Dans une grande ville à Paris, vaut-il mieux opter pour un vélo électrique ou un scooter ? Cette question, je me la pose depuis des années. J’ai commencé à envisager différentes solutions en 2019, avant d’opter pour un vélo électrique Moustache, après quelques mois d’alternance entre un Véligo et un Cityscoot. L’option du vélo électrique me paraissait plus raisonnable, notamment pour des raisons financières.
À la rentrée 2023, même si j’aime beaucoup mon vélo électrique, j’ai pris la décision de me laisser tenter par mon rêve de scooter. Le Segway E300SE, un incroyable équivalent 125 surpuissant et tout connecté, avec plein de gadgets, a réussi à conquérir mon cœur. Pour environ 5 000 euros (le scooter, les accessoires, l’immatriculation et la formation 125), je me suis offert le dernier scooter électrique à la mode chez l’enseigne Go2roues.
70 jours plus tard, j’arrive à saturation. La faute à une ville qui fait tout pour dégoûter les conducteurs de deux roues motorisées, mais surtout à une incivilité que je n’avais pas du tout anticipée. C’est simple, il ne s’est pas passé une semaine sans qu’un inconnu me cause du tort. On m’a souvent dit de me méfier des gens quand je faisais du vélo, mais c’est en scooter que j’ai eu le plus de problèmes.
70 jours, 10 problèmes
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Avec une assurance à 50 euros par mois, posséder un scooter électrique à Paris n’est déjà pas donné. J’étais prêt à payer ce prix, en espérant n’avoir aucune autre dépense annexe (un des avantages de l’électrique, notamment pour le stationnement). Naïf diriez-vous. Voici une chronologie rapide des incivilités rencontrées en seulement quelques jours (et ça pourrait être pire, puisque je me suis absenté une vingtaine de jours sur cette période) :
- 10 octobre : je récupère le scooter en magasin et le ramène chez moi. Première erreur : je le laisse sur sa béquille latérale et non pas centrale, le temps de passer récupérer des affaires. L’alarme sonne et m’avertit sur mon smartphone. À mon retour, le scooter était bien à sa place, mais avec de la peinture arrachée sur le côté. Quelqu’un l’a fait tomber et est parti. Ça commence bien.
- 11 octobre : première nuit, l’alarme sonne quatre fois. Je pars en courant au réveil pour m’assurer que tout va bien, aucun problème constaté.
- 12 octobre : deuxième nuit, l’alarme sonne deux fois. Je commence à comprendre que je risque de devenir paranoïaque assez rapidement, alors que je suis garé dans une grande rue fréquentée en plein Paris, avec du passage.
- 13 octobre : troisième nuit, l’alarme sonne et le scooter m’indique avoir été victime d’un incident. Je pars en courant au réveil : quelqu’un l’a déplacé sur le trottoir en retournant complètement les rétroviseurs. Pourquoi ? A priori pour garer sa voiture, qui débordait sur les places moto. Puisque les antivols étaient là, j’imagine que deux personnes l’ont porté, vraisemblablement en le tirant par les rétroviseurs.
- 15 octobre : je commence à m’habituer aux alarmes, même si je passe mon temps à surveiller sur mon smartphone qu’elle ne s’est pas déclenchée. Elle sonne plusieurs fois dans la nuit, mais aucun incident.
- 16 octobre : très mauvaise surprise le matin, l’alarme n’a pas sonné, mais le tablier de protection a été volé (150 euros en moins…). Le vendeur m’informe que ça arrive souvent, mais qu’il y a une garantie. Je prends rendez-vous au commissariat pour porter plainte, en attendant de recevoir un nouveau tablier.
- 26 octobre : quelqu’un déplace une nouvelle fois mon scooter, une nouvelle fois pour garer un camion. J’arrive à temps et il s’excuse, mais il a réussi à l’écorcher dans l’opération. Encore de la peinture en moins. Peut-être aurais-je dû prendre un scooter plus gros et lourd, pour faire peur aux mal élevés ?
