Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de Mips, entreprise suédoise fondée en 1995 par le neurochirurgien Hans von Holst et Peter Halldin, alors étudiant au Royal Institute of Technology de Stockholm. Et pourtant, il y a des chances que la technologie imaginée par le duo et industrialisée par l’entreprise soit dans votre casque de vélo, d’alpinisme ou de chantier. Car Mips fait très nettement partie du club des entreprises qui n’ont pas besoin de marketing pour opérer leur business. Pire encore : si elle venait à être trop connue du grand public, trop remarquée sur les modèles de casque qu’elle équipe, une partie de sa mission ne serait pas remplie.
Mais alors, c’est quoi Mips ? Pourquoi une sous-couche d’un casque commercialisée par des marques allant de Specialized à Black Diamond, en passant par Cannondale, Cube, BMW, Oakley, Abus ou POC a-t-elle autant d’importance pour la sécurité de celles et ceux qui le portent, en particulier des cyclistes ?
Nous avons rencontré Max Strandwitz, actuel CEO de l’entreprise, pour discuter du passé, du présent et de l’avenir de Mips.
Qu’est-ce que Mips dans un casque ?
Je n’étais pas dans l’entreprise quand Mips a été créé. L’histoire de Mips a commencé en 1995, quand l’un de nos fondateurs, neurochirurgien, voyait de très nombreux patients victimes d’accidents de la route. Lorsqu’il recevait ces personnes, il examinait leur casque pour comprendre ce qui s’était réellement passé.
Dans de nombreux cas, il n’y avait pas d’impact sur leurs casques, mais ils avaient tout de même subi des traumatismes graves. Il a donc commencé à étudier les casques pour comprendre comment ils étaient construits. Et ce qu’il a rapidement réalisé, c’est que la plupart des éléments qui existent aujourd’hui protègent en réalité votre crâne et vos os. S’ils tombent directement au sol, il est rarissime que les personnes aient une fracture du crâne lorsqu’elles portent un casque.
Mais les casques de vélo ne sont pas particulièrement bons pour protéger contre les lésions cérébrales. Pour comprendre comment Mips fonctionne, il faut d’abord se rappeler que votre cerveau flotte dans l’eau à l’intérieur de votre tête. Si vous bougez brusquement, votre cerveau bougera un peu à l’intérieur. Et ce n’est pas un problème.
Le pire qui puisse arriver, c’est que vous ayez un mouvement soudain et que vous vous arrêtiez brusquement. Car lorsque cela se produit, la force générée doit aller quelque part. Et comme le cerveau flotte dans l’eau, il commence à bouger un peu trop. C’est comme cela que vous pouvez avoir une commotion cérébrale. Dans le pire des cas, le choc sur le cerveau est irréparable et c’est à ce moment-là que vous subirez des conséquences à long terme.
Comment fonctionne le Mips ?
Imaginez que vous faites du vélo, heurtez le trottoir et tombez par-dessus le guidon. Vous heurtez généralement le sol avec une certaine vitesse, sous un certain angle et pas directement à angle droit. Ce qui se passe habituellement, c’est que la tête se coince dans le matériau doux qui compose l’intérieur du casque. La force générée par le choc doit pourtant aller quelque part, et c’est à ce moment-là que vous subissez la rotation du cerveau.
C’est là qu’intervient Mips. À l’intérieur de chaque casque équipé du système Mips, il y a une couche à faible friction. Mips, c’est un matériau à très faible friction qui permet à la tête de se déplacer à l’intérieur du casque sur environ 10 à 15 millimètres et redirigeant l’énergie loin de la tête. Si vous prenez un casque traditionnel, vous serez coincé dans le casque. Si vous prenez un casque Mips, vous continuerez à bouger à l’intérieur pendant un impact. Et du coup, votre cerveau ne sera pas propulsé contre votre boîte crânienne.
Quels tests vous montrent qu’un casque avec technologie Mips est meilleur qu’un casque non équipé ?
Nous ne publions jamais nos propres tests, car nous pensons que c’est mauvais pour l’industrie. Nous laissons des laboratoires indépendants tester nos technologies. Si vous avez une technologie qui est suffisamment forte, vous pouvez compter sur des tests indépendants. Beaucoup de publications scientifiques sur la manière dont la technologie fonctionne ont été menées, beaucoup d’universités dans le monde entier ont testé et approuvé la technologie. C’est, à mon sens, ce qui a fait son succès.
Côté pratique, nous recevons des lettres chaque semaine de consommateurs du monde entier qui nous rapportent que les médecins affirment que Mips a fait une grande différence sur leur accident. Et bien sûr, nous avons fait des reconstructions d’accidents en laboratoire pour déterminer à quel point le système fonctionne. Et il fonctionne.
Quelles ont été les plus grandes évolutions du système Mips ?
Je pense que nous avons réalisé dès les premières années de commercialisation que nous devions rendre la technologie plus accessible. Et par là, je veux dire plus abordable. Les premières solutions que nous avons élaborées, nous avons vraiment pris en charge des intégrations complètes dans le casque — elles étaient extrêmement complexes à réaliser. Chaque casque finissait par coûter environ 150 à 200 euros supplémentaires en magasin, ce qui est hors de prix pour des tas de personnes.
