C’était à l’automne 2015 que Tesla a rendu disponible la première version de l’Autopilot, qui associe un maintien actif dans la voie à un régulateur de vitesse adaptatif. D’abord en bêta, puis encore en bêta, et toujours aujourd’hui en bêta plus de 8 ans plus tard, l’Autopilot a tout de même beaucoup évolué. Avec aujourd’hui quasiment 5 000 000 véhicules de Tesla sur les routes de la planète qui disposent de l’Autopilot de série, ce n’est plus qu’une petite fonctionnalité qui concerne quelques conducteurs portés vers les nouvelles technologies.
D’ailleurs, Tesla a fait de la conduite autonome son fer de lance depuis de nombreuses années, avec des promesses manquées à répétition sur la date de sortie de la conduite autonome de niveau 5. Le FSD (Full Self-Driving ou capacité de conduite autonome en France) est lui disponible en Amérique du Nord depuis quelques années, mais son arrivée sur le vieux continent n’est toujours pas d’actualité.
En l’occurrence, l’Autopilot de Tesla reste ce qui est le plus utile et le plus répandu, mais son évolution ne va pas vraiment dans le bon sens, et les clients font de plus en plus entendre leur mécontentement.
L’Autopilot, une aide à la conduite conséquente
Avant toute chose, il paraît important de rappeler pourquoi les récentes régressions de l’Autopilot affectent autant les possesseurs de Tesla : l’Autopilot est extrêmement utile, et bien souvent un facteur de décision d’achat d’une voiture de la marque.
Dès que l’on est sur une voie sur laquelle les lignes au sol sont bien marquées, enclencher l’Autopilot revient à être sur des rails, parfaitement centré sur la voie. Au fil du temps, on prend l’habitude d’activer l’Autopilot dès qu’on est sur une départementale ou une voie rapide. Par conséquent, chaque régression de l’Autopilot est désolante, car on sait de quoi est capable la voiture lorsqu’on met le logiciel au service du matériel.
D’ailleurs, pour les personnes roulant en Tesla depuis des années, il devient difficile de considérer une voiture qui n’a pas les mêmes capacités de conduite semi-autonome. Cependant, sur le papier, il est impossible de montrer en quoi l’Autopilot diffère des autres solutions disponibles sur le marché. En 2024, rares sont les voitures qui n’affichent pas un régulateur de vitesse adaptatif et un maintien dans la voie sur leur brochure.
Si l’Autopilot était extrêmement performant et difficile à prendre en défaut jusqu’en 2021, des dégradations conséquentes ont commencé à apparaître peu après le retrait du radar par Tesla. Depuis, malheureusement, l’Autopilot peine à inverser la tendance.
Des limites physiques difficiles à dépasser
Les Tesla d’aujourd’hui ne sont plus du tout les mêmes que celles d’avant, avec bien entendu de nombreuses améliorations au fil du temps. La course à l’optimisation des coûts et les choix discutables qui vont avec ont obligé la marque à délaisser certains composants très importants. Parmi les victimes se trouve le radar, disparu de toutes les Tesla depuis maintenant près de deux ans.
Tesla a décidé de remplacer l’information qui était transmise via le radar par la vision seule, c’est-à-dire que les caméras sont les uniques sources de données pour l’Autopilot aujourd’hui. Bien entendu, les caméras sont disposées tout autour d’une Tesla pour éviter les angles morts, mais c’est très loin d’être suffisant.
À titre d’exemple, le radar n’est pas affecté par les conditions météorologiques de la même manière que des caméras : du brouillard ou de la pluie n’inquiètent nullement le radar, tandis que les caméras deviennent aveugles dans ces circonstances. Petit à petit, les messages indiquant que les fonctionnalités liées à l’Autopilot sont limitées se multiplient sur les écrans des Tesla, en plus de cumuler d’autres problèmes.
On peut, par exemple, citer les bien connus freinages fantômes, ces décélérations brusques qui réveillent tous les passagers. Ils surprennent tellement le conducteur que beaucoup ont pris l’habitude de conduire en Autopilot avec le pied enfonçant légèrement la pédale d’accélérateur, pour éviter de telles frayeurs. C’est triste de devoir en arriver là, mais après plusieurs événements de ce genre qui auraient pu être catastrophiques, il n’y a pas vraiment d’alternative possible.
L’Autopilot n’est sans doute ni la première, ni la dernière aberration dans l’univers des voitures électriques. Dans la newsletter gratuite Watt Else de Numerama, les ratés de l’industrie sont en tout cas abordés sans langue de bois. Abonnez-vous pour la recevoir chaque jeudi !
