En lançant une guerre ouverte contre la voiture électrique chinoise, Bruxelles n’a peut-être pas considéré toutes les conséquences que cette décision pourrait avoir. L’industrie automobile allemande redoute un retour de bâton qui pourrait l’affaiblir.

La Commission européenne a officiellement ouvert le 4 octobre 2023 une grande enquête de 13 mois. Celle-ci doit prouver que la Chine subventionne massivement son industrie automobile, ce qui constitue une pratique commerciale déloyale. Par ce biais, Bruxelles souhaite trouver une justification valable à des frais de douanes multipliés par 2 ou 3 pour les véhicules en provenance de l’Empire du Milieu. Problème : les constructeurs européens risquent de souffrir de représailles, et davantage que les marques chinoises qui subiront une taxation accrue. En matière d’industrie automobile, l’Europe dépend plus de la Chine que l’inverse.

Selon Reuters, dans son édition du 6 octobre, les constructeurs allemands se désolidarisent complètement de cette décision européenne. Certains commencent même à se demander à qui profiterait cette guerre commerciale.

Une décision purement politique

Comme pour la fin des véhicules thermiques en 2035, c’est l’institution européenne qui a initié seule la démarche d’entamer une possible guerre commerciale avec la Chine. Les constructeurs et l’association des constructeurs européens (ACEA) n’ont pas été consultés. Or, ce sont eux qui risquent gros dans une guerre commerciale entre le Vieux Continent et son immense partenaire asiatique..

Ursula von der Leyen - discours 13/08/23 // Source : Extrait vidéo Union européenne
Ursula von der Leyen lors d’un discours en septembre. // Source : Extrait vidéo Union européenne

Le discours d’Ursula von der Leyen du 13 septembre ainsi que l’ouverture de cette enquête sont des décisions politiques. Elles surviennent en outre dans un contexte électoral particulier, avec un scrutin européen prévu en 2024.

Si les voitures électriques chinoises peuvent débarquer en nombre en Europe, c’est parce que l’Union européenne a incité à l’adoption des voitures électriques avant que les constructeurs européens n’aient une offre compétitive par rapport à la Chine. Le match se révélant trop déséquilibré, et en sa défaveur, l’Europe veut désormais changer les règles pour donner un handicap aux véhicules chinois. C’est une manière très politique d’essayer de rattraper le coup. Cependant, cela pourrait au contraire accroître les difficultés de plusieurs grands groupes automobiles européens.

Un risque élevé pour les marques allemandes

Ainsi, le directeur financier de BMW, Walter Mertl, n’a pas hésité à dire à Reuters qu’il craint une riposte chinoise : « Le retour de bâton, tel un boomerang, peut-être plus important que ce que l’on imaginait. »

La Chine est l’un des plus grands marchés pour les trois principaux constructeurs automobiles allemands, même avec des ventes en baisse. Beaucoup ont mis sur pied des usines locales dédiées exclusivement au marché chinois. BMW produit par exemple l’iX3 sur place, pour l’importer ensuite en Europe. Il en va de même pour la nouvelle Mini, qui sera assemblée en Chine en attendant que l’usine anglaise soit opérationnelle.

Cela rend ces marques vulnérables à d’éventuels droits de douane de l’UE sur les importations en provenance de Chine, ainsi qu’à toute mesure de rétorsion de la Chine au niveau des ventes réalisées au sein de ses frontières.

Mini Cooper électrique  // Source : Raphaelle Baut
La future Mini Cooper électrique sera produite en Chine. // Source : Raphaëlle Baut

Un retour de bâton pourrait aussi toucher les chaînes d’approvisionnement de l’ensemble des constructeurs européens. La Chine contrôle environ 60 % de la production globale de batteries. De nombreux constructeurs dépendent de batterie BYD pour être vendus. D’autres des modèles de batteries CATL. Une tension entre la Chine et l’Europe pourrait perturber les relations commerciales et se répercuter sur la disponibilité ou les prix de ces précieuses batteries. Il en va de même avec les semi-conducteurs et bon nombre d’autres composants équipant les voitures neuves.

BMW et Volkswagen se sont déjà exprimés ouvertement contre des tarifs douaniers punitifs ou d’autres sanctions. Le directeur financier de BMW s’interroge au passage sur l’intérêt de l’Europe à ouvrir un tel front, en suggérant que d’autres marques ont une carte à jouer. Les groupes français (Stellantis et/ou Renault) sont soupçonnés d’avoir poussé cette enquête. « L’enquête protégerait ceux qui n’ont pas de ventes significatives en Chine, mais qu’elle aurait un impact sur tous les constructeurs automobiles qui font des affaires dans ce pays », avance Walter Mertl.

Luca de Meo, pour Renault, accueille favorablement cette nouvelle concurrence chinoise, comme d’autres constructeurs allemands (Volkswagen). Toutefois, Carlos Tavares, le patron de Stellantis, n’a jamais caché être favorable à des mesures protectionnistes pour éliminer cette nouvelle concurrence qu’il juge déloyale. L’ambiance entre les constructeurs risque d’être électrique les prochains mois.

Une guerre commerciale entre la Chine et l’Europe pourrait nuire au développement de la voiture électrique. Un sujet à suivre au long cours grâce à notre newsletter éditorialée et gratuite Watt Else

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