Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Si Ford, GM et Stellantis poursuivent les négociations pour éviter une grève des employés syndiqués, Elon Musk pourrait bien tirer avantage à ce que celle-ci ait lieu chez ses principaux concurrents américains.
Les enjeux des négociations actuelles vont bien au-delà de la simple révision des salaires pour l’un ou l’autre des constructeurs américains. Si le syndicat UAW (United Auto Workers) et les 3 grands constructeurs américains n’arrivent pas à un accord d’ici à la fin de la semaine, une grève d’une ampleur sans précédent pourrait venir perturber la production automobile sur une durée indéterminée. Selon Associated Press, le 11 septembre 2023, 10 jours de grève coûteraient près d’un milliard de dollars aux constructeurs concernés et le conflit pourrait durer bien plus longtemps, avant qu’une issue favorable ne soit trouvée.
Un fonctionnement différent aux États-Unis
Même si les Français maîtrisent bien la notion de syndicats, de négociations et de grèves, le fonctionnement américain est peu différent de ce que l’on peut connaître en Europe. L’UAW négocie actuellement les conditions de travail pour les 4 années à venir. À la tête de ce puissant syndicat se trouve un nouvel arrivant, Shawn Fain, qui a décidé de frapper un grand coup avec des demandes allant jusqu’à 46 % d’augmentation sur les salaires sur les 4 années à venir. Les négociations couvrent également d’autres avantages sociaux (retraite et santé), et le fait de garder la main mise sur les usines de batteries qui se multiplient dans le pays.
Forcément, face à des demandes jugées excessives, les grands groupes historiques automobiles font d’autres propositions. Depuis plusieurs mois, les échanges entre le syndicat et les constructeurs s’enchaînent, mais le rythme s’est intensifié ces dernières semaines, car les contrats arrivent à échéance ce jeudi 14 septembre. Le bras de fer est actuellement à son apogée.
Sans accord d’ici vendredi 15 septembre, les 146 000 travailleurs syndiqués de l’UAW seront appelés à faire grève pour une durée illimitée.
Production à l’arrêt, hausse des prix, retards sur les projets…
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Alors que le salon automobile de Détroit se tient du 13 au 24 septembre, l’heure n’est pas réellement à la fête. L’éventualité d’une grève pèse de plus en plus lourd. Certes, quelques jours d’arrêt de production seraient bénéfiques aux constructeurs pour écluser leur stock de véhicules déjà produits. Au-delà de 30 jours de grève, la situation serait déjà bien différente, car les stocks commenceraient à être épuisés. Pour une durée supérieure à 70 jours, cela tournerait à la catastrophe économique sur plusieurs années pour les trois grands groupes américains. Les projets en cours de développement pour l’avenir seraient aussi à l’arrêt ou retardés. Du côté du syndicat UAW, les fonds disponibles pourraient couvrir le mouvement de grève pendant 3 mois avant de s’épuiser.
Pour s’opposer à des hausses trop importantes sur les salaires, les constructeurs automobiles avancent l’argument qu’ils devront absorber d’énormes dépenses d’investissement (plusieurs milliards de dollars) dans les années à venir. Ils doivent continuer à construire des véhicules à moteur à combustion, tout en concevant des véhicules électriques et en construisant de nouvelles usines d’assemblage de batteries et de voitures. Ils demandent donc au syndicat de revenir à la table des négociations avec des demandes plus raisonnables.
Selon un analyste interrogé par Reuters, une grève chez les trois constructeurs automobiles réduirait la production automobile nord-américaine de 150 000 unités par semaine, ce qui entraînerait mécaniquement une hausse des prix des véhicules neufs à mesure que les stocks s’épuiseraient. Cette pénurie aurait aussi un impact, par un effet ricochet, sur le marché de l’occasion avec des augmentations de prix, comme l’a fait le covid quelques années plus tôt.
Les prix des véhicules électriques de GM, Ford et Stellantis seraient particulièrement touchés, sur les 12 à 18 mois suivant, par les conséquences de cette grève et de l’éventuelle hausse des salaires à digérer pour les constructeurs. En pleine transition vers la mobilité électrique, cela tomberait particulièrement mal.
Le président du syndicat, Shawn Fain, refuse de faire porter la responsabilité de la hausse des prix des voitures sur l’augmentation des salaires demandée. Il a déclaré dans une intervention vidéo : « Au cours des quatre dernières années, le prix moyen d’une nouvelle voiture a augmenté de 30 %, alors que les salaires des ouvriers de l’automobile n’ont augmenté que de 6 %. »
Finalement, face à cette situation, ce sont les constructeurs étrangers, implantés sur le territoire américain, qui pourraient tirer leur épingle du jeu. Ils n’auront qu’à gérer judicieusement leurs stocks et leurs prix pour répondre à la demande des Américains. Parmi les grands vainqueurs d’une grève éventuelle, c’est Tesla qui pourrait rafler la mise en saisissant de belles parts de marché sur les véhicules électriques.
Les usines de Tesla ne sont pas concernées par la grève de l’UAW
Le PDG de Tesla, Elon Musk, n’est pas un fan des syndicats, ce n’est un secret pour personne. Malgré les demandes du gouvernement américain pour que le personnel des usines de Tesla puisse être syndiqué, cela ne prend pas chez Tesla. Elon Musk a toujours adopté une position ferme sur ce sujet.
Les conditions de travail et les salaires ne sont pourtant pas meilleurs que chez les constructeurs américains historiques. Le salaire horaire est d’environ 45 $ chez Tesla, il est en moyenne supérieur à 60 $ chez la concurrence syndiquée (même si les salaires aux plus bas échelons sont inférieurs). Mais, les avantages proposés par Tesla semblent satisfaire les salariés. Ils savent également que l’arrivée de l’UAW dans leurs rangs risquerait surtout de les faire pointer au chômage.
Sans menace de l’UAW, Tesla peut continuer à produire sans avoir à se soucier des négociations en cours chez ses concurrents. En ce moment, il est même possible d’imaginer Elon Musk encourager discrètement Shawn Fain à maintenir ses revendications. Tesla a un peu de stock à écluser, alors si la pénurie touche GM, Ford et Stellantis, cela ne peut que l’arranger.
La guerre des prix, ainsi que la concurrence des acteurs historiques, plus accrue et plus agressive, a un peu fragilisé Tesla sur son propre territoire. Même si Model Y et le futur Cybertruck pourraient porter les ventes de l’entreprise, les autres modèles commencent à subir la pression plus marquée de la concurrence. Une grève touchant les autres marques serait du pain bénit pour relancer la machine.
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