Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Voilà comment il est possible de résumer l’évolution du bonus écologique depuis quelques années. À sa création en 2008, le système du bonus-malus était assez simple à appréhender par le grand public. Depuis, il n’a cessé de se restreindre et de se complexifier. Mais, ce n’est rien comparé à la future mouture du bonus écologique imaginé pour 2024. Le gouvernement va très certainement atteindre des sommets de complexité avec le critère du « score environnemental », dont l’éligibilité à cette aide à l’achat d’un véhicule électrique dépendra en grande partie.
Impossible que Monsieur et Madame Tout le Monde comprennent bien comment fonctionne ce nouveau bonus. La lecture du projet d’arrêté, un document technique d’une vingtaine de pages qui régit le score environnemental, publié le 28 juillet 2023, est globalement hors de portée de tous ceux qui sont fâchés avec les équations. Il ne serait même pas étonnant que les constructeurs soient découragés par les formalités administratives que ce nouveau critère va imposer et qu’ils reviennent à de simples remises pour compenser les écarts de prix.
Le gloubi-boulga de la recette du score environnemental
Le score environnemental ne remplacera pas les deux critères existants pour le bonus actuel. Il vient s’ajouter aux deux restrictions déjà appliquées : une masse totale du véhicule inférieur à 2 400 kg et un prix d’achat inférieur à 47 000 €.
Si vous aimez les équations et maitrisez le dialecte technocratique, la méthodologie de calcul du score environnemental (encore à l’état de projet) est disponible sur le site developpement-durable.gouv.fr. Pour les autres, voici les différents ingrédients qui rentrent dans la recette pour chaque modèle :
- Acier,
- Aluminium,
- « Autres matériaux » (autres qu’acier et aluminium),
- Batterie (selon la chimie des cellules),
- Transformations intermédiaires et assemblage du véhicule,
- Acheminement/transport du véhicule depuis le site d’assemblage au site de distribution.
Pour chacun de ces postes, le score environnemental va définir l’empreinte carbone correspondant à la production de ces éléments, selon la masse (pour les matériaux et la transformation), la capacité en kWh (pour la batterie) ou la distance parcourue (pour l’acheminement). Hors demande de dérogation du constructeur pour un site de production « neutre en carbone », c’est un facteur fixe qui est pris en compte. Il est relatif aux émissions du pays dans lequel se situe le site d’assemblage concerné, ce qui peut jouer les perturbateurs par rapport aux efforts réalisés par les constructeurs pour produire de manière plus neutre.
Si plusieurs sites de production sont utilisés pour ces éléments, alors le résultat est pondéré selon le volume produit par les différentes usines. Autre subtilité, si le constructeur change de site d’assemblage après l’obtention du score environnemental, il doit en informer l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui fera la passerelle avec les ministres chargés de l’Économie, de l’Énergie et de l’Écologie.
Des valeurs de référence parfois surprenantes
Au-delà des formules de calcul de l’arrêté, ce sont les annexes listant les valeurs de référence qui sont à prendre en compte, puisqu’elles servent de coefficient multiplicateur. Sauf que certains chiffres annoncés semblent défier la logique.
1. Acier
Pour la production de l’acier, on observe bien que la Chine est mal classée, mais que les USA sont meilleurs que l’Europe. Une Europe qui partage d’ailleurs la même valeur de référence, excepté pour l’Italie et la Belgique. Des valeurs qui peuvent donc quelque peu surprendre :
Pays d’implantation du site | Facteur d’émission carbone de la production d’acier |
---|---|
Chine | 2,0 |
États-Unis | 1,1 |
Europe (hors Belgique et Italie) | 1,4 |
Italie | 1,2 |
Belgique | 1,3 |
Royaume-Uni | 1,5 |
Corée du Sud | 1,7 |
Japon | 1,9 |
Maroc | 1,9 |
2. Aluminium
Si l’acier a un facteur d’émission de 1,4 en Europe, la production d’aluminium est à plus de 8,6. Les politiques se plaignent toujours que les voitures sont de plus en plus lourdes. Or, ils vont le favoriser à travers le bonus.
La batterie des voitures électriques fait partie du problème, avec plusieurs centaines de kilos sur la balance. Le choix des matériaux de la structure est à prendre en compte. L’acier est moins couteux, moins émetteur de pollution à la production, mais beaucoup plus lourd.
S’ils sont plus lourds, ces véhicules consommeront forcément plus d’énergie tout au long de leur cycle d’usage, mais ils seront a priori soutenus par le calcul du score environnemental du bonus écologique. Un constructeur comme Tesla qui privilégie l’aluminium va se retrouver incapable de lutter contre des véhicules concurrents conservant une majorité de pièces en acier.
Pays d’implantation du site | Facteur d’émission carbone de la production d’aluminium |
---|---|
Amérique du Nord | 8,5 |
Europe | 8,6 |
Chine | 20,0 |
Japon | 12,6 |
3. Batteries
Côté batteries, il y a également certaines observations qui semblent aller à l’encontre du bonus écologique : promouvoir la production européenne au détriment de celle chinoise. Les batteries prévues pour des productions françaises ou européennes sont essentiellement des batteries à chimie NMC, à plus haute valeur ajoutée, et la production de batterie LFP, plus low cost, pourrait essentiellement demeurer en Asie. Cependant, une batterie LFP produite en Asie a un facteur d’émission moindre que n’importe quelle batterie NMC produite en Europe, selon la documentation technique actuelle.
4. Assemblage des voitures
Un nouveau mystère intervient sur les questions de transformations intermédiaires et d’assemblage final. Si la production d’acier et d’aluminium est globalement identique au niveau européen pour les émissions de CO2, quand il est question de l’assemblage des véhicules, le facteur d’émission carbone passe du simple au double entre la France (0,58) et la Pologne (1,16).
L’Italie, meilleure sur la production d’acier, devient subitement plus polluante quand il s’agit d’autres fabrications. Apparemment, il vaut mieux également assembler une voiture en Chine (1,60) ou en Inde (1,82) qu’au Maroc (1,87), alors que pour l’acier, c’est l’inverse.
5. Transport
Parmi les critères qui vont surement peser lourd dans la balance, il y a celui du transport depuis le site de production jusqu’en France. La distance parcourue en bateaux cargo affectera forcément le score, ce qui rejoint l’objectif initial de pénaliser les productions asiatiques, mais aussi américaines.
Les distances parcourues via le transport ferroviaire, fluvial et routier, dont le facteur varie aussi selon les zones géographiques traversées, vont aussi jouer sur le calcul final. L’avion est forcément le transport considéré comme le plus polluant, mais aucune voiture à moins de 47 000 € ne voyage par avion.
Pour finir, tous ces éléments sont additionnés pour définir les émissions en kilogrammes équivalent CO2 d’une version du modèle ciblé. Ce résultat intègre ensuite une autre formule qui en calculera le score environnemental final. Ce sont ces dernières équations qui ont fini par m’amener à abandonner la compréhension du calcul pour définir quelle voiture électrique sera éligible au bonus. Game over pour les non-matheux comme moi !
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