« Ce sont les États-Unis, ils ont des bornes partout ». En décembre 2023, à quelques jours de mon décollage vers Las Vegas, rouler 1 572 miles en Tesla, en plein milieu du désert américain, ne m’inquiétait pas tant que ça. Habitué des grandes villes californiennes, mon pressentiment était que les États-Unis étaient en avance sur la France. J’ai tout de même vérifié par sécurité que mon voyage était possible grâce à l’outil A Better Route Planner et la présence de bornes un peu partout m’a rassuré. Au pire, il me suffirait de brancher la voiture à une prise de courant tous les soirs à l’hôtel.
10 jours après mon arrivée aux États-Unis, tout s’est bien passé. Par « bien passé », je veux dire que je ne suis pas tombé en panne, que j’ai adoré mon voyage et que la voiture a bien été récupérée par Hertz, comme prévu. En revanche, il a fallu réaliser quelques ajustements. Pendant 10 jours, je n’ai parfois pas été serein sur la route, la faute à des trajets qui se jouaient à seulement quelques pourcents (et à des températures négatives qui rendaient le planificateur imprécis). Précision importante : je ne regrette pas mon choix. Il faut juste avoir quelques éléments en tête avant de se lancer dans l’aventure.
De Las Vegas à Bryce Canyon, en passant par Monument Valley et Arches
Cet article est le premier d’une série intitulée « Un mois aux États-Unis ». Du 27 décembre au 19 janvier, j’ai d’abord fait un road trip de 10 jours en amoureux, avant de couvrir le CES de Las Vegas pour Numerama. Je me suis ensuite envolé pour San Francisco à la rencontre des géants de la tech (et des taxis autonomes). Enfin, mon voyage s’est achevé à San José, pour la conférence Samsung Unpacked. Le but de cette série n’est pas de raconter ma vie, mais de donner des conseils aux futurs voyageurs en quête d’informations sur les différences technologiques et culturelles entre la France et les US.
Pour ce premier road trip américain, nous avons fait le choix d’une Tesla Model 3 Long Range, un véhicule annoncé avec 576 km d’autonomie. Nous l’avons louée au tarif de 700 dollars pour 10 jours, ce qui correspond plutôt aux premiers prix chez Hertz. Premier incident : Hertz n’en avait plus le jour du retrait. Ils m’ont « upgradé » avec un Model Y, présenté à 533 km. C’est un peu moins, mais je me suis dit que ça ferait l’affaire. Deuxième désillusion : il n’y avait pas de câble de recharge dans le coffre. Seulement un adaptateur Tesla/J1772 (la prise de recharge lente aux États-Unis). Pourquoi ? Hertz m’explique que les gens volent les câbles et qu’ils ne les remplacent plus. Ils auraient pu inventer un système de caution, mais ok ?
Avec du recul, ces deux red flags auraient dû m’alerter. L’autonomie était moins élevée que dans mes calculs et je n’avais même pas de quoi recharger en cas d’urgence… Tant pis, nous avons quand même pris la Tesla. Je vous passe les détails sur son état esthétique. Les loueurs américains ne font vraiment pas attention à leurs véhicules (mais, eux, donnent accès à l’application).
Ensuite, c’était le début du road trip. Notre programme était le suivant : Las Vegas, Grand Canyon, Horseshoe Bend, Lake Powell, Antelope Canyon, Monument Valley, Canyonlands, Arches, Bryce Canyon, Zion, puis de nouveau Las Vegas. Numerama n’est pas un site de tourisme, donc je ne vous dirai pas à quel point tout était absolument magnifique (mais c’était le cas). Intéressons-nous à la route.
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Pour dormir, nous avions repéré plusieurs hôtels dans des villes situées à proximité des parcs. Les villes proches de Las Vegas disposent tous de superchargeurs Tesla, ce qui limitait les risques. C’est après que ça s’est corsé.
Deux hôtels annulés et des changements de programme
Il faut savoir une chose sur les véhicules électriques aux États-Unis : il existe plusieurs ports de recharge. Les plus populaires sont le Tesla, le J772 (lent) et le CCS (rapide). Les constructeurs américains ont récemment décidé de faire de la prise Tesla la norme, mais les bornes non-Tesla utilisent aujourd’hui un port incompatible avec les Model Y de location. Dans certains cas, le câble n’est aussi pas fourni avec la borne. Un adaptateur Tesla/J772 est donc inutile sans câble Tesla/Tesla.
Autrement dit : mon roadtrip n’était possible qu’en passant par des chargeurs officiels Tesla (superchargeurs ou bornes d’hôtel). Certaines stations proposées par le planificateur intégré à la voiture ou A Better Route Planner étaient incompatibles avec mon véhicule, faute de câble. Le soir, impossible aussi de se recharger sur une prise normale. Tout ça nous a rapidement conduits à annuler deux hôtels, puisqu’ils étaient trop loin des bornes Tesla. Nous avons préféré changer quelque peu notre itinéraire dans le but de finir toutes nos nuits près d’un Supercharger (ou d’un chargeur Tesla Destination, qui offre une charge lente gratuite), afin de démarrer la prochaine journée sereinement (le froid fait perdre 2 à 3 % par nuit). Rien de grave, ça nous a plutôt arrangé à chaque fois (en nous rapprochant des destinations suivantes).
