fait est commercial, est encore mieux pour les constructeurs.

Tous ces sujets sont actuellement débattus au Parlement européen. Il sera intéressant de voir comment la réglementation va évoluer pour son application au secteur automobile, car cela pourrait changer beaucoup de choses. Imaginez, si votre assureur obtient un accès à toutes vos données de conduite, directement depuis votre véhicule : il ne sera plus possible de tricher sur la cause d’un petit accrochage, par exemple. Il pourrait y avoir beaucoup de développements positifs autour de ce sujet, mais d’autres éléments pourraient être un peu trop assimilés à du flicage forcé. C’est un fait, les données automobiles existent. Il vaut mieux savoir à quoi et à qui elles peuvent servir.

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