Tesla est connu pour ses véhicules électriques. Mais un élément qui a fait sa marque de fabrique est tout aussi important : le réseau de Superchargeurs. L’entreprise américaine ne fait rien comme les autres dans le domaine de la charge rapide. D’où viennent ses grandes différences avec les autres géants du secteur, comme Ionity, Fastned ou TotalEnergies ?

Lorsque l’on parle de véhicules électriques et de grands voyages, l’élément prépondérant n’est pas tant l’autonomie. Il s’agit surtout de l’infrastructure de charge rapide qui détermine la capacité à tailler la route, à bien entendu coupler à une vitesse de charge acceptable.

Dans cette optique de liberté de mouvement en voiture branchée, Tesla a une infrastructure à l’état de l’art : les Superchargeurs. Contrairement à l’ensemble des acteurs actuels de la charge rapide, l’entreprise américaine n’a pas eu le choix. Pour convaincre des clients potentiels que ses véhicules valaient la peine d’être achetés, il fallait que les grands voyages soient faciles.

Aujourd’hui, la supériorité du réseau de Superchargeurs à travers le monde est établie, plus de 10 ans après la première borne implantée. Tesla est passé d’un petit constructeur californien implantant quelques bornes de recharge à une place de leader du secteur, qui doit faire face à l’arrivée de nouveaux acteurs. Qu’est-ce qui rend Tesla si différent du reste des opérateurs de recharge ?

50 000 Superchargeurs dans le monde

En septembre 2023, Tesla a implanté son cinquante millième Superchargeur, nombre qui donne le tournis tant il s’agit d’une prouesse dans le monde de la mobilité électrique. En Europe et plus particulièrement en France, Tesla a choisi d’augmenter drastiquement la cadence d’ouverture des nouvelles stations depuis l’arrivée de la Tesla Model 3.

À l’époque, en 2019, beaucoup doutaient de la capacité de Tesla à suivre la cadence de production des véhicules. Il faut bien avouer qu’avec des ambitions dépassant le million de véhicules vendus chaque année à cette époque, l’inquiétude pouvait être légitime.

On peut l’avoir oublié tant cette période est révolue, mais lors de l’arrivée de la Tesla Model 3 en Europe, il s’agissait de la première voiture du groupe à être équipée d’un port Combo CCS. Avant cela, l’intégralité des Superchargeurs était dotée d’un unique câble au format dit « T2 Tesla » et seules les Tesla Model S et Model X pouvaient s’y charger. Aux États-Unis, la problématique est différente, car le port de recharge est au format propriétaire NACS, et en Chine les Tesla étaient dotées de deux ports de recharge pour être compatibles avec les normes locales.

Kia en recharge au superchargeur // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Kia en recharge au superchargeur Tesla. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Avec une rapidité impressionnante, Tesla s’est mis à équiper l’ensemble des Superchargeurs d’Europe d’un câble Combo CCS, pour que les Model 3 puissent profiter du réseau sans restriction. Avant la fin de l’année 2019, c’était chose faite.

Depuis, les Superchargeurs Tesla en Europe ont passé plusieurs caps : tout d’abord, une troisième version permettant une recharge jusqu’à 250 kW est arrivée, avec une usine dédiée à la fabrication de ces bornes du côté de Shanghai.

Ensuite, Tesla a lancé son programme pilote d’ouverture des Superchargeurs à tous les véhicules électriques ayant un port Combo CCS en fin d’année 2021. C’était avant de progressivement l’étendre à plusieurs pays, puis de le systématiser dès l’ouverture d’une nouvelle station. Plus récemment, des Superchargeurs de quatrième génération ont vu le jour, avec un accent mis sur l’accessibilité à tous les véhicules grâce à un câble plus long.

Pendant cette période, d’autres acteurs sont bien entendu arrivés sur le marché. En premier lieu, Ionity en partenariat avec plusieurs constructeurs automobiles, mais également des acteurs issus du secteur de l’énergie (TotalEnergies, Shell, Engie), ou des nouveaux venus qui ont fait de la recharge leur unique activité (Fastned, Electra). Voyons si l’avance prise par Tesla a été rattrapée, et comment se différencient les réseaux.

Une stratégie bien particulière

En Europe comme ailleurs, Tesla opte pour la même stratégie. Leur but premier est d’ouvrir des stations de recharge dotées de nombreuses bornes, dépassant parfois les 20, 30, voire 60 bornes, ce qui les place dans une position inédite sur le secteur de la charge rapide.

Bloomberg a fait le bilan des chargeurs rapides en Espagne, le 20 septembre 2023, et le constat est édifiant. En moyenne, une station de Superchargeurs est dotée de 14 bornes, alors que chez tous les autres acteurs, les meilleurs n’affichent pas plus de 3,6 bornes.

Recharge sur le réseau Fastned // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Recharge sur le réseau Fastned. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

Dit autrement, il y a presque quatre fois plus de bornes à une station de Superchargeurs que lors d’un arrêt chez un autre opérateur. Lors des périodes de grande transhumance, il peut être tentant de ne pas s’aventurer hors des Superchargeurs pour éviter de faire la queue.

