Nio est l’un des constructeurs de voitures électriques qui veut s’attaquer aux parts de marché détenues par Tesla en Chine, mais aussi à l’international. Les modèles proposés par le constructeur asiatique n’ont pas à rougir de la comparaison, mais les acheteurs peinent encore à être convaincus par l’offre de cette marque méconnue. Cela n’empêche pas Nio de continuer à voir grand, même si l’entreprise est rattrapée par la réalité du marché et a annoncé le 3 novembre devoir licencier.
Pour lancer sa conquête de l’Europe, la marque chinoise s’est concentrée en priorité sur les pays plus enclins à acheter des véhicules premium électriques — la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l’Allemagne. Depuis, la marque a décidé de ne pas s’arrêter là. Nio a planifié de vendre ses voitures en France, probablement dès 2024. Est-ce en péril ?
Des volumes faibles et une méthode de vente qui va devoir évoluer
En octobre, le président de Nio, Qin Lihong, se débattait contre les chiffres avancés par les médias. Alors que le chiffre de 832 véhicules vendus en Europe au premier semestre 2023 a rapidement circulé, le président de Nio est monté au créneau pour défendre que « les véritables chiffres d’exploitation étaient trois à quatre fois plus élevés », rapportait Reuters.
Pourtant, les chiffres des immatriculations pour le Vieux Continent confirmaient bien des résultats faibles de la marque. À fin juin 2023, Nio n’avait bien livré que 851 voitures sur le semestre en Europe, selon les statistiques Jato. Depuis, le chiffre a presque doublé.
Immatriculation EU (janvier à juin 2023) | Immatriculation EU (janvier à septembre 2023) | |
---|---|---|
Nio EL6 | 0 | 22 |
Nio EL7 | 202 | 289 |
Nio ES8 | 149 | 225 |
Nio ET5 | 272 | 532 |
Nio ET7 | 228 | 581 |
Total | 851 | 1 649 |
Le président de la marque avait peut-être mélangé les bons de commandes avec les livraisons. Laissons-lui le bénéfice du doute. Si ces débuts ne sont pas ridicules, en particulier face à d’autres modèles haut de gamme de rivaux chinois fraîchement débarqués — comme ceux de BYD ou de Xpeng — les ventes en Europe ne pèsent quand même pas bien lourd face aux 110 000 véhicules que la marque a livrés à ses clients chinois sur les six premiers de l’année. Un chiffre en hausse de 33 % par rapport à la période précédente, ce qui n’est pas négligeable dans un contexte où la demande chinoise a sensiblement ralenti.
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Nio a depuis compris que la vente directe n’était pas la solution la plus efficace pour conquérir l’Europe. Si Tesla réussit avec ce modèle, les autres constructeurs chinois tendent plutôt à s’appuyer sur le réseau de concessionnaires pour se faire connaître des clients encore un peu méfiants vis-à-vis de ces nouveaux produits. Passer par un système de revendeurs permettrait aussi à la marque de concentrer ses efforts d’investissements sur les stations de « battery swapping » et sur la R&D, plutôt que de les dépenser dans des « Nio House » — les points de vente de la marque.
« Nous choisirons le modèle le mieux adapté au marché local et aux besoins de développement de la marque », a déclaré Nio dans un communiqué repris par Reuters. Cela sera donc du cas par cas selon les pays. La marque veut lancer aussi une marque plus abordable en Europe, connue actuellement sous le code « Firefly », c’est celle-là qui pourrait s’appuyer sur cette solution en priorité. Le haut de gamme, lui, pourrait demeurer en vente directe.
Des licenciements pour réduire les pertes ?
Un article du New York Times du 5 octobre a pointé du doigt les pertes importantes du constructeur chinois sur les véhicules produits. Ainsi, selon l’article américain, Nio perdrait environ 32 600 € (35 000 $) par voiture et ne vivrait globalement que des subventions du gouvernement chinois. Ce sont des propos à charge contre le jeune constructeur et toute la filière chinoise. Derrière un chiffre qui semble énorme, il y a des investissements massifs sur des technologies innovantes et des usines ultraperformantes, qui pourraient rapidement se rentabiliser, comme l’a fait Tesla en son temps.
À titre de comparaison, le constructeur américain Lucid Motors perdrait 315 000 € par voiture produite, actuellement. Cela remet les choses en perspective quant à la notion de perte par voiture des constructeurs automobiles en plein développement.
Pour autant, Nio a bien annoncé vendredi 3 novembre qu’il allait devoir licencier 10 % de son effectif. « Nous avons encore un écart entre nos performances globales et nos attentes », indiquait le mail adressé par Nio à son personnel.
L’entreprise a besoin de réduire les coûts et d’améliorer son efficacité, en éliminant des postes en double ou non performants, pour s’adapter à la concurrence de plus en plus rude dans le domaine des voitures électriques. L’entreprise comptait fin 2022 plus de 26 000 employés à plein temps. Ce sont environ 3 000 employés qui pourraient être licenciés d’ici fin novembre.
Le constructeur Nio est-il en péril ?
Rien ne laisse penser que l’entreprise pourrait rencontrer des difficultés sérieuses au point de disparaître. La décision de licencier fait partie du passage obligé pour nombre de constructeurs qui doivent s’adapter aux fluctuations du marché. Il ne faudrait quand même pas que les taux d’intérêt viennent ralentir la demande pour les véhicules électriques haut de gamme, sinon la situation pourrait devenir plus compliquée pour Nio, et par ailleurs pour les autres marques récemment arrivées sur le marché international.
Depuis des mois, Nio échange très régulièrement avec les équipes de Mercedes. Les rumeurs d’une alliance des deux marques se font de plus en plus régulières, comme l’étaient celles concernant un rapprochement entre Leapmotor et Stellantis. Il ne serait pas étonnant dans ce contexte que ce licenciement puisse aussi faire partie de conditions pour un partenariat ou rachat éventuel.
Nio fait partie des constructeurs audacieux. Une stratégie qui est à double tranchant pour son expansion : cela peut débloquer une croissance exponentielle, comme cela peut la précipiter en quelques mois dans un mur. Les six prochains mois vont servir à déterminer si l’on est face à une étoile montante ou à un trou noir. D’ici là, Nio n’a pas caché son intention de reporter certains projets à long terme, mais l’accélération sur le marché européen ne devrait pas en faire partie.
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