Nous sommes de plus en plus nombreux à nous rendre sur notre lieu de travail à vélo. Sont vantées un peu partout les mille et unes vertus du vélo. Le vélo, c’est bon pour le moral, bon pour la santé, c’est bon pour les salariés (et pour la planète of course). Maintenant si nous avons mis le pied non pas à l’étrier, mais la pédale, qu’en est-il côté employeurs ? Quelles sont les règles et obligations qui ont transformé, ou pas, les services RH en cyclofficines ? Et qu’est-ce que vous pouvez demander à votre employeur ? Plus de frites à la cantine, plus de places de stationnement ?
Avant de commencer, quelques précisions. L’article n’a pas vocation à être exhaustif. Il existe de nombreuses spécificités. Nous n’avons pas traité par exemple les obligations de l’employeur dans le cadre d’une entreprise de livraison à vélo, ni la question de la responsabilité en cas d’accident (pendant le travail ou lors du trajet domicile-bureau). Mais vous aurez tout de même l’aperçu qu’il faut pour connaître vos droits.
Quelles sont les obligations des entreprises en matière de stationnement vélo ?
Selon le Code de la construction et de l’habitation, l’installation des infrastructures pour stationner en toute sécurité des vélos est obligatoire en cas de construction d’un bâtiment qui sera utilisé comme un lieu de travail, espace commercial, d’accueil du service public et équipé de places de stationnement destinées aux salariés, visiteurs, clients (article L113-18).
L’obligation s’applique aussi sur les bâtiments existants à usage tertiaire et locaux à usage professionnel qui disposent déjà de places de stationnement pour les salariés (article L113-20), et ceux dont le parc de stationnement annexe est en travaux (sous condition de capacité initiale et rapport coût total prévisionnel/valeur du bâtiment).
Les zones de stationnement vélo doivent se situer de préférence au rez-de-chaussée ou au premier sous-sol de la zone de stationnement du bâtiment.
L’article R113-16 précise aussi qu’une porte équipée d’un système de fermeture sécurisée pour accéder au stationnement des vélos doit être installée lorsque celui-ci est destiné aux salariés d’un bâtiment considéré comme un lieu de travail. Lorsqu’elles sont à l’extérieur, les infrastructures vélos doivent être couvertes, éclairées et closes. Pour les bâtiments commerciaux, la sécurisation peut se faire via une porte ou une surveillance fonctionnelle pour les usagers, les visiteurs et la clientèle. L’accès aux espaces de stationnement des vélos des agents, salariés et travailleurs, passe donc obligatoirement par un système de fermeture sécurisée.
Le décret N°2022-930 du 25 juin 2022 relatif à la sécurisation des infrastructures de stationnement des vélos dans les bâtiments vient préciser les obligations en termes de stationnement pour les vélos dans les espaces privés et publics. Il précise notamment que les infrastructures doivent comporter des dispositifs « permettant de stabiliser et d’attacher les vélos par le cadre et au moins une roue ».
On applique ensuite un pourcentage sur le nombre de l’effectif des salariés pour calculer le nombre des emplacements. Celui-ci varie selon l’usage du bâtiment et son « état » (existant, en travaux, neuf). Pour ce qui nous concerne ici, les bâtiments tertiaires existants composés principalement de locaux à usage professionnel, le seuil minimal d’emplacement pour les vélos représente 10 % de l’effectif total des travailleurs accueillis simultanément dans le bâtiment (source : Guide stationnement des vélos dans les constructions par le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, 2022). C’est 15 % pour les bâtiments neufs.
Dans la pratique, certains dispositifs, même s’ils respectent les obligations légales, ne sécurisent pas très bien les vélos. C’est notamment le cas de certains arceaux muraux ou râteliers anciens dans lesquels on peut uniquement glisser la roue avant et pour lesquels il faut prévoir un antivol plus long.
Hors espace de dégagement, un emplacement doit au minimum mesurer 1,5 m² (Art. 1er de l’arrêté du 30 juin 2022). Autant vous dire que c’est pas toujours pratique de faire un créneau quand on roule en cargo. On espère donc que l’État va se pencher sur le sujet ; les recommandations (un emplacement pour un vélo spécial tous les 20 emplacements simples) ont le mérite « d’exister » mais elles sont souvent insuffisantes dans la pratique.
Le FMD (Forfait mobilités durables) est-il obligatoire pour les entreprises ?
