Les constructeurs chinois sont venus à Munich avec leurs plus beaux modèles. Xpeng, Avatr, Leapmotor, Seres, MG et BYD veulent rompre avec l’image tenace de voitures électriques bas de gamme. Pour autant, y a-t-il une clientèle européenne pour ce qui s’apparente à du « premium chinois » ?

Les marques chinoises ont débarqué au salon de Munich (IAA) avec de belles grandes berlines et des SUV statutaires, tous aux intérieurs soignés. De quoi mettre définitivement une claque à l’idée reçue selon laquelle la Chine ne produirait que des voitures bas de gamme. L’Europe reste cependant un marché un peu particulier pour les constructeurs étrangers, qui s’attaquent notamment à la chasse gardée des modèles allemands. Ces constructeurs chinois font-ils fausse route en voulant vendre ici leur vision du premium, particulièrement avec des berlines de plus de 4,80 m de long ?

Les modèles haut de gamme des Américains, comme Lucid et Tesla, peinent déjà à trouver leur place, alors difficile d’imaginer les Chinois réussir à faire mieux. Cette stratégie ambitieuse des marques chinoises n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Finalement, avec les marques chinoises, tout ce qui est clinquant n’est pas forcément cher, de quoi perdre littéralement tous ses repères sur les stands du salon de Munich.

Leapmotor, de la petite T03 à la C01 : un véritable grand écart

La marque Leapmotor a commencé à arriver en Europe par le biais d’importateurs et de sa petite citadine modèle T03 à 25 000 €. Un modèle encore relativement méconnu, mais qui offre un bon rapport qualité/prix.

En observant la T03, il était possible d’imaginer que Leapmotor viendrait concurrencer MG sur le créneau des voitures électriques abordables. Sur le stand du salon de Munich, Leapmotor a voulu envoyer un message quelque peu différent. En découvrant la berline électrique C01 de 5 m de long et son intérieur tout confort, on s’aperçoit que Leapmotor peut faire bien plus que des modèles d’entrée de gamme. Sur le papier, cette grande berline n’a pas grand-chose à envier aux constructeurs européens.

Leapmotor C10 // Source : Raphaelle Baut
Leapmotor C10. // Source : Raphaelle Baut

Il en va de même avec le concept C10, dévoilé à Munich ce 4 septembre, et qui s’adressera à tous les continents. Cette nouveauté s’appuiera sur la toute nouvelle plateforme du constructeur, celle que l’entreprise propose à d’autres constructeurs (Volkswagen, Stellantis). Cette nouvelle plateforme permettra de produire des véhicules de tous les segments (de 3,60 m à plus de 5 m de long), avec de bonnes performances et tout ce qu’il se fait de mieux en technologies embarquées.

Intérieur de la berline Leapmotor C01 // Source : Raphaelle Baut
Intérieur de la berline C01. // Source : Raphaelle Baut

Le C10 sera le premier modèle d’une série de 5 nouveautés, qui lancera officiellement la conquête des marchés internationaux par Leapmotor. La marque devrait chasser sur les terres des constructeurs généralistes (comme Renault, Peugeot ou Ford) avec des modèles « premiumisés ».

Avatr et Xpeng pour le haut de gamme chinois

Les deux marques chinoises n’ont pas exposé leur modèle au sein du parc exposition. Elles disposent de stands en ville, jusqu’au 10 septembre, pas très éloignés de celui de Tesla.

Xpeng a profité de l’occasion pour confirmer son arrivée sur le marché allemand en 2024, avec les modèles P7 et G9 exposés sur son stand. La France et le Royaume-Uni sont aussi dans le viseur de la marque pour 2024. Xpeng est pour le moment parti à la conquête du nord de l’Europe (Norvège, Suède, Danemark et Pays-Bas), où ce genre de véhicules a le plus de succès. C’est potentiellement un des concurrents les plus sérieux pour Tesla sur le marché européen, car ces modèles se situent entre la gamme Model 3/Y et celle de Model S/X aussi bien sur les dimensions que sur les prix.

Xpeng à l'IAA Munich // Source : Raphaelle Baut
Xpeng à l’IAA Munich. // Source : Raphaelle Baut

Il ne faut a priori pas sous-estimer Xpeng. En tout cas, Volkswagen voit en ce constructeur un partenaire sérieux pour certains modèles à venir. Le groupe a également investi dans l’entreprise chinoise.