- 8 novembre : après 10 jours de vacances avec mon scooter caché dans le parking d’un ami, je me décide à louer une place de parking. Problème : j’habite parfois chez moi, parfois chez ma petite amie. Je me retrouve donc avec un loyer de 85 euros par mois (35 euros chez moi, 50 euros chez elle), qui n’était pas du tout prévu dans mon budget. Ce problème règle ma peur de l’alarme qui se déclenche le soir, je dors enfin tranquillement. En revanche : je dois marcher 10 minutes depuis chez moi pour atteindre le scooter, qui ne possède pas de réseau quand il stationne. Je trouvais plus facilement un Cityscoot…
- 14 novembre : je récupère enfin un nouveau tablier de protection, que Go2roues m’installe avec un antivol. Selon son SAV au téléphone, personne ne s’est fait voler de tablier avec cette technique, les voleurs abandonnent dès qu’ils voient l’antivol.
- 17 novembre : je suis garé devant un bar et des personnes se servent de ma selle comme cendrier, devant moi. J’ai dû aller les voir pour leur demander d’arrêter. D’autres fumeurs s’assoient dessus ou bousculent le rétroviseur en passant.
- Novembre : à plusieurs reprises en novembre, l’alarme et des traces sur le scooter me laissent penser que des personnes tentent de forcer le coffre (dans lequel je ne laisse jamais rien). Heureusement, ils n’y sont pas parvenus.
- 30 novembre : en sortant d’un restaurant, je découvre que mon scooter a pris un gros coup au niveau du socle où je pose mes pieds, qui recouvre les batteries. Je suspecte immédiatement une tentative de vol, mais une collègue me met sur une autre piste. Un scooter semble être tombé sur mon Segway et l’avoir cassé. Je n’ai toujours pas pu faire réparer cette pièce aujourd’hui, malgré mes relances au SAV de Go2roues.
- 7 décembre : très grosse frayeur, quelqu’un me fonce dessus au feu rouge. Un 4×4 luxembourgeois, qui n’avait a priori pas de temps à perdre, me rentre dedans pour me faire tomber et continuer sa route. J’appelle la police qui me fait comprendre qu’elle ne m’aidera pas puisque je n’ai pas relevé la plaque (je peux porter plainte pour délit de fuite, mais ils n’en feront rien). Le scooter s’en sort miraculeusement bien, même si le rétroviseur gauche a pris plusieurs coups.
- 16 décembre : quelqu’un a de nouveau déplacé mon scooter qui était garé à une place pour motos, sans doute pour pouvoir garer sa voiture.
- 17 décembre : je sors mon scooter du parking pour le brancher à une borne de recharge pendant deux heures (il s’était déchargé dans le parking, je voulais éviter la panne). À mon retour, mauvaise surprise, le tablier de protection a disparu. Quelqu’un l’a découpé, probablement avec un ciseau, pour laisser l’antivol intact (super, la technique imparable). Encore 150 euros de perdus, sans oublier les 20 euros d’antivol. Avec la coque fissurée, je n’ose même plus le sortir en cas de pluie, par peur de tuer la batterie.
- 21 décembre : première sortie depuis le vol du tablier, je me gare deux heures dans une rue à côté de Trocadéro. À mon retour, je constate que le top case (le coffre arrière) a été forcé avec une clé. Ils n’ont pas réussi à l’ouvrir, mais ils m’ont arraché le logo Segway collé dessus en représailles. Il y a donc un rond noir vide avec un fond de colle maintenant.
Tous ces événements ont réussi une chose : m’agacer fortement. Je me réjouissais d’avoir un scooter électrique, j’ai désormais peur de me garer dans la rue, où l’incivilité provoque en moi des pulsions violentes. Pour tout vous dire, j’étudie même l’option de revente du scooter, même s’il est trop tard pour faire jouer la rétractation et que je perdrais probablement de l’argent dans cette opération. Une seule chose est sûre pour l’instant : je n’achèterai pas de troisième tablier de protection, ce qui implique de moins pouvoir conduire longuement l’hiver, et pas du tout quand il pleut.