En 2024, la mise en place qu Forfait mobilités durables, qui prévoit la prise en charge des frais de transports personnels des salariés qui utilisent un moyen de transport alternatif, n’est pas obligatoire. C’est donc au bon vouloir des entreprises (Humanoid, éditeur de Numerama, l’a mis en place depuis 5 ans : rejoignez-nous !).
Néanmoins, tous les employeurs ont l’obligation de participer à la prise en charge des abonnements souscrits par leurs salariés pour leurs déplacements domicile-travail en transports publics ou via un service de location public de vélos. C’est d’ailleurs précisé dans l’article L3261-2 du Code du travail.
La loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a rendu obligatoire l’intégration du volet mobilité domicile-travail dans les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO) depuis le 1er janvier 2020.
Donc si votre employeur n’a pas prévu de mettre en place le FMD et que vous avez très très envie de venir au travail à vélo, il y a quand même une solution.
Pour rappel, le seuil obligatoire de prise en charge des frais de transport via les transports public par l’entreprise est fixé à 50 % pour les salariés du privé et à 75 % pour les agents de la fonction publique depuis le 1ᵉʳ septembre 2023 (décret n°2023-812 du 21 août 2023).
Quid du Plan de mobilité entreprise ?
Le plan de mobilité en entreprise (anciennement plan de déplacements d’entreprise) désigne l’ensemble de mesures visant à promouvoir des modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle, comme le vélo, les transports en commun, le covoiturage, etc. Il ne concerne donc pas uniquement le vélo.
Cette obligation issue de la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte a d’abord concerné toutes les entreprises de plus de 100 travailleurs sur un même site situées dans le périmètre d’un Plan de déplacements urbains (article 51 de la Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte). La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) de décembre 2019 a abaissé le seuil à 50 salariés.
Un Plan de déplacements urbains est un outil de planification de la mobilité qui est obligatoire pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Il est défini dans les articles L1214-2 à L1214-38 du Code des transports.
Espérons que le déploiement du Plan de mobilité d’entreprise constitue une bonne occasion d’installer des douches et des vestiaires pour encourager le vélotaf. Car pour le moment, il n’y a aucune obligation réglementaire à installer des douches ou un vestiaire. Déso pour les odeurs.
Le développement du vélo : un game changer pour les entreprises et l’environnement
Le développement du vélo est du pain bénit pour les entreprises qui souhaitent travailler leur marque employeur et développer des actions RSE. Mais face à la difficulté de développer le vélo en entreprise, certaines jettent l’éponge, faute de trouver une personne référente pour organiser son Plan de Mobilité ou de vouloir surcharger leur service RH.
Conçu par la FUB et appuyé par l’ADEME suite à l’annonce du Plan Vélo, le label Employeur Pro-Vélo est officiellement lancé en 2021. Il a pour objectif de favoriser le vélo en entreprise, en valorisant les employeurs qui mettent le pied à la pédale, et respectent un cahier des charges. En 2023, 100 employeurs ont été labellisés.
Le site OEPV (Objectif Employeur Pro-Vélo) met à disposition des entreprises plusieurs ressources plutôt bien foutues, dont un test pour faire le point sur le développement du vélo dans l’entreprise.
La location de vélos de fonction : un business pour passer à la vitesse supérieure ?
Tandem Company, Azfalte, Zenride, Bee.Cycle, les entreprises qui proposent un service de vélo de fonctions ont compris qu’il y avait quelque chose à faire pour mettre tout le monde en selle — comme celles qui proposent des vélos à la location pour les particuliers. Pour lever les freins tant du côté employeur que du côté salarié, certaines ont développé des offres « all inclusive » avec entretien, mise à disposition d’antivols et d’accessoires, etc.
Plusieurs acteurs du vélo de fonction se sont réunis pour constituer La Fédération des Acteurs du Vélo en Entreprise (FAVE).
Les avantages sont pluriels. Ils ne concernent pas uniquement les employeurs qui peuvent y trouver fiscalement leur compte, et qui n’ont pas forcément envie de former leur RH à la mécanique cycle, mais ils profitent aussi aux salariés (rouler avec un vélo récent, électrique ou musculaire, et entretenu). Ça vaut donc le coup de mettre le sujet sur la table.
Donc si tout le monde est content, on a envie de dire : on s’y met quand ?
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