De son côté, Avatr a encore un peu de chemin à parcourir pour se faire connaitre dans nos contrées, mais son stand va forcément attirer le visiteur. Le design de la future Avatr 12 devrait à coup sûr faire parler de lui. Avatr n’est pas juste un nouvel acteur qui se lance dans la voiture électrique, c’est l’association de 3 géants : Huawei, Changan Automobile et CATL. En Chine, la marque commercialise déjà depuis le début de l’année un modèle nommé Avatr 11.

Avatr 12 à l'IAA Munich // Source : Raphaelle Baut
Avatr 12 à l’IAA Munich. // Source : Raphaelle Baut

La berline Avatr 12 fait 5,02 m de long avec un design épuré et une silhouette élancée. Elle compte bien donner un coup de vieux à ses concurrentes côté design et technologie. Les Tesla Model S, Porsche Taycan et toutes les grandes berlines de l’ancien monde sont dans le viseur d’Avatr. Il restera à voir à quel prix et avec quel réseau cette marque lancera ses modèles en Europe.

Intérieur de l'Avatr 12 // Source : Avatr
Intérieur de l’Avatr 12. // Source : Avatr

BYD continue ses lancements à un rythme épuisant

Il y a moins d’un an, au Mondial de Paris, on découvrait un constructeur chinois aux dents longues. Cela s’est confirmé encore récemment avec le discours ambitieux de son patron. Si tous les constructeurs se rêvent en nouveau Tesla, BYD est celui qui en a réellement les moyens aujourd’hui.

Au Mondial de Paris, en octobre 2022, c’est avec 3 nouveautés actées pour la France que BYD faisaient ses débuts : la grande berline Han, le grand SUV Tang et un SUV milieu de gamme nommé Atto 3. Il aura fallu attendre un peu pour que tout se mette en place pour la marque, mais les premières livraisons ont démarré en Europe au printemps. Comme on peut s’y attendre, les ventes des deux modèles les plus haut de gamme (à plus de 70 000 €) sont assez confidentielles, de quelques centaines dans toute l’Europe. Au même moment, l’Atto 3 (à partir de 43 690 €) s’assurait un bon démarrage avec plusieurs milliers d’immatriculations et même un premier record d’immatriculation cet été en Suède.

Lancement de la marque Denza par BYD // Source : Raphaelle Baut
Lancement de la marque Denza par BYD. // Source : Raphaelle Baut

Si l’Europe n’est pas encore prête pour le haut de gamme chinois, ce n’est pas grave. Cela n’empêche pas le constructeur de lancer à Munich sa marque haut de gamme Denza avec un véhicule qui ne se vendra probablement qu’à 100 exemplaires en Europe : une sorte de monospace massif et de luxe pour le transport de VIP ou de grandes familles.

BYD en propose pour tous les goûts. Depuis le salon de Paris, la marque a déjà lancé la compacte Dolphin, et le salon de Munich est l’occasion d’officialiser l’arrivée en Europe de la berline Seal (4,80 m) et de son cousin SUV Seal U (4,78 m). Soit deux modèles qui devraient intéresser un peu plus la clientèle européenne.

BYD Seal et Seal U // Source : Raphaelle Baut
BYD Seal et Seal U. // Source : Raphaelle Baut

La vague de nouveautés ne devrait pas s’arrêter là. En vendant à la fois des modèles abordables et du plus haut de gamme, BYD ratisse large. L’échec de l’un ou l’autre des modèles ne lui fait pas peur. BYD teste le marché et réévalue en permanence sa stratégie internationale, avec une agilité et une capacité d’adaptation ultra-rapide que les marques historiques ont perdu.

MG et son beau cabriolet Cyberster

MG s’est probablement décidé un peu tardivement à participer au salon de Munich. Ni la taille de son stand, ni son emplacement (caché au fond d’un hall) mettent en valeur le constructeur face à ses concurrents. C’est dommage. Pour autant, c’est quand même un des stands à ne pas manquer, puisqu’il permet d’approcher le cabriolet MG Cyberster.

