Les batteries d’une voiture électrique peuvent représenter jusqu’à 40 ou 50 % du prix du véhicule. Au-delà du coût de remplacement d’un pack batterie complet, ce sont les problèmes liés à leur réparabilité qui inquiètent les assureurs, selon un article de Reuters du 20 mars 2023.
Si certaines batteries de voitures électriques sont pensées pour changer les modules indépendamment les uns des autres, certains packs batterie sont jugés irréparables, comme celui du Model Y de Tesla. Au moindre accident pouvant avoir endommagé en partie la batterie, la voiture pourrait être mise au rebut, même si elle n’affiche que quelques milliers de kilomètres au compteur. Au-delà du problème économique que cela pose aux assureurs et aux consommateurs, ce constat soulève aussi une question sur le bienfondé écologique.
Alors que les appareils d’électroménager doivent désormais arborer leur indice de réparabilité, il serait peut-être bon que celui-ci s’applique également à l’automobile, notamment pour la couteuse batterie de traction.
Au moindre doute sur l’état de la batterie, elle est mise hors d’usage
Un pack batterie se compose généralement de plusieurs modules, qui contiennent eux-mêmes plusieurs cellules. Ces cellules peuvent prendre la forme de piles comme chez Tesla, de fines lamelles comme les blade de Byd ou de cellules prismatics comme chez BMW. Dans l’idéal, on imagine qu’en cas de défaut de certaines cellules ou des modules de la batterie, ces éléments pourraient être échangés par d’autres. La théorie est hélas bien éloignée de la réalité du terrain. Toutes les batteries ne peuvent pas être réparées, et c’est souvent un choix délibéré du constructeur.
Lorsqu’un véhicule électrique a un accident, plus ou moins important, la question de l’intégrité du pack batterie se pose rapidement. Si les garages, qui récupèrent le véhicule accidenté, ne sont pas en mesure de vérifier que la batterie fonctionne bien, le principe de prudence s’applique pour les assurances. Il y a principalement deux cas relevés comme étant problématiques :
- Des problèmes logiciels pour se connecter au BMS (Battery Management System) et autres données de la batterie, à cause de systèmes propriétaires ;
- Des difficultés à vérifier l’intégrité structurelle de la batterie.
Si le risque de dysfonctionnement est jugé trop grand, le véhicule ne peut pas être remis en circulation avec cette batterie. Se pose alors la question suivante : la batterie est-elle réparable ou doit-on changer le pack batterie entier ?
Si la batterie est réparable, notamment si quelques modules peuvent être changés indépendamment, cela pourra être pris en charge par l’assurance. Si la batterie est jugée comme irréparable, et que l’ensemble du pack batterie doit être changé, alors l’assurance considérera probablement que la réparation n’est pas économiquement viable. Par exemple, une Tesla Model 3 est vendue neuve à partir de 45 000 €, rien que sa batterie coute environ 20 000 €. Sa réparation n’est généralement pas assez rentable par rapport à sa valeur résiduelle. Voilà comment des véhicules électriques pourraient se retrouver mis à la casse, alors qu’ils sont encore quasi neufs. EV Clinic, une entreprise spécialisée sur les réparations des voitures électriques, a également interpellé récemment sur le sujet.
Les Model Y de Tesla sont un cas d’école
Le Tesla Model Y est sûrement l’exemple le plus parlant quand on veut aborder l’irréparabilité des batteries. Qu’il s’agisse de son pack batterie 2170 ou des futures batteries 4680, le constat est identique. Les différentes cellules sont noyées dans une mousse isolante qui rend impossible une intervention de réparation. Les Model 3 Grande Autonomie et Performance sont aussi concernées. Toutefois, ce n’était pas le cas sur les anciennes générations de Model S et Tesla s’en vantait.
Dans le Model Y, la batterie n’est pas le seul élément jugé non réparable par les assurances. La structure du châssis, moulée dans les Gigapress de l’usine, a fait baisser les coûts de production, mais fait exploser les coûts de réparation. De plus en plus de véhicules accidentés peuvent être considérés comme irréparables à cause des coûts induits.
Un potentiel scandale écologique
Que les assurances cherchent à trouver toutes les raisons possibles de ne pas rembourser les réparations d’un véhicule n’est pas une nouveauté. Il en va de même avec tous les éléments qui peuvent justifier de faire grimper les tarifs d’assurance. C’est de bonne guerre, c’est le business.
Ce qui est plus inquiétant, néanmoins, c’est ce qu’il advient de ces batteries accidentées. Elles doivent, en théorie, partir dans la filière de recyclage pour une seconde vie. Mais, est-ce vraiment le cas ?
Pour être considérée comme neutre en carbone, la voiture électrique doit avoir roulé plusieurs dizaines de milliers de kilomètres. C’est à l’usage qu’elle est vertueuse. Avant cette limite, variant selon les modèles, les émissions de CO2 pour sa production sont plus élevées que celle d’un véhicule thermique. Ainsi, si un véhicule électrique se retrouve mis hors course à moins de 40 000 km, on peut considérer qu’il aura alors plus pollué qu’un véhicule thermique sur son cycle de vie. On est donc loin de l’idéal du 100 % électrique neutre en carbone.
Il y a ainsi un véritable enjeu à ce que les batteries des véhicules électriques puissent être réparables. Pas uniquement pour éviter que les assurances des voitures électriques flambent à l’avenir, mais également bien pour prolonger la vie des véhicules électriques. Obsolescence programmée, logiciel qui empêche les réparateurs tiers de pouvoir agir, données non accessibles, pack batterie imaginé pour faire baisser les coûts en étant irréparable : tout ceci est sciemment choisi par les constructeurs automobiles au moment de la conception des modèles.
Une voiture électrique n’est pas un smartphone que l’on remplace au moindre bobo. Les bons résultats aux crash-tests Euro NCAP des voitures électriques sont une bonne nouvelle, mais ne justifient pas d’abandonner les possibilités de réparation des modèles après un accident. Il est nécessaire que les constructeurs cessent de proposer des véhicules jetables, mais qu’ils pensent vraiment à imaginer des véhicules durables.
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