Une voiture qui ne peut pas être assurée, ou à des tarifs exorbitants, est globalement invendable. Les assureurs sont prêts à utiliser ce moyen de pression pour que les constructeurs repensent un peu mieux la réparabilité de leurs modèles. Cet élément semble être passé au second plan concernant les voitures électriques, avec des coûts de réparation qui flambent.
Depuis quelques mois, les assureurs tirent la sonnette d’alarme à l’international : problème des batteries, réparabilité des éléments de carrosserie, pièces détachées impossibles à obtenir. Pour le moment, tout ceci est transparent pour les clients, notamment en France. Cependant, avec les délais rallongés pour les pièces et la main d’œuvre plus couteuse, tout ceci commence à peser lourd sur les compagnies d’assurance qui s’en plaignent, comme le souligne le média allemand Automobilwoche ce 19 mars 2024. Attention cependant aux raccourcis, plusieurs constructeurs de voitures électriques se démarquent de ces critiques en ayant bien anticipé les enjeux de réparabilité. Ils pâtissent alors aussi du choix d’autres fabricants dans le viseur des assureurs.
Prise de risque minimum en cas de choc
Les assureurs détestent perdre de l’argent. Or, certaines règles imposées par les constructeurs vis-à-vis des voitures électriques commencent à plomber leurs finances. La principale contrainte s’applique dès que l’airbag s’est déclenché lors d’un choc : la voiture électrique est alors considérée comme irréparable, car certains constructeurs exigent le changement de la batterie entière par mesure de sécurité.
Que la batterie ait été endommagée ou non lors de l’accident, aucun diagnostic n’est réalisé. Or, le coût d’une batterie de remplacement et de sa main d’œuvre dépasse les valeurs de réparation autorisées, donc la voiture est généralement envoyée à la casse.
Pour le client, c’est très rassurant. Il est certain de ne pas voir sa voiture partir en fumée quelques semaines ou mois plus tard à cause d’un hypothétique emballement thermique qui aurait mijoté tout ce temps dans la batterie (pour les chimies NMC). Qui se plaindrait de recevoir un véhicule neuf en remplacement d’un véhicule accidenté ? Mais, du point de vue de l’assureur, c’est de la perte sèche. Du point de vue de l’écologie, c’est un zéro pointé. Cette règle des constructeurs pose définitivement un vrai problème, qui ne peut que s’amplifier au fil des ans, jusqu’à devenir un nouveau scandale de la voiture électrique.
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Les réparations pour les éléments de carrosserie sont aussi globalement plus couteuses, selon les observations des assurances. Quant aux pièces détachées, telles que les optiques, elles sont devenues chères et souvent très longues à obtenir, ce qui a tendance à faire grimper les factures.
Même en excluant les modèles de Tesla et leur carrosserie essentiellement en aluminium, dont les réparations sont dispendieuses aux yeux des assureurs, les primes d’assurance peinent de plus en plus à couvrir les dommages. Cependant, cette tendance n’est pas réservée qu’aux véhicules électriques. Si les voitures électriques sont les plus menacées par des hausses de leur assurance, c’est finalement tout le parc automobile que les assureurs aimeraient bien pouvoir remettre à niveau.
La parade de Tesla aux États-Unis
Face à des difficultés rencontrées par certains clients américains pour faire assurer leur nouvelle Tesla, le constructeur américain a décidé qu’il allait lancer sa propre assurance pour ne pas dépendre du bon vouloir des grands groupes. Cependant, comme fréquemment avec Tesla, tout ne s’est pas déroulé comme planifié. La promesse de primes d’assurance plus faibles et d’une meilleure couverture en cas d’accident n’a pas toujours été tenue. Tesla a quelque peu sous-estimé le coût d’un tel service, pris à son propre piège de réparations trop couteuses.
D’autres gros groupes automobiles pourraient-ils envisager de pirater le système en place en lançant leurs propres branches d’assurance ? Il ne faut rien exclure, mais ce n’est pas un moyen efficace de gagner de l’argent et cela mobilise énormément de capitaux. Ce n’est clairement pas un développement prioritaire pour les constructeurs automobiles. Il faudrait, en effet, que les assureurs historiques bloquent complètement l’assurance de leurs modèles pour les faire réagir, jusqu’à se lancer eux-mêmes sur cette activité. Sinon, ils n’y ont pas réellement d’intérêt.
Le cas des modèles chinois « inassurables » au Royaume-Uni
Début mars, les médias anglais tels qu’Autoexpress ont rapporté un phénomène similaire avec les véhicules chinois au Royaume-Uni. Là encore, les assureurs, au travers de leurs réseaux de réparateurs, se trouvent confrontés à quelques problèmes techniques et culturels avec les marques chinoises.
Les pénuries de pièces et le manque d’assistance technique de la part des constructeurs chinois complexifient les réparations, au point que certains professionnels refusent de prendre en charge ces véhicules. Ce qui finit par se répercuter sur le coût des réparations, voire l’impossibilité de réparer les véhicules concernés, souvent des modèles électriques. Cela ne concerne pas uniquement des pure players fraîchement débarqués sur le marché. Le phénomène touche aussi des marques qui ne sont pas novices dans le marché automobile : BYD, ORA (de Great Wall Motor) et même MG.
Pour les pièces détachées, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que toutes ces marques disposent de stock de pièces en Europe, pour éviter les envois lents depuis la Chine. BYD est d’ailleurs en train d’ouvrir un centre logistique en France, qui vient compléter un stock de pièces déjà installé aux Pays-Bas, et de former les équipes pour répondre aux besoins. Les marques chinoises ne sont pas les seules à avoir des problèmes logistiques pour les pièces : Stellantis ou Tesla sont aussi de mauvais élèves en la matière.
Une différence culturelle pourrait aussi compliquer la tâche. En Chine, la main d’œuvre pour les réparations est abordable. De longues manipulations peuvent être envisagées pour remplacer ou réparer des éléments d’une voiture. Ce n’est pas le cas en Europe, ou au Royaume-Uni, où le coût de la main d’œuvre est élevé et rend vite certaines interventions peu rentables. Qui dit manque de rentabilité, dit encore une fois voiture mise au rebut sans être réparée. Ce qui implique donc des polices d’assurance hautes ou des assureurs qui refusent d’assurer, et la boucle est ainsi bouclée.
Les constructeurs chinois se sont ouverts au dialogue pour lever les blocages des compagnies d’assurance et mieux comprendre les pratiques européennes.
Il ne faudrait pas que les assurances ajoutent une nouvelle crainte aux acheteurs de voitures électriques : celle de ne pouvoir payer leur assurance. Un sujet que nous suivrons dans notre newsletter sur la mobilité électrique, nommée Watt Else.
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