Le 12 août, TF1 a publié un reportage de 4 minutes mettant face à face une voiture thermique, une hybride et une électrique. L’objectif était de relier la banlieue lilloise à Étretat en Normandie, soit un peu plus de 300 kilomètres. Si vous êtes familier avec les voitures branchées, un tel trajet ne doit pas vous faire bien peur.
Pourtant, ce type de reportage met rarement en valeur les voitures électriques, et c’était encore le cas cette fois-ci. Le conducteur de la Volkswagen ID.4 est arrivé 90 minutes après ses partenaires, enchaînant les galères. Est-ce une enquête malhonnête, ou ce genre de mésaventure est-il tout à fait logique compte tenu de l’itinéraire, du véhicule et des planificateurs utilisés ?
L’électrique en France pour voyager : oui mais…
Numerama a déjà abordé le sujet des grands voyages en électrique à plusieurs reprises, comme au printemps 2023 en Nissan Ariya, ou bien avec nos astuces pour maîtriser les planificateurs d’itinéraires. En d’autres termes, tout se passe bien lorsque le conducteur maîtrise à peu près les fondamentaux de la voiture électrique.
Ce qui est sous-entendu, c’est que si la personne au volant est à l’aise avec sa batterie sous 20 %, connaît les bons et les mauvais réseaux de recharge, et sait comment limiter sa consommation en cas d’imprévu, aucun voyage ne devrait mal se passer.
Une fois que l’on est d’accord avec ce constat, il faut tout de même nuancer le discours en rappelant que de nombreux automobilistes ne se posent habituellement aucune question relative à leur voyage en voiture depuis qu’ils ont le permis, à l’exception des périodes de pénuries de carburants. En passant à l’électrique, il faut changer sa manière de concevoir la mobilité.
Les erreurs commises ne sont pas toujours volontaires
Si l’on reprend l’exemple du voyage entre Villeneuve-d’Ascq et Étretat, examinons ce qu’il aurait fallu pour ne pas avoir les déconvenues montrées dans le reportage.
En indiquant dans un planificateur tiers, comme A Better Route Planner, la Volkswagen ID.4 d’entrée de gamme (58 kWh de batterie), l’itinéraire est en effet quasi impossible à réaliser d’une traîte, à moins d’accepter de baisser sa vitesse de croisière et d’arriver presque vide. Pour un néophyte de l’électrique, ce n’est évidemment pas envisageable. Il y aura donc forcément un arrêt de recharge.
Le résultat de la simulation ABRP renvoie bien à la première borne de recharge montrée dans le reportage (que l’on retrouve sur Chargemap ici). Le conducteur de l’ID.4 n’est peut-être pas allé volontairement à une borne hors service loin de l’autoroute : il a tout simplement suivi ce qui est considéré comme la référence des planificateurs d’itinéraires.
Les problèmes débutent alors, puisque cette borne était non fonctionnelle le jour du reportage. Pour trouver une autre borne à proximité, le conducteur a certainement utilisé Chargemap ou une autre application pour voir les bornes de recharge, et sans filtrer par puissance de charge, l’utilisateur va droit dans le mur. C’est ce qu’il s’est probablement passé, puisqu’arrivé au supermarché du coin sur une borne de charge lente en courant alternatif.
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Pour quelqu’un d’initié, cela tombe sous le sens, mais encore une fois ce serait malhonnête de notre part de faire comme si tout ça était normal pour tout un chacun. Après avoir constaté que la recharge allait durer plus de 5 heures, le conducteur décide de retourner sur l’autoroute pour utiliser la prochaine station pour recharger.
On peut alors se demander pourquoi il était sorti de l’autoroute avant ça pour aller sur une borne IECharge, mais là encore, il ne faut pas jeter la pierre : A Better Route Planner indique que c’est ce qu’il faut faire. Pas de chance encore une fois, une borne de recharge Totalenergies était hors service à cette station. Malheureusement, ce genre de déconvenues arrive encore en 2024. Le quatrième essai était le bon, avec une charge rapide qui démarre bien et moins de 30 minutes après il peut repartir.
Une fois que l’issue du trajet est connue, il est toujours facile de juger qu’il fallait directement aller à telle borne pour éviter toutes les histoires de bornes HS et de charge lente. Dire que les personnes impliquées dans le reportage ont sciemment effectué un trajet voué à l’échec est discutable.
D’ailleurs, TF1 a proposé aussi ce reportage où on voit que la journaliste fait tout relativement bien, mais sur les aires, on voit des propriétaires de VE qui semblent aussi un peu perdus entre les applications de recharge, le nombre d’arrêts à faire et les coûts liés à la recharge. Et sauf preuve du contraire, ce sont bien de réels clients qui ont acheté leur voiture électrique, en partant en vacances avec. Se mettre dans la peau d’une personne novice et mal informée serait-elle au final plus représentative que de se la jouer expert ?