Cependant, les lieux d’implantation des Superchargeurs ne sont pas toujours à proximité des autoroutes, où l’emplacement peut être très cher. C’est aussi le prix à payer afin de bénéficier de lieux assez vastes pour pouvoir réserver des dizaines de places de parking à des véhicules électriques.

En quelques années, l’explosion des nouveaux réseaux de charge rapide a pu faire craindre un retournement de situation, qui aurait fait perdre son avance à Tesla. Un petit état des lieux en France montre pourtant tout le contraire, puisque la différence entre le réseau de Superchargeurs et les autres est toujours extrêmement marquée.

L’état des lieux de la charge rapide en France au 30 septembre 2023.

En pratique, ce sont 13 bornes Tesla par Superchargeurs que l’on retrouve en moyenne à chaque station, contre la moitié pour les meilleurs élèves du reste des acteurs (Fastned, Ionity, TotalEnergies).

Mais si Tesla parvient à faire mieux que la concurrence sur le plan du nombre de prises à chaque station, qu’en est-il des tarifs ?

Des prix plus bas que la concurrence

On a déjà rappelé à quel point la charge rapide peut être chère, avec des prix dépassant parfois les 15 euros aux 100 km sur certains réseaux. À l’heure actuelle, Tesla semble être le seul acteur utilisant judicieusement des tarifs variables en fonction du temps.

Tout d’abord, il existe aujourd’hui des heures creuses entre 22 heures et 4 heures du matin, où la recharge est moins chère de l’ordre de 10 %. Même aux périodes les plus chères de la journée et pour les véhicules non-Tesla sans abonnement, recharger au Superchargeur est quasi systématiquement la solution la moins onéreuse.

Station ionity pleine. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Station Ionity pleine. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

En l’occurrence, au moment d’écrire ces lignes, Tesla facture 0,48 €/kWh dans le pire des cas, et 0,30 €/kWh dans le meilleur (heures creuses avec abonnement à 12,99 €/mois, ou avec un véhicule de la marque). En face, Electra est à 0,52 €/kWh, TotalEnergies, Ionity et Fastned à 0,59 €/kWh.

Dit autrement, pour une Tesla, utiliser le réseau de Superchargeurs est moitié moins cher qu’utiliser un chargeur Ionity ou Fastned. Aujourd’hui, ce tarif est trop onéreux pour ne bénéficier que d’une localisation plus proche des autoroutes, tout en risquant une saturation lors de certaines périodes.

Peut-on alors considérer que la bataille est déjà perdue pour la concurrence de Tesla ? On peut répondre en se risquant à imaginer le futur de la charge rapide.

Quelle place pour Tesla dans le futur de la charge rapide ?

Dans l’article publié par Bloomberg, on peut lire un constat édifiant concernant l’implantation des chargeurs rapides en Europe. Il ne fait que révéler ce que beaucoup ont bien compris depuis quelques années. Néanmoins, il est important de le voir graphiquement : le nombre de bornes a vraiment explosé en 2023.

Le nombre de stations de charge rapide a explosé en Europe en 2023 // Source : bloomberg
Le nombre de stations de charge rapide a explosé en Europe en 2023. // Source : bloomberg

L’un des changements les plus marquants s’observe d’ailleurs en France, avec une croissance de 356 % en 2023 sur le nombre de stations implantées. Ceci peut se lire de deux manières différentes : soit la France rattrape rapidement son retard, soit il y a vraiment un nombre de bornes conséquent sur l’ensemble du territoire.

Malheureusement, c’est plutôt la première affirmation qui l’emporte. Si l’on regarde les barres noires sur le graphique ci-dessus, on constate qu’en 2022, la Norvège avait plus de stations de charge rapide que la France. Il est bien connu que la Norvège a une avance conséquente sur les autres concernant l’électrification des véhicules. Cependant, avec un nombre d’habitants équivalent à seulement 12 % de la population française, il est difficile d’accepter qu’il y ait plus de bornes en Norvège qu’en France.

Les bouchées doubles ont donc été mises sur le territoire français, avec l’arrivée de certains acteurs désireux de s’octroyer une part du gâteau. En nombre de stations, Tesla — avec de nombreuses années d’avance — s’est fait doubler par PowerDot et TotalEnergies. Le géant de l’énergie montre qu’il souhaite sérieusement entamer sa transition vers la vente d’électricité pour les charges rapides.

Tesla restera probablement encore longtemps leader sur le nombre de bornes par station, puisque les autres acteurs semblent privilégier le nombre de stations implantées plutôt que le nombre total de bornes disponibles. Les prochaines années seront sans aucun doute intéressantes, car pour tenter de remettre en question la position de leader de Tesla, il reste du chemin à parcourir.

La disponibilité des bornes reste un souci à l’heure actuelle. Nos propres expériences et celles de l’écrasante majorité des utilisateurs se révèlent bien meilleures chez Tesla que chez la concurrence. Là encore, le géant américain montre que son expérience d’une décennie dans le domaine compte beaucoup. Les stations fonctionnent avec une quasi-certitude à pleine puissance, quand les retours, sur TotalEnergies notamment, prouvent qu’il reste du progrès à faire pour que tout fonctionne parfaitement.

Rendez-vous à la fin de l’année 2024 pour vérifier si la concurrence a réussi à rattraper Tesla là où la marque excelle : dans une expérience de charge rapide fiable, sans mauvaise surprise et bon marché.

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