La prise de position de Luca de Meo, patron de Renault, en faveur de la concurrence chinoise interroge. Certains sceptiques se demandent si son discours aurait été identique s’il ne s’était pas associé au groupe chinois Geely à 50% pour sa nouvelle filiale Horse, dédiée aux moteurs thermiques et hybrides. Avec ou sans l’alliance avec un groupe chinois, le discours aurait certainement été le même. Luca de Meo n’est pas vraiment homme à reculer devant les défis, et l’arrivée des constructeurs chinois sur notre marché de la voiture électrique en est potentiellement un de taille.
Ce que beaucoup oublient, c’est que constructeurs historiques et fabricants chinois se marient, se querellent et se défient depuis de longues années déjà. Ce qui a changé, c’est que le terrain de jeu n’est plus uniquement la Chine, mais l’Europe aussi. C’est en fait le match retour d’un OM-PSG qui aurait débuté il y a quelques années. Certains joueurs ont changé entre-temps, mais les enjeux du match n’ont fait que grandir.
Tous les groupes européens sont maqués en Chine
Aucun patron européen n’a jamais été empêché de s’exprimer face aux nouvelles ambitions de la Chine. Pourquoi Renault le serait-il ? Tous ceux qui commercialisent des modèles en Chine sont forcément engagés par des joint-ventures avec des groupes chinois, désormais tant redoutés.
Tant que ces alliés chinois n’ambitionnaient que le marché local, tout le monde s’entendait à peu près bien. Maintenant que ces grands groupes chinois, enrichis par leur association avec les constructeurs étrangers, partent à la conquête d’autres territoires, les événements prennent une tournure politique et stratégique plus sensible.
Le contre-exemple se situe peut-être au niveau de Stellantis. Un peu comme l’œuf ou la poule, difficile de savoir si le discours hostile de Carlos Tavares envers la Chine existait avant ses déboires en Chine, où s’il a été nourri par la rancœur d’y avoir échoué. Stellantis a déjà mis fin à son alliance avec GAC, et celle avec DongFeng, qui semblait encore favorable en 2021, a finalement échoué un an plus tard. Les partenaires ne s’entendent pas. Après deux divorces, il faut probablement se demander lequel des mariés a le plus de torts dans l’échec de la relation.
Jamais deux sans trois ?
Imaginez un peu la surprise de découvrir, via le média Bloomberg, que Stellantis pourrait s’intéresser à un partenariat avec Leapmotor. Ce jeune constructeur chinois a annoncé il y a quelques semaines qu’il souhaite mettre à disposition sa plateforme pour véhicule électrique à d’autres constructeurs. Volkswagen s’est montré intéressé, mais que Stellantis puisse l’être aussi à de quoi décontenancer.
Il ne se passe plus une semaine sans que de nouveaux partenariats se nouent entre constructeurs européens et entreprises chinoises : Audi/SAIC, Volkswagen/Leapmotor, Volkswagen/Xpeng, Stellantis/Ecarx (Geely). Certaines alliances doivent contribuer à une tentative de reconquête du marché chinois par les Européens. Pendant que d’autres pourraient aussi concerner plus largement les modèles électriques commercialisés chez nous.
Les entreprises chinoises se sont rapidement imposées comme fournisseurs des batteries et d’une partie des semi-conducteurs. Elles pourraient en plus devenir des équipementiers pour les technologies embarquées ou même pour fournir la plateforme des voitures électriques de marques européennes.
Tous les constructeurs européens ont donc signé un ou plusieurs pactes avec le diable. Et si finalement, on arrêtait de diaboliser inutilement la Chine comme cela a été fait par le passé avec les USA, le Japon puis la Corée ? Il est grand temps de vivre avec son temps : la Chine est là, il faudra composer avec.
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