D’outsiders, les constructeurs chinois sont devenus depuis 2022 la bête noire des marques européennes. Après avoir dominé leur marché intérieur sur les voitures électrifiées, plusieurs d’entre eux ont décidé de s’attaquer à l’Europe, un marché juteux en devenir, ce qui inquiète aussi bien les acteurs historiques que les politiques. BYD, SAIC, Nio, Xpeng, GWM ou encore Geely : ces noms sont encore relativement méconnus des clients, mais pas de leurs concurrents.
Si l’invasion chinoise redoutée n’est pas encore visible, Geely a déjà bien tissé sa toile en Europe en utilisant une stratégie différente de ses petits camarades. Avec Geely, l’expression « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » prend tout son sens. Son implantation en Europe, débutée depuis plus de 13 ans, n’est pas sans rappeler l’histoire d’un certain cheval de Troie.
Une stratégie qui se révèle assez payante
Il est assez intéressant d’observer la manière dont les différentes marques chinoises ont décidé de se lancer en Europe. Il y a presque autant de stratégies que de marques, mais les plus avancées sur le sujet peuvent se classer selon 3 approches :
- L’attaque frontale, à la façon SAIC Motor (MG), où la marque arrive avec une offre particulièrement concurrentielle sur de l’entrée de gamme.
- L’approche en douceur (BYD, Great Wall Motor, Nio…), où la marque vise d’abord le premium et se cale dans la moyenne des prix sans faire trop de vagues.
- L’avance masquée de Geely, où le groupe reste dans l’ombre de marques connues.
Hors passionnés automobiles, le nom de Geely ne devrait pas évoquer grand-chose, comme pour les autres nouveaux arrivants chinois, à l’exception de MG. Une absence de notoriété qui n’a rien changé à son développement en Europe sur les dernières années.
Plutôt que de chercher à installer frontalement ses marques en nom propre en Europe, le groupe chinois a une autre stratégie assez redoutable pour se faire une place au soleil. Il rachète, ou entre dans le capital des marques européennes bien implantées : Volvo, Lotus, Mercedes et Aston Martin. Et, si cela ne suffisait pas, il noue aussi des partenariats avec de coentreprises à 50-50, notamment avec Renault ou Mercedes.
Menace ou opportunité pour les marques européennes ? Les deux !
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Avec son développement rapide en Europe, sur les deux dernières années, le groupe Geely peut être perçu comme une menace sérieuse pour certains groupes automobiles. Mais, sans lui, des marques comme Volvo ou Lotus auraient certainement disparu du paysage automobile. Sa position ne fait pas vraiment de lui une cible prioritaire à abattre, mais sa force de frappe n’est pas à sous-estimer.
En rachetant Volvo en 2010, puis en lançant Lynk&Co en 2016 et Polestar en 2017, le groupe Geely a commencé son implantation méthodique en Europe sur les véhicules premium. Volvo a retrouvé de sa superbe, Lynk&Co innove sur les méthodes de commercialisation et Polestar s’ouvre de nouveaux marchés avec ses véhicules électriques. Lotus s’est ajouté au portefeuille en 2021, quand Geely est en devenu l’actionnaire majoritaire avec 51 % des parts, mais Geely avait déjà commencé à injecter des fonds dans Lotus dès 2017.
Ces quatre marques sont la face visible de l’iceberg. Le cumul des immatriculations européennes donne un peu plus de 304 000 véhicules pour 2022, et déjà plus de 85 000 au premier trimestre 2023. Doucement, mais sûrement, le groupe se fait une place :
Groupe | Immatriculations UE en 2022 | Immatriculations UE 1er Trim 2023 |
---|---|---|
Geely | 305 066 | 85 464 |
Tesla | 231 963 | 93 559 |
Nissan | 236 570 | 81 742 |
Mercedes | 667 429 | 181 559 |
Autres marques chinoises | 151 538 | 56 815 |
Le groupe Geely n’est pas associé aux autres marques chinoises sur les statistiques Jato, dont sont issues les données précédentes. En ayant conservé une production européenne, il n’est pas vraiment l’envahisseur chinois directement visé par les critiques. Il a réussi à se créer une position singulière.
La présence de Geely ne s’arrête pas là. Le groupe possède aussi les taxis électriques de la London Electric Vehicle Company et a investi dans Terrafugia, qui travaille sur le sujet des voitures volantes. Enfin, le groupe a aussi mis un pied dans le capital d’autres grands noms européens :
- Aston Martin avec 17 % des parts
- Daimler (Mercedes-Benz) : 9,7 %
Geely est un bon exemple d’inversion des rôles entre Europe et Chine
Les Chinois ont beaucoup appris des constructeurs étrangers qui les utilisaient comme sous-traitants ou partenaires pour le marché chinois, mais avec l’émergence des véhicules électriques, les choses ont changé. Les constructeurs chinois ont plus vite réagi à ce nouvel enjeu. Ils sont désormais parmi ceux qui apportent la matière première et le savoir-faire aux autres marques historiques. Un renversement de situation qui ne manque pas de piquant.
C’est ainsi que les nouvelles Smart (Smart #1 et Smart #3) sont à 50 % Geely et 50 % Mercedes. Le design est allemand, mais le cœur technique de ces modèles est chinois. Smart ne sera probablement pas le seul constructeur européen à miser sur les solutions techniques proposées par Geely.
Au travers d’une plateforme partagée avec Lotus, Alpine aurait pu en bénéficier, sur l’A110 et le futur SUV. Cependant, des rumeurs récentes indiquent que la marque française envisagerait de développer seule ces véhicules. Avec ou sans cette collaboration, Geely est déjà bien investi dans le groupe Renault avec une coentreprise pour la conception des futurs moteurs hybrides Renault.
Geely est en pleine partie d’échec, avec des pions bien engagés sur le plateau. Le groupe peut dorénavant lancer d’autres salves d’attaque du marché européen, ce qu’il va faire avec a minima une nouvelle marque.
Maintenant rodé, Geely débarque avec Zeekr
Le marché du premium européen n’a désormais plus vraiment de secrets pour Geely. Profitant de cette expérience acquise, le groupe a créé en avril 2021 une nouvelle marque chinoise 100 % électrique nommée Zeekr. Le lancement s’est fait en Chine, car les véhicules s’adressent à son marché local, mais la véritable ambition pour l’avenir est Européenne.
Le dernier modèle lancé a été imaginé pour coller aux attentes des européens. La technologie embarquée et le positionnement tarifaire veulent venir chatouiller Tesla dans nos contrées. Le Zeekr X sera donc particulièrement intéressant à observer lors de ses débuts en Europe.
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