Le trafic et les aides : tout est fait pour décourager
Évidemment, je suis conscient que cet enchaînement n’engage que moi et ma malchance. J’ose espérer que tous les propriétaires de scooters roulent plus sereinement et n’ont pas autant de problèmes. Cela dit, il y a d’autres contretemps qui me semblent inévitables pour tous, particulièrement en venant du vélo.
Ce qui m’a le plus surpris à Paris, c’est le trafic. Je le savais catastrophique pour les voitures, je ne l’imaginais pas aussi difficile pour les deux roues. S’il ne pose pas problème la nuit ou aux heures creuses, c’est un vrai casse-tête aux heures de pointe. Un bus ou un camion trouve toujours le moyen de bloquer la route et d’empêcher les dépassements. Je me suis souvent retrouvé bloqué derrière des voitures pendant plusieurs dizaines de minutes, pendant que les vélos passent par le trottoir. Contourner la route n’est pas toujours facile avec un scooter (et c’est surtout illégal).
L’autre problème à Paris concerne les sens interdits. Il me faut 4 minutes pour aller de chez ma copine au travail en vélo, il m’en faut 18, au mieux, en scooter. La faute à d’improbables détours forcés par des changements de sens et des interdictions, qui me font perdre un temps immense (du coup, j’y vais à pied). Je note aussi que les GPS, hors Waze, sont tous inadaptés aux scooters. Il est rare d’avoir d’aussi bonnes estimations que sur un vélo ou dans une voiture. Enfin, ma vitesse moyenne me semble anormalement basse. En moyenne, je suis à 12 km/h (avec les feux rouges), y compris quand je prends le périphérique (le scooter peut dépasser les 100 km/h). En vélo, ma moyenne est généralement de 18-19 km/h, avec en bonus de la chaleur musculaire qui aide à ne pas ressentir le froid hivernal.
Dans certains cas, les dimanches notamment, certaines opérations comme Paris Respire interdisent tout bonnement l’accès aux scooters électriques, qu’ils ne rejettent pas de CO2. Il faut faire des détours pendant plusieurs minutes, jusqu’à trouver un gentil agent qui accepte de faire une exception, au risque de devoir abandonner le scooter dans la rue jusqu’à la fin de l’opération. Évidemment, ce problème n’existe pas à vélo, qui dispose en bonus de nombreuses pistes cyclables.
Enfin, il y a une autre absurdité que je voulais mettre en lumière : le calcul du bonus écologique attribué par l’État pour l’achat d’un scooter électrique. Avec mon Segway E300SE et ses deux batteries d’une capacité totale de 3,98 kWh, je pensais être éligible au bonus maximal, qui est de 900 euros. Pourtant, et c’est absolument ridicule, l’État part du fait qu’il ne doit payer que pour une seule batterie, comme si j’avais eu le choix à la commande. Il n’a donc accepté de me verser qu’une aide de 497,50 euros, puisqu’il part du fait que mon scooter 125 n’a qu’une petite capacité de 1,99 kWh, ce qui est évidemment faux. Ça aussi, c’est dur à digérer.
Malgré toutes ces critiques, j’aime profondément mon petit Segway E300SE, qui est vraiment un excellent scooter électrique que je recommande à toutes celles et ceux en quête d’un scooter. Néanmoins, j’ai pris la décision de revenir au vélo en semaine, pour réserver mon scooter aux sorties du week-end, en attendant les beaux jours (ou une éventuelle revente anticipée). Ça fait cher pour 150 euros par mois (l’assurance et les parkings), mais je pourrais au moins dormir sereinement. Vive les parkings !
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