Carlos Tavares, le patron du groupe Stellantis – comptant 14 marques automobiles dont Peugeot, Citroën, Fiat, Jeep, etc. – tient depuis plusieurs années des discours assez offensifs concernant la menace des constructeurs chinois en Europe. Alors que les autres dirigeants de groupe européens ont toujours avancé avec prudence sur le sujet, Carlos Tavares a toujours maintenu une certaine défiance, accusant les constructeurs chinois d’être une concurrence déloyale sur le marché international. Cela n’empêche pas le groupe Franco-italo-américain Stellantis d’annoncer ce 26 octobre avoir signé un partenariat d’ampleur avec le constructeur chinois Leapmotor.
Repris par Le Figaro, Carlos Tavares a justifié le partenariat ainsi : « L’offensive chinoise a déjà commencé, et nous ne voulons pas en être une victime, mais un leader ». Un retournement de situation qui ne manque pas d’ironie. Des rumeurs sur le sujet se faisaient de plus en plus insistantes, mais il était difficile de savoir ce que le groupe cherchait chez les constructeurs chinois. On en sait plus avec l’accord officialisé ce jour.
Aider Leapmotor à s’installer en Europe
Carlos Tavares va donc se retrouver à aider le chinois Leapmotor à se développer en Europe et à l’international. Dans le cadre de l’accord, une coentreprise nommée « Leapmotor International » a été créé avec Stellantis en tant qu’actionnaire majoritaire à 51 %.
Stellantis gagne ainsi le contrôle sur les exportations, les ventes et même la production des modèles de Leapmotor en dehors de la Chine. Il n’est d’ailleurs pas exclu que certains modèles du constructeur chinois soient plus tard assemblés dans des usines du groupe Stellantis pour répondre à la demande ou passer quelques barrières administratives érigées par l’Europe.
Carlos Tavares se refuse à penser que Stellantis devient un « cheval de Troie » pour les véhicules chinois en Europe. Il considère au contraire reprendre ainsi le pouvoir face à l’offensive chinoise : « La réalité, c’est que l’Europe en a désespérément besoin. Avec Leapmotor, nous serons très efficients en termes de coût. Le produit est déjà prêt. »
Voilà une approche qui figurera peut-être dans les livres d’histoire de l’automobile, soit pour l’idée la plus brillante, soit pour la plus mauvaise stratégie : « Nous estimons que le moment est idéal pour contribuer activement à la stratégie d’expansion internationale de Leapmotor, l’un des nouveaux acteurs les plus remarquables du secteur des véhicules électriques, qui partage avec nous le même esprit d’entreprise axé sur la technologie. »
Pour le moment, le seul modèle que nous connaissons de Leapmotor en Europe est la citadine abordable T03. Cependant, le salon de Munich en septembre dernier a été l’occasion de découvrir d’autres modèles produits et prévus par le constructeur chinois. Nos premières impressions ont été assez positives par rapport aux véhicules exposés, mais il n’en reste pas moins qu’à l’exception de la citadine, on voit mal immédiatement ce qui ferait de Leapmotor une poule aux œufs d’or en Europe pour Stellantis.
Un intérêt stratégique qui se cache certainement ailleurs
Ce n’est pas tant la commercialisation en Europe de Leapmotor qui semble réellement motiver Stellantis. Cette partie apparaît plutôt comme une contrepartie au deal initial.
Le groupe s’intéresse plus certainement à la nouvelle plateforme développée par Leapmotor. Celle-ci a été présentée aussi sur le stand lors du salon de Munich. La plateforme emprunte la technologie « cell-to-chassis », ce qui signifie que les batteries font partie intégrante de la structure du véhicule. C’est une solution que l’on retrouve notamment chez Tesla, et que d’autres constructeurs chinois comme BYD ont rapidement intégré aussi. Cela manque par contre cruellement encore aux constructeurs européens qui passent encore par des assemblages plus traditionnels via des modules et des packs batteries ajoutés au châssis des voitures électriques.
Cette plateforme intéresse également Stellantis, car elle peut accueillir un prolongateur d’autonomie. C’est particulièrement autour de cette technologie que le gros des rumeurs se sont concentrées. Alors que Stellantis est censé avoir dans les tuyaux 4 nouvelles plateformes pour les voitures électriques (STLA-Small, Medium, Large et Frame), il est possible de se demander si Stellantis est vraiment sûr des développements qu’il a déjà faits. Le premier modèle qui sortira sur le marché européen avec cette nouvelle architecture est le Peugeot e-3008 en STLA-Medium.
Enfin, alors que Stellantis est en plein développement de son STLA-Brain, la partie logicielle qui doit accompagner la nouvelle génération de voitures électriques à venir, le groupe a certainement un intérêt particulier dans le système intégré par Leapmotor. Le constructeur chinois a développé avec sa plateforme une nouvelle architecture électrique. Comme le souligne le communiqué de presse de Stellantis : « Cette dernière assure une interaction fluide et performante avec les principaux composants des véhicules électriques intelligents. »
Stellantis semble donc être allé faire son marché pour comprendre comment un constructeur chinois peut produire des véhicules électriques plus abordables et technologiquement plus avancées qu’un constructeur automobile qui a plus de 100 d’expérience en la matière. Et ce n’est pas le seul groupe européen à aller nouer un partenariat pour apporter de nouvelles compétences en interne. Ainsi, Volkswagen a déjà signé un partenariat avec XPeng, et dans les prochaines semaines, il ne serait pas surprenant de découvrir que Mercedes annonce signer avec Nio le même type d’accord.
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