Toyota est peu enclin à mettre le turbo sur la vente des véhicules électriques. Un courrier adressé aux concessions américaines semble même les inciter à privilégier l’hybride à l’électrique.

Malgré un changement de direction, début avril 2023, Toyota continue de souffler le chaud et le froid sur le sujet de la voiture électrique. C’est une nouvelle fois le cas en observant le courrier que les concessionnaires américains de la marque ont reçu. Si le document relayé par Jalopnik le 17 mai 2023 ne dit rien de précis contre la vente des voitures électriques, le sous-entendu est quand même assez évident. Aucun constructeur automobile ne va motiver ses troupes en disant : il y a des soucis avec les minerais, avec les recharges et le prix des véhicules.

Avec le premier discours du nouveau nom patron, Koji Sato, certains analystes avaient l’impression que le groupe Toyota avait enfin compris qu’il fallait accélérer le développement de ses voitures électriques pour ne pas manquer ce train dans l’innovation. Les impressions sont vite apparues comme trompeuses, car même si Toyota s’est engagé à multiplier les véhicules électriques, il continue à prôner que seul le « multi-énergie » a de l’avenir. La promotion des hybrides de la marque semble aussi liée au rappel d’une règle peu connue, le 1:6:90.

Qu’est-ce que la règle du 1:6:90 de Toyota ?

Cette règle explique que, pour le même volume de matières premières qu’une batterie de voiture électrique (à grande autonomie), Toyota peut équiper en batteries 6 voitures plug-in hybrid (PHEV) ou 90 voitures à motorisation hybride classique.

Toyota règle 1:6:90 // Source : Jalopnik
Toyota et sa règle 1:6:90. // Source : Jalopnik

Toyota apprécie ce calcul, qu’il a déjà partagé lors d’autres interventions, pour critiquer la logique du « tout véhicule électrique » souhaitée par certains gouvernements. En raison des difficultés d’approvisionnement des batteries, Toyota considère qu’il est ridicule d’utiliser toutes ces ressources pour un unique véhicule, quand ces mêmes matières premières pourraient faire rouler 90 véhicules hybrides avec des émissions carbones basses.

La logique de Toyota n’est pas fausse, mais avec ce type de discours, la marque semble s’accrocher désespérément au passé. Surtout, c’est oublier que si l’hybride classique excelle sur certaines utilisations, elle n’est pas la solution parfaite pour autant.

Des défauts pour l’électrique, mais surtout plus d’aides à l’achat

Selon le courrier adressé aux concessionnaires américains de Toyota : « L’adoption généralisée des véhicules électriques à batterie aux États-Unis se heurte à trois obstacles majeurs. »

Les 3 arguments avancés par la marque vont très certainement faire rire les équipes de Tesla, mais Toyota est parfaitement en droit de considérer ces éléments comme des freins légitimes :

  • Les ressources minérales essentielles,
  • Le manque de bornes de recharge rapide,
  • L’accessibilité financière des modèles électriques.
Toyota bZ4X // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Toyota BZ4X. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

La question des ressources en minerais et de leur extraction est un vaste sujet, mais il n’est pas aussi bloquant que le laisse entendre Toyota. Les progrès en matière de batterie sont très rapides et les solutions se multiplient pour éviter les pénuries redoutées.

Quant au réseau de recharge, si Tesla a su développer son propre réseau pour répondre aux besoins de ses clients depuis 10 ans, pourquoi Toyota ne ferait-il pas de même ? Il parait un peu facile de se contenter de dire « il n’y a pas de bornes rapides, il vaut mieux une voiture hybride », en attendant que d’autres acteurs fassent les choses. Surtout que l’on ne peut pour le moment pas vraiment dire que les deux premiers modèles développés par le groupe soient vraiment pensés pour les longs trajets : efficience très moyenne, voire mauvaise sur autoroute, recharges en courant continu en atteignant le pic de 150 kW très rarement.

La voiture électrique n’est pas abordable, c’est un fait. Mais, les groupes automobiles, et notamment Toyota, commercialisent volontairement des véhicules assez haut de gamme. Forcément, l’offre ne correspond pas à la demande des consommateurs.  Dans son courrier, Toyota semble avoir oublié que si la marque pousse vers les véhicules hybrides, moins chers, c’est aussi parce que ses modèles électriques ne bénéficient plus du crédit d’impôt de 7 500 $ (de l’Inflation Reduction Act américain) sur les véhicules électriques. Ses modèles ne pourront pas non plus bénéficier du futur bonus écologique en France.

« Les BEV (voitures à batterie électriques) ne sont qu’une option »

En amont du G7, Gill Pratt, directeur général du Toyota Research Institute, a affirmé que les « Prius sont un choix plus réaliste pour certains marchés et conducteurs ». Il s’inquiète qu’une transition trop rapide vers les voitures électriques incite les conducteurs à conserver leurs vieux véhicules à essence plus longtemps. Il a également répété que les voitures électriques « ne sont qu’une option ».

Nouvelle Toyota Prius rechargeable // Source : Toyota
Nouvelle Toyota Prius rechargeable. // Source : Toyota

Un propos très certainement hérité de l’ancien président, Akio Toyoda, qui rapportait, selon Reuters, un discours assez semblable à la presse ce jeudi 18 mai : « Les BEV sont une option très importante pour atteindre la neutralité carbone, tout comme l’hydrogène. »  

Il est clair que Toyota a décidé de continuer à travailler sur toutes les alternatives possibles, y compris le e-fuel, une stratégie à double tranchant. Si l’entreprise est très bonne sur l’hybride ou l’hydrogène, elle ne l’est pas sur le reste et ne le sera probablement pas en cherchant à innover simultanément sur 5 technologies différentes.

Toyota reste multi énergie  // Source : Capture conférence Toyota
Toyota reste multi-énergie. // Source : Capture conférence Toyota

En attendant, en France, l’option 100 % électrique du constructeur japonais tarde à arriver. Si les États-Unis reçoivent déjà des BZ4X depuis presque un an, les premières livraisons en Europe viennent de débuter, avec plus de 6 mois de retard sur le planning communiqué lors des essais en juillet de l’année dernière. L’Europe enregistre 3 746 BZ4X immatriculés à la fin mars. Alors qu’en avril, aucun des deux modèles, BZ4X ou Lexus RZ450e, a encore été immatriculé En France.

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