Un fonctionnement qui se dégrade
Pour vérifier l’attention du conducteur, les capteurs de couple dans le volant sont principalement utilisés, en plus de la caméra intérieure qui s’assure périodiquement qu’on ne quitte pas la route des yeux. Autrement dit, il n’y a pas de volant capacitif. Si on a les mains sur le volant, on a tout de même potentiellement une alerte : il faut ajouter de la résistance dans un sens. À ce sujet, Tesla a plusieurs fois dû modifier le texte associé à l’alerte, suite aux retours de nombreux conducteurs qui pensaient appliquer la consigne à la lettre, mais étaient tout de même rappelés à l’ordre.
Jusqu’à la fin de l’année 2023, ce n’était pas aussi problématique qu’aujourd’hui. En pratique, on avait une alerte toutes les 20 secondes environ, seulement visuelle dans un premier temps. Il suffisait, si la main était mal placée, de la remettre avec un peu de résistance pour faire disparaître l’alerte à l’écran. Rien qui n’affole les passagers, puisqu’aucun son ne retentissait.
Aujourd’hui, dès qu’on enclenche l’Autopilot, si le système ne détecte pas immédiatement de résistance sur le volant, on est accueilli par un avertissement sonore qui réveille les occupants. Dit autrement, il est plus agréable et pratique de boire de l’eau en conduite manuelle, quitte à ce que la voiture fasse un zigzag, plutôt que de mettre l’Autopilot, que la voiture reste bien au centre de la voie, et que l’on boive pendant 10 secondes.
Qui plus est, avec la mise à jour de Noël 2023, est arrivée une nouveauté dont beaucoup se seraient bien passés : l’impossibilité d’utiliser l’Autopilot pendant une semaine entière si vous avez eu 5 désengagements forcés (c’est-à-dire, si vous vous êtes fait rappeler à l’ordre par le système de manière trop fréquente). Si l’idée de punir les mauvaises utilisations peut avoir du sens, elle est tellement mal implémentée à l’heure actuelle qu’elle paraît difficile à justifier. En l’occurrence, il peut arriver d’avoir un désengagement forcé simplement en cherchant de la musique sur l’écran central, qui est la seule manière d’interagir avec une Tesla.
On pourrait d’ailleurs aller jusqu’à affirmer qu’il est plus dangereux de naviguer sur l’écran central sans Autopilot qu’avec. Mais, compte tenu du système actuel, ce serait quasiment l’assurance de se voir privé d’Autopilot pendant quelque temps. Certains utilisent une parade pour que la caméra intérieure ne les détecte pas comme ayant leur attention portée sur l’écran, mais ce n’est pas à conseiller.
Des clients qui sont de moins en moins satisfaits
Depuis quelques semaines, certains clients qui se sont fait coincer par un Autopilot qui fait du zèle clament qu’ils en ont assez, et n’hésitent pas à dire que si cela continue, ce sera leur première et dernière Tesla. Malheureusement, l’Autopilot de base semble délaissé par la marque. Il y a fort à parier que les développeurs et ingénieurs qui travaillent sur la conduite autonome utilisent un mode avancé, où ils ne sont pas soumis à autant de restrictions que nous autres clients lambdas.
Par conséquent, il est peu probable que Tesla fasse machine arrière, surtout si les ventes continuent de battre record après record. Les clients de la première heure sont donc contraints de constater année après année que la promesse d’un véhicule qui s’améliore avec le temps est loin d’être tenue.
Les efforts sont concentrés ailleurs, que ce soit sur des gadgets dans l’infodivertissement (avec la mise à jour de Noël 2023 est arrivée la possibilité de modifier le son à la fermeture de la voiture par le cri d’une chèvre, par exemple) ou sur le FSD aux USA, qui peine à satisfaire tous les clients, et qui doit faire face aux mêmes limites physiques que l’Autopilot.
Aujourd’hui, il convient de se poser la question : qu’est-ce qui est réellement le plus dangereux, entre un conducteur de Tesla qui a les mains sur le volant, les yeux sur la route, mais qui se fait rappeler à l’ordre par le système, ou un qui dort allongé sur son siège, mais qui peut continuer ainsi indéfiniment, quitte à attacher un poids à son volant ?
Si Tesla a ajouté certaines mesures en réponse à une enquête de la NHTSA, force est de constater qu’à part embêter les conducteurs de bonne foi, elles ne vont en rien empêcher les abus. Il est temps d’inverser la tendance et de reprendre le développement logiciel de l’Autopilot comme il se doit. Aujourd’hui, l’Autopilot est devenu une aberration avec laquelle on doit composer, plutôt qu’une aide que l’on a envie d’utiliser systématiquement.
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