Pour vous dire à quel point le travail sur le prix a été important : en 2023, vous pouvez trouver la technologie Mips sur des casques vendus 35 euros en magasin. Nous avons réussi cette optimisation en créant un produit beaucoup moins cher qui fonctionne de la même manière et qui peuvent être intégrés directement par nos partenaires. Et c’est donc pour moi notre plus grosse évolution : rendre le système Mips bien plus accessible.
Le grand public sait-il que Mips existe ?
Je pense que les gens sont de plus en plus au courant que le système Mips existe. Sur nos études de marché, on voit que 45 % des cyclistes connaissent la marque sur le marché américain et environ 35 % sur le marché européen. Mais il y a un paradoxe dont nous sommes également fiers : plus nous faisons du bon travail dans un casque, moins nous sommes visibles. Sept grammes pour avoir la technologie Mips dans un casque porté sur le Tour de France : nous sommes invisibles pour l’utilisateur. Et c’est comme cela que cela doit rester. Notre logo jaune est peut-être la seule chose qui reste reconnaissable pour le grand public quand il achète un casque.
Comme on ne peut pas nous voir sur un casque, nous avons des ambassadeurs et ambassadrices qui font le travail d’évangélisation. Nous avons Marion Haerty, qui est la meilleure snowboardeuse freeride au monde, Brandon Semenuk, meilleur vététiste masculin au monde. Nous avons Kate Courtney également côté vélo. Ces sportifs professionnels utilisent tous des casques Mips qui correspondent à leur activité et en font la promotion à notre place.
Un casque vélo Mips a-t-il la même technologie qu’un casque VTT Mips ou un casque d’escalade Mips ?
Le principe est le même car il s’agit de rediriger l’énergie, mais l’impact n’est pas le même. Si vous faites de l’alpinisme, par exemple, vous avez un certain type d’accidents : vous pouvez grimper et heurter la paroi de la montagne ou vous prendre une pierre. Quand vous faites du vélo ou du ski, vous bougez très vite. Le type d’impact entre les deux activités est différent. Mais tous reviennent au même problème : il y a une force tangentielle, un impact angulaire. En bref, une énergie que nous devons rediriger. C’est ça notre travail : nous avons aujourd’hui 12 technologies différentes qui essaient de rediriger l’énergie, selon la nature de l’impact. Du casque de chantier au casque de vélo.
Quel est le futur du système Mips ?
Nous avons un peu plus de 1 000 modèles de casques différents équipés de membranes Mips sur le marché. C’est une réussite fantastique. Il y a presque un casque avec technologie Mips qui arrive sur le marché par jour ouvré. Mais je pense que nous ne sommes qu’au début de notre voyage, car il reste de nombreuses choses à inventer. Par exemple, le challenge du vélo électrique. Lorsque vous voyagez en vélo électrique, vous introduisez une grande vitesse, ce qui signifie que vous devez concevoir un casque différemment. Vous voulez avoir un casque qui n’est peut-être pas aussi ventilé. Et surtout, qui est adapté à d’autres utilisateurs : il y a beaucoup de personnes âgées qui commencent à conduire des vélos électriques. Elles atteignent une vitesse qu’elles n’ont pas connue depuis 30 ans, selon leur âge et leur forme physique. Nous avons encore un gros travail à faire pour créer des casques vraiment adaptés à ces utilisateurs.
Je pense aussi que l’écoresponsabilité est un domaine sur lequel nous devons avancer. Comment pouvons-nous faire en sorte de pousser toute l’industrie à produire des produits beaucoup plus durables ? Nous avons fait beaucoup de projets, nous avons introduit beaucoup de matériaux recyclés dans nos produits, mais nous nous sommes engagés à tenir un objectif fondé sur les Accords de Paris : réduire nos émissions de carbone d’environ 90 % d’ici 2030. Et nous voulons impliquer toute l’industrie.
Decathlon, POC, Giro… quel casque Mips choisir pour conduire un vélo ou une trottinette ?
Comme Max Strandwitz l’a évoqué au cours de l’entretien, les casques Mips sont de moins en moins cher.
- Specialized Align II : l’équipementier de référence a créé plusieurs casques équipés de la technologie Mips. L’Align II est un modèle entrée de gamme aéré qui conviendra à de nombreuses morphologie et qui est disponible dans de nombreux coloris.
- Decathlon Van Rysel Roadr Mips : chez Decathlon, c’est la marque Van Rysel qui met Mips à l’honneur sur un casque vélo de route ventilé, aérodynamique et compact. Disponible en noir, kaki et rose.
- Casque VTT POC Omne Air Resistance Spin : POC est la première marque à avoir intégré Mips dans un casque. Elle propose de nombreux casques milieu de gamme équipés de la technologie, notamment pour des activités outdoor plus sportives comme le VTT.
- Giro Ethos Shield : technologie Mips, visière, LED à l’avant et à l’arrière pour une visibilité maximale, ajustement facile du casque, revêtement molletoné pour les longues sessions… le Giro Ethos Shield est définitivement un casque haut de gamme sur-équipé.
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