Les fabricants de batteries pour véhicules électriques sont sur des charbons ardents en Corée. Le gouvernement sud-coréen pourrait imposer aux constructeurs de mentionner clairement les batteries qu’ils utilisent. Derrière cette soudaine transparence, il s’agit essentiellement de pouvoir pointer du doigt plus facilement les éventuels responsables en cas d’incendie de batterie de voitures électriques. Une démarche qui ne plait pas aux fournisseurs des batteries.
Tout ceci fait suite à un incendie spectaculaire à Incheon (banlieue de Séoul) qui s’est déroulé le 1ᵉʳ aout, mettant en cause une Mercedes EQE, équipée d’une batterie chinoise de qualité jugée douteuse. Cet incident a déclenché une onde de choc, poussant les autorités à organiser des réunions d’urgence pour statuer sur la question.
Que s’est-il passé avec l’incendie de la Mercedes EQE ?
La Mercedes EQE 350 a pris feu dans le parking souterrain d’une résidence d’habitations. Le véhicule était pourtant stationné depuis trois jours et sans charger. Le feu, qui s’est déclenché semble-t-il spontanément, s’est rapidement propagé à d’autres véhicules : une centaine de véhicules ont été détruits et d’autres endommagés par les fumées, selon le Korea Times. Des centaines de résidents ont dû être évacués et relogés dans des abris, certains ont été transportés à l’hôpital en raison de l’inhalation des fumées. Les systèmes vitaux du bâtiment ont été réduits en cendres, coupant l’eau et l’électricité.
Ce qui a particulièrement choqué les Coréens est que ce modèle de luxe, vendu à plus de 100 millions de wons (environ 67 000 euros), était équipé d’une batterie loin d’être haut de gamme, aussi bien en termes de sécurité que de qualité. Le modèle Mercedes est équipé d’une batterie NMC (Nickel Manganèse Cobalt) du fabricant Farasis. Il s’agit d’un fabricant chinois défavorablement connu en Asie : les batteries de ce fabricant ont déjà été sujettes à un rappel en Chine en 2021 en raison de risques d’incendie. Le gouvernement coréen a réagi en pressant Mercedes-Benz Korea d’inspecter les 3 000 véhicules équipés de ces batteries potentiellement dangereuses. Normalement, les Mercedes devraient être équipées de batteries CATL.
Pour de nombreux consommateurs coréens, l’idée que des voitures de luxe puissent intégrer des composants d’un fournisseur chinois relativement peu réputé est inquiétante. Cet incident pourrait bien marquer un tournant, non seulement pour la marque Mercedes-Benz, mais aussi pour l’ensemble du secteur automobile en Corée. Vu d’Europe, tout ceci n’est pas sans rappeler l’épisode de l’incendie du cargo Fremantle Highway à l’été 2023 et toutes les conséquences qui ont suivi.
Des règles beaucoup plus contraignantes pour les constructeurs
Face à cette situation explosive, le ministère des Transports coréen a convoqué une réunion d’urgence pour discuter de nouvelles mesures, d’abord entre responsables politiques, puis avec les principaux constructeurs présents dans le pays. Le gouvernement pourrait choisir de mettre en place un système de certification de la fiabilité des batteries et la divulgation obligatoire des fournisseurs.
En réponse à l’inquiétude des Coréens, Hyundai a déjà pris les devants en publiant la liste des fabricants de batteries pour ses véhicules électriques, un mouvement qui pourrait bien redéfinir les règles du jeu. Kia, Polestar et BMW vont prochainement afficher ces informations à destination du public. GM Korea, Cadillac et Stellantis seraient également prêts à mettre en œuvre des pratiques similaires, selon le Korea Herald.
Les fabricants de batteries craignent de leur côté d’être accusés à tort à chaque incendie : « Lorsqu’un véhicule électrique prend feu, la batterie prend souvent feu aussi, mais cela ne veut pas dire que la batterie est forcément en cause », explique au Korea Herald un responsable d’un important fabricant coréen de batteries. « Avec une transparence totale, il y a un risque que les consommateurs nous accusent automatiquement en cas d’incident », ajoute-t-il.
Les incendies spontanés ayant pour origine une batterie haute-tension défectueuse restent rares. Comme tous véhicules, les voitures électriques peuvent prendre feu à cause d’un court-circuit, d’un problème avec la recharge, des suites d’un choc, ou d’un acte de malveillance humain. Il faut rester prudent face au buzz provoqué par ces incidents parfois spectaculaires.
Il n’empêche qu’un peu plus de transparence auprès du public sur l’origine de la batterie et de sa chimie n’est pas forcément une mauvaise chose. L’Europe travaille actuellement sur un « passeport batterie » qui permettra de mieux assurer la traçabilité, la durabilité et le recyclage des batteries. Est-ce la solution ?
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