Faire des promesses de campagne est une chose, pouvoir les réaliser en est une autre. Qu’en est-il de cette proposition du camp Macron de doubler le nombre de voitures électriques disponibles en leasing social ? Cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.

D’abord promesse électorale d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle de 2022, la « voiture électrique à 100 € par mois » continue sa route comme promesse de la coalition Ensemble ! pour les législatives de 2024. Ce dispositif appelé leasing social vise à démocratiser la voiture électrique aux ménages les plus modestes, grâce à une subvention de 13 000 € du gouvernement.

25 000 dossiers de leasing social avaient été prévus pour 2024. Mais, face à l’engouement, jusqu’à 50 000 dossiers ont finalement été acceptés en 6 semaines avant la mise en pause du dispositif. Le parti de la majorité présidentielle veut donc aller plus loin en élargissant le dispositif à 100 000 véhicules électriques en leasing social chaque année. Une promesse que le premier ministre Gabriel Attal a confirmée sur le plateau de BFM TV ce 3 juillet. Mais est-ce vraiment réaliste ? Le doute est permis.

Cafouillages administratifs en série autour du leasing social

Il a fallu au gouvernement plus de 2 ans et demi pour transformer la promesse de campagne en un dispositif réel. Malgré ce délai, les débuts du leasing social ont été particulièrement chaotiques. Si Renault et Stellantis ont eu le temps de préparer leurs offres de véhicules proposés entre 40 € et 150 € par mois, d’autres constructeurs éligibles (Nissan, Hyundai et Volkswagen) ont pris le train en marche et n’ont récupéré que quelques miettes du dispositif. Ce qui n’a pas été sans créer quelques heurts diplomatiques.  

Les modèles Stellantis retenus pour le leasing social // Source : Stellantis
Les modèles Stellantis ont été les grands gagnants du leasing social. // Source : Stellantis

Le plus gros cafouillage réside surtout au niveau de l’administration chargée de gérer et rembourser les avances faites par les concessionnaires pour les particuliers. L’informatique n’était pas prête, il a fallu attendre plusieurs mois pour que les dossiers puissent être pris en compte et que les indemnisations soient lancées.

Pendant 5 mois, le gouvernement n’a pas payé les plus de 300 millions qu’il devait aux concessionnaires, les mettant dans des situations financières parfois précaires. Selon le syndicat patronal Mobilians, la situation est rentrée dans l’ordre, ce que Gabriel Attal a également promis au micro de BFM TV ce 3 juillet.

Il faut espérer que les services compétents seront cette fois prêts si le volume de demandes double. Encore faut-il que les élections de 7 juillet ne viennent pas stopper purement et simplement ce dispositif.

Une explosion du budget

Le leasing social est financé par la même enveloppe budgétaire que le bonus écologique et la prime à la conversion. Celle-ci doit être de 1,5 milliard d’euros pour l’année 2024, selon les budgets votés. Avec un budget dédié au leasing social qui est subitement passé de 325 millions à 650 millions dépensés en 6 semaines, l’équilibre est forcément perturbé.

En promettant 100 000 dossiers de leasing social pour les prochaines années, l’État va devoir provisionner au moins 1,3 milliard d’euros par an rien que pour cela. Le gouvernement s’est engagé auprès de la filière à conserver les autres aides : bonus écologique, prime à la conversion et prime au rétrofit. Alors que le budget de ces aides a baissé sur les dernières années, il risque d’y avoir un problème mathématique à régler rapidement pour financer cette mesure.

Bruno Le Maire lors de la journée de la filière auto // Source : Raphaelle Baut
Bruno Le Maire lors de la journée de la filière auto. // Source : Raphaelle Baut

Quid des conséquences sur les constructeurs auto ?  

Comme son nom le suggère, le leasing social est une offre de location longue durée (avec ou sans option d’achat). Ces contrats sont généralement d’une durée de 3 ans. Beaucoup de ces véhicules à petits budgets vont donc revenir en occasion chez les constructeurs d’ici à 2027. Les revendeurs vont devoir écouler cet important stock de voitures en seconde main. Ce qui va certainement entraîner une dépréciation du modèle sur le marché de l’occasion.

Ce retour massif des véhicules de leasing social pourrait même complètement perturber l’ensemble du marché de l’occasion des voitures électriques, y compris pour des acheteurs qui ont payé leur électrique au prix fort.

Promettre 100 000 véhicules électriques par an n’est aussi pas sans conséquence sur les capacités de production des constructeurs. C’est bien supérieur aux volumes actuels. Sur le papier, les constructeurs devraient être ravis d’avoir des usines qui tournent à plein régime. Cependant, une montée en cadence de la production s’anticipe plusieurs années en amont, en impliquant toute la filière (notamment les sous-traitants). Nul doute que dans la précipitation de la campagne électorale, les constructeurs n’ont pas été consultés sur la faisabilité de la promesse.

Usine Renault Mégane e-tech // Source : Renault
Usine Renault Mégane e-tech. // Source : Renault

Il faut également rappeler que les constructeurs ne font pas leur beurre sur les véhicules d’entrée de gamme, qui sont exactement ceux promis dans le cadre du leasing social. Un constructeur a tout intérêt à vendre moins de voitures, mais des versions plus chères (modèles et finitions plus haut de gamme) que l’inverse. Les marges sur les modèles d’entrée de gamme sont bien trop faibles pour ne concentrer la production que sur cette version. Une vraie question sur la rentabilité du dispositif devrait être posée aux constructeurs concernés.

Prioriser certains acheteurs, une utopie ?

Le leasing social doit bénéficier en priorité aux ménages les plus modestes pour les aider à passer à la voiture électrique. Cependant, la réalité des commandes en 2024 a montré un tout autre visage des clients qui se sont précipités sur l’offre subventionnée.

Gabriel Attal, lors de son interview sur BFM TV, a indiqué vouloir que les professionnels du soin à la personne soient prioritaires sur ce dispositif. C’est probablement un vœu pieux, mais irréaliste de son discours.

Le leasing social n’a pas fini de faire couler de l’encre. C’est l’un des nombreux sujets que vous pouvez retrouver dans notre newsletter éditorialisée Watt Else, éditée chaque semaine.

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