MG Cyberster à l'IAA Munich // Source : Raphaelle Baut
MG Cyberster à l’IAA Munich. // Source : Raphaelle Baut

MG n’a pas à rougir, il a fait un très beau travail avec ce projet. Devant ce cabriolet, difficile de ne pas s’offusquer face à ceux qui disent que la passion automobile est morte avec la voiture électrique. Ce modèle est la preuve que les émotions sont encore là, devant une voiture, peu importe sa motorisation.

Intérieur du MG Cyberster // Source : Raphaelle Baut
Intérieur du MG Cyberster. // Source : Raphaelle Baut

Avec ce Cyberster, MG joue un coup important pour sa stratégie future. Alors que toute la gamme actuelle se positionne sur des prix attractifs, le cabriolet lui vise un marché plus haut de gamme. Les prix définitifs ne sont pas encore officialisés, mais il sera au double du prix d’une MG4 : un peu plus de 60 000 € pour la première version et plus de 75 000 € estimés pour la version la plus puissante. Avec ce modèle, MG teste le marché pour voir si une montée en gamme est possible. Cela ne devrait être qu’une question de temps avant de voir des modèles plus haut de gamme débarquer dans le catalogue de MG.

Seres suit la tendance des intérieurs plus clinquants

Comme Leapmotor, Seres a déjà commencé à attaquer le marché européen par un importateur avec des moyens réduits. Le Seres 3 est déjà commercialisé en France, mais ses ventes sont encore confidentielles. En 2023, ce sont un peu plus 100 Seres 3 qui ont été immatriculés pour l’instant. Dans le cas de Seres, la marque ne s’est pas initialement attaquée au segment du premium, comme d’autres marques chinoises. Le Seres 3 offre un assez bon rapport qualité/prix. Toutefois, entre le manque de notoriété et quelques lacunes d’adaptation au marché européen, le modèle peine à séduire.

Seres 5 et 7 au salon de Munich // Source : Raphaelle Baut
Seres 5 et 7 au salon de Munich. // Source : Raphaelle Baut

La proposition de Seres sur le salon de Munich semble aller vers l’amélioration des modèles. D’apparence, on a même une certaine montée en gamme de la Seres 5 et Seres 7. Il restera à voir si les modèles peuvent également convaincre sur la route. Si la marque s’en donne les moyens, tout est possible.

Forthing : la marque qui patauge un peu

Parmi les marques chinoises présentes à Munich, il y a aussi Forthing du groupe Dongfeng. Ce nom ne vous dira probablement rien — rassurez-vous, à nous aussi. C’est le seul constructeur à faire un lancement d’un modèle non électrique au salon de Munich, pour un type de véhicule qui ne marche quasi que sur les marchés asiatiques. La marque chinoise est quand même venue sur le salon avec des modèles électriques.

Lancement de Forthing au salon de Munich // Source : Raphaelle Baut
Lancement de Forthing au salon de Munich. // Source : Raphaelle Baut

Quant à déterminer la stratégie et les ambitions de la marque en Europe, c’est difficile. Impossible de prendre la marque au sérieux. À chacun de nos passages devant le stand, on avait l’impression d’assister à un vaudeville : répétition de discours balbutiante (pour rester polie), tournage de live pour les réseaux sociaux chinois sans s’occuper des journalistes présents. Quant à la première journée publique, c’était une animation façon kermesse sur le stand. Le tout avec une invitation à commander son modèle sur Alibaba.com. Assurément, ils ne sont pas encore prêts à se lancer sur le marché européen.

Forthing et ses achats sur Alibaba // Source : Raphaelle Baut
Forthing et ses achats sur Alibaba. // Source : Raphaelle Baut

À l’exception de Forthing, les marques chinoises présentes sur le salon de l’IAA Munich ont bien compris les enjeux de leur présence sur ce salon : affronter les marques allemandes qui jouent à domicile. Tous ont mis les moyens pour se mettre à niveau et les modèles présentés suivent aussi cette montée en gamme des fabricants chinois.

Stand Seres et les premiers visiteurs // Source : Raphaelle Baut
Stand Seres et les premiers visiteurs. // Source : Raphaelle Baut

Un indicateur ne ment pas, c’est la fréquentation des stands (et l’attitude des visiteurs). Si Renault, BMW, Volkswagen ou Tesla attirent en masse les visiteurs, les stands chinois sont loin d’être vides. Il y a bien un effet de curiosité pour voir ce que ces marques proposent. Le constat est assez rapide, les visiteurs sont surpris par ce qu’ils découvrent.

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