La plupart du temps, nos itinéraires étaient parfaitement faisables. Nous arrivions généralement au prochain Supercharger avec 15 à 20 % d’autonomie, ce qui n’était absolument pas problématique à condition de respecter les limites de vitesse. Les routes américaines étant des lignes droites, on se laisse rapidement tenter par l’accélération. On perd alors 10 à 15 % sur l’estimation.
Il n’y a qu’un seul trajet qui m’a posé problème, entre Lake Powell et Blanding (avec une visite de Monument Valley au milieu). C’est ici que nous avons dû annuler notre premier hôtel, puisque le détour qu’il provoquait risquait de rendre notre arrivée au prochain Supercharger impossible. Nous avons choisi un hôtel à une heure de route de Monument Valley, avec des bornes Tesla juste en bas. En partant à 100 %, en nous arrêtant à Monument Valley pour une randonnée (pas de balade en voiture, c’était trop risqué) et en nous rendant au superchargeur à la fin de la journée, le planificateur annonçait parfois 8 %, parfois 3 % (à cause du froid). Pas besoin de vous dire que je n’étais pas extrêmement serein.
Jusqu’à Monument Valley, j’ai roulé 5 mph (environ 8 km/h) en dessous de la limite de vitesse (avec le chauffage désactivé dès que nous avons eu chaud). Un changement qui m’a permis d’arriver à Monument Valley avec 51 % de batterie, alors que l’itinéraire prévoyait 36 % au moment du départ. Deux heures de route peu agréables, où j’ai plus souvent regardé le pourcentage estimé à l’arrivée que la route, mais qui se sont terminées par un sentiment de victoire. Heureusement, grâce à ces économies, nous avons pu appréhender la seconde partie du trajet avec tranquillité.
Les routes suivantes, j’ai parfois été anxieux, puisqu’il n’est pas rare de rouler 3 à 4 heures sans aucun superchargeur à l’horizon, mais tout s’est bien passé. Bien sûr, une personne normale est censée avoir le câble, ce qui règle tous les problèmes (plein d’hôtels/camps ont installé des prises pour les voitures électriques, mais ils ne fournissent pas l’équipement). Mais dans mon cas, la peur de la panne au milieu des canyons n’était pas agréable.
Les pneus, le froid et les États-Unis
Autre élément pour lequel j’en veux à Hertz (ils ont eu droit à un joli courrier à mon retour) : la Tesla louée avait des pneus dégonflés. Évidemment, particulièrement en période de température négative, cela a un impact sur l’autonomie (entre 3 et 4 % par itinéraire d’après l’application Énergie).
Au milieu du séjour, nous avons pris l’initiative de nous arrêter à une station pour regonfler les pneus. Problème : la plupart des stations là-bas n’ont pas de baromètre. Impossible de connaître la pression du pneu. En gros, on gonfle et on croise les doigts.
Sans surprise, nous avons mis trop d’air. Puisque l’écran de la Tesla s’actualise avec du retard, il a fallu que nous reprenions la route pour que la voiture se mette à hurler pour nous informer du danger. À force de dégonfler, de rouler et de dégonfler, nous sommes enfin arrivés à la pression recommandée (ce qui a réduit les pertes d’énergie à cause des pneus, en moyenne à 0,5 % par trajet).
Je le redis : tout cela ne serait jamais arrivé avec un câble de recharge dans le coffre. Nous aurions pu nous brancher tous les soirs à l’hôtel sans avoir à nous soucier de faire des escales à des superchargeurs Tesla. Le fautif n’est pas la voiture électrique, mais le loueur. Quoi qu’il en soit, il reste quelques progrès à faire pour rendre les road trips en EV vraiment simples, sans ces contraintes. Un seul parc sur tous ceux que nous avons visités avait par exemple pensé à installer des places avec chargeur… C’est trop peu, surtout pour des territoires collés à Las Vegas ou Los Angeles, deux villes remplies de Tesla. Nul doute que, d’ici quelques années, le problème sera réglé.
N’en déplaise aux anti-électriques, je ne regrette pas d’avoir loué une Tesla pour parcourir les parcs nationaux américains. J’aime la sensation de l’électrique, le confort de l’application (pouvoir la dégivrer à distance, préparer mon itinéraire), son silence, les gadgets dans les menus, l’Autopilot (quand on roule 3 heures en ligne droite, croyez-moi, c’est pratique) et, même si cette petite Tesla m’a fait quelques frayeurs, je me réjouis d’avoir roulé 2 500 km à ses côtés. Et puis, ça me fait une histoire à raconter !
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