De nos jours, la moindre rumeur peut prendre des proportions internationales en quelques heures, y compris les plus saugrenues. C’est exactement ce qu’il se passe depuis le 5 février avec l’idée délirante d’une fusion entre Stellantis et Renault. L’information diffusée par le média italien Il Messaggero a fait du chemin. Elle est allée jusqu’à influencer les cours de la bourse, poussant la direction de Stellantis à nier publiquement l’information, signe du remous qu’elle a créé.
Une fusion de ce type serait un tsunami pour la France, encore plus que celle de PSA (Peugeot, Citroën, DS, Opel) et FCA (Fiat Chrysler et toutes les marques du groupe italo-américain) pour devenir Stellantis en 2021. Or, l’emballement médiatique repose essentiellement sur un article dans lequel la formule « 1 + 1 = 18 » tombe du ciel, en s’appuyant sur une étrange compréhension de l’interview accordée à Bloomberg par Carlos Tavares (patron de Stellantis).
Une nouvelle méthode de drague étrange ?
Créer une fusion de deux groupes industriels, c’est comme un mariage. S’il n’y a pas d’alchimie, c’est un échec et c’est encore pire si le mariage est arrangé par un tiers. À moins que Carlos Tavares nous manipule tous avec une diversion maîtrisée à la perfection, rabaisser systématiquement son futur partenaire n’apparait pas comme la stratégie la plus judicieuse. Dans les faits, les deux groupes ont plutôt relancé les hostilités que montré des signes de rapprochement. Notamment sur le volet des recrutements où tous les coups sont de nouveau permis, mettant fin à un long pacte de non-agression.
Sans vouloir dénigrer les efforts de Renault pour revenir dans la course, le groupe français n’a pas grand-chose à offrir pour satisfaire l’appétit insatiable de Stellantis. Carlos Tavares s’intéresse aux nouveaux débouchés à l’export (hors EU) et/ou à une forte rentabilité. Autant dire que dominer le marché français (peu rentable) ne doit pas être un des objectifs du patron de Stellantis. Pour équilibrer les choses, Renault n’aurait pas beaucoup plus à gagner à s’unir avec l’ogre Stellantis.
Fossoyeur d’emplois
Imaginer que le gouvernement français puisse soutenir une telle fusion est tout autant invraisemblable. Stellantis n’a déjà pas fini l’écrémage de ses effectifs depuis sa dernière fusion, qu’il faudrait déjà remettre ça, en démembrant les usines françaises et le siège de Renault d’une bonne partie de sa masse salariale. Ce n’est pas l’idéal dans un bilan présidentiel.
Si l’on en croit les propos moqueurs de Carlos Tavares envers Luca de Meo, le groupe Renault pourrait être vulnérable à un rachat par un groupe chinois. C’est certainement un scénario redouté par Bercy, obsédé par sa volonté de faire barrage à la Chine. Pour autant, la décision ne doit pas se cantonner à choisir entre peste ou choléra. Il n’y a a priori pas d’urgence à se lancer dans une opération « il faut sauver le soldat Renault ». Laissons encore un peu de champ à la direction en place pour relancer la machine, elle pourrait nous surprendre.
Les institutions européennes et leur politique anti-trust pourraient aussi mettre leur grain de sel dans l’affaire. Rien que sur les véhicules utilitaires, la fusion créerait un monstre monopolistique difficile à accepter.
Ne jamais dire jamais
Certes, il y a encore quelques mois, il était difficile d’imaginer le patron de Stellantis nouer un partenariat avec un constructeur chinois, l’ennemi juré selon les propos publics de Carlos Tavares. C’est pourtant ce qu’il a fait avec Leapmotor. Dans ce milieu, comme en politique, il faut toujours se garder de croire que les choses ne changeront jamais ou que les déclarations publiques sont une vérité intangible.
Avant sa retraite, Carlos Tavares souhaite réaliser un dernier « gros coup ». C’est ce que montrait l’interview dans Bloomberg, à l’origine de cette rumeur concernant Renault. Néanmoins, la soif de conquête viserait l’un des géants américains. Mais au vu du marché américain, ce dernier gros coup risqué laisserait surtout une vraie peau de banane à son successeur.
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