C’est une nouvelle zone de turbulence dans laquelle Boeing est entré, et celle-ci ne secoue plus uniquement le 737 Max. L’entreprise américaine apparaît rencontrer quelques difficultés sur d’autres modèles qui jusqu’à présent semblaient épargnés. Une série par ailleurs assombrie avec la mort d’un lanceur d’alerte.
Le décès de John Barnett a été rapporté dans les médias le 11 mars 2024 et les premiers éléments laissent à penser qu’il s’agirait d’un suicide. L’homme, âgé de 62 ans, avait travaillé 32 ans chez Boeing. Sa dépouille a été retrouvée en Caroline du Sud, à Charleston. Après son départ de Boeing, en 2017, il était devenu lanceur d’alerte.
En particulier, John Barnett s’était lancé dans une action en justice contre son ancien employeur. Il avait dénoncé les pressions importantes exercées sur le personnel, qui, selon lui, l’avaient conduit à monter des pièces de moins bonne qualité sur des avions en cours de construction. Il avait notamment témoigné en 2019 auprès de la BBC.
L’intéressé avait également pointé des « problèmes graves au niveau des systèmes d’oxygène, ce qui pourrait signifier qu’un masque respiratoire sur quatre ne fonctionnerait pas en cas d’urgence », rapporte le média anglais. En somme, le processus d’assemblage chez Boeing était devenu précipité à ses yeux, ce qui compromettait le niveau de sécurité.
Auprès du New York Times, John Barnett avait déclaré en 2019 qu’un responsable de qualité tel que lui est « la dernière ligne de défense avant qu’un défaut ne soit rendu public. Et je n’ai pas encore vu d’avion venant de Charleston [là où se trouve une ligne de production, NDLR] sur lequel j’apposerais mon nom pour dire qu’il est sûr et en état de vol. »
À l’époque, John Barnett travaillait sur l’un des fleurons du géant américain de l’aéronautique — le 787 Dreamliner. L’avion, qui a commencé à voler fin 2019, a été développé dans plusieurs déclinaisons. En date de janvier 2024, plus de 1 100 appareils ont été construits et cet avion équipe la plupart des grandes compagnies aériennes mondiales.
Boeing avait contesté ces allégations, mais l’administration de l’aviation civile aux États-Unis (FAA — Federal Aviation Administration) s’en était mêlée en 2017. Un examen avait pointé divers problèmes et Boeing avait admis finalement que « certaines bouteilles d’oxygène reçues du fournisseur […] ne se déployaient pas correctement ».
Des difficultés qui sont le reflet d’une autre culture d’entreprise chez Boeing
Depuis l’affaire du 737 Max, qui a connu de nouveaux rebondissements en début d’année 2024, beaucoup d’observateurs s’entendent pour dire que tout cela est révélateur d’une bascule dans la culture d’entreprise de Boeing. La quête de profit a pris le pas sur d’autres considérations, ce qui a fini par se répercuter sur la qualité et, donc, la sécurité.
Les soucis auxquels Boeing est aujourd’hui confronté, qu’il s’agisse du 737 Max ou d’autres modèles, peuvent être vus comme les conséquences de ce changement. Il est vraisemblable que des situations analogues pourraient survenir encore à court et moyen termes. En effet, si le diagnostic est posé, et juste, encore faut-il administrer le bon traitement.
Depuis le début de l’année, les mauvais signaux s’accumulent en tout cas : en mars, une vidéo révélait la perte d’une roue venant d’un Boeing 777 au décollage. Le même mois, il y a eu un 737 Max 8 qui a atterri avec l‘un des trains d’atterrissage endommagé. En janvier, c’était un 757 qui a vécu un problème similaire.
Les signalements préoccupants ne s’arrêtent pas là. On a également appris qu’un 737 Max 8 a atterri début mars avec la porte de la soute ouverte. Or, c’est dans cette soute que se trouvent les animaux de compagnie quand ils voyagent. Et toujours en mars, il a été rapporté que cinquante passagers ont été blessés à bord d’un Boeing 787 à cause d’une forte secousse les ayant projetés au plafond.
Il a été expliqué que ce brusque mouvement, qui a touché un Dreamliner, a été engendré par un « incident technique », dont la nature n’a pas été précisée. Cela ressemble à un décrochage momentané de l’avion, peut-être en raison d’un trou d’air. Si s’agit d’un souci extérieur, l’aéronef n’est peut-être pas en cause.
En revanche, rappelle CNN, les derniers problèmes mis en lumière par la FAA sont bien propres à l’avion. Ici, ce sont encore les 737 Max et les 787 Dreamliner qui sont en cause : un souci de dégivrage pour le premier et un joint endommagé risquant d’engendrer des dégâts thermiques à l’entrée d’un moteur.
L’un des grands slogans de Boeing, que l’on retrouve notamment dans sa boutique de produits dérivés, est « If it’s not Boeing, I’m not going » (« Si ce n’est pas Boeing, je n’irai pas »). Une formule choc qui, à l’époque, illustrait la grande fiabilité du constructeur aéronautique américain. Mais qui a de plus en plus de mal à résonner juste.
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