Cependant, cet article a été traité en suivant l’éventualité d’un trajet planifié avec une Volkswagen ID.4 d’entrée de gamme, or la réalité du reportage est différente. Le journaliste était au volant de la toute dernière version 77 kWh, réputée plus efficiente, puisque la plaque d’immatriculation est celle que l’on voit dans ce test de l’Argus. Ce modèle est par ailleurs équipé d’un planificateur intégré au GPS particulièrement pertinent pour optimiser le trajet. Autrement dit, le trajet était potentiellement faisable d’une traite, ce qui explique l’arrivée à la borne avec autour de 30 % de batterie.
Les bonnes pratiques ne sont pas si simple à mettre en place
Comme vu plus haut, par défaut A Better Route Planner propose le même trajet que ce qui a été fait lors du reportage. Il arrive cependant que les trajets proposés par ces outils soient pessimistes, mais un novice ne saura pas forcément réagir en conséquence.
Probablement qu’un planificateur embarqué dans plein de voitures ferait pareil, sans pour autant montrer qu’une borne est hors service. D’ailleurs, dans de nombreux cas, le statut de la borne n’est pas immédiatement reflété dans les applications. Seuls les meilleurs modèles sont équipés de cette fonctionnalité de disponibilité des bornes.
Le fait est qu’en une vie entière à conduire des voitures thermiques, beaucoup de personnes n’ont jamais planifié un trajet. Ils s’arrêtent lorsque le réservoir en a besoin à la prochaine aire disponible pour faire le plein, sans avoir besoin d’anticiper cet arrêt. On aimerait dire qu’en électrique, il est possible de faire pareil, mais ce n’est pas encore le cas. Lorsque tout se passe bien, c’est super, mais à titre personnel il est fréquent d’arriver à une borne et qu’il y ait un problème. En tant qu’utilisateur avancé, ça ne me fera pas perdre plus de quelques minutes, car j’ai des solutions de repli. Cependant il serait présomptueux d’imaginer que pour la plupart des profils, dont les plus novices, ce soit indolore.
Les bonnes pratiques, telles que : accepter de descendre autour de 10 % de batterie avant de recharger, ne pas charger à plus de 80 % pour éviter de perdre trop de temps, planifier son trajet à l’avance et potentiellement avoir un plan B, sont difficiles à mettre en place lorsque l’on débute en électrique. Lors des premiers grands trajets, certains conducteurs peuvent faire des erreurs, et il ne faut pas systématiquement leur tomber dessus.
Pour autant, lorsque les journalistes font un reportage sur des voyages en voiture électrique, il est de leur devoir de partager les bonnes informations, plutôt que de pousser les conducteurs à faire comme eux. Comment ne pas citer les Superchargeurs Tesla par exemple lorsque l’on fait un reportage de ce type, qui combine trois avantages : fiabilité, nombre de bornes par site et tarifs.
Avec la même voiture que celle du reportage entre Lille et Étretat, choisir les Superchargeurs Tesla ouverts à tous qui sont sur le parcours semble être une bien meilleure manière de voyager, et surtout bien plus sereine. C’est particulièrement applicable aux néophytes de la mobilité électrique, pour qui tout trajet qui dépasse l’autonomie du véhicule peut être source de stress. Les journalistes ont préféré un autre itinéraire.
Cependant, la concession Volkswagen qui livre le véhicule est-elle au courant de ça ? En parle-t-elle au client lorsqu’il demande comment voyager, ou bien font-elle comme si le réseau de Superchargeurs Tesla était inexistant ? Malheureusement, beaucoup de clients restent livrés à eux mêmes lorsqu’il s’agit de parcourir de grandes distances, quand ils n’ont pas été découragés par certaines idées reçues qui ont la tête dure.
Les reportages à charge font bien parler
Alors que pour la première fois en 2024, une voiture électrique est devenue la voiture la plus vendue du monde, on en est encore à voir des reportages qui montrent qu’il est trop difficile de voyager en voiture électrique.
Tous ceux qui ont l’habitude des grands trajets le savent : c’est bien loin d’être la réalité. Mais force est de constater que faire ce genre de reportages à charge fonctionne bien.
Beaucoup de conducteurs de voitures électriques en parlent pour faire la chasse à la désinformation, alors qu’un reportage classique où tout va bien passe assez inaperçu. Tant que ce sera le cas, il y a tout de même fort à parier que les chaînes de télévision continueront à proposer ce type d’enquêtes.
Par contre, pour aider les néophytes, les planificateurs d’itinéraires et autres applications de recherche de bornes de recharge doivent également drastiquement s’améliorer. Par défaut, on pourrait imaginer que seules les bornes rapides s’affichent, et qu’il faille utiliser un filtre pour voir les bornes lentes, plutôt que l’inverse comme c’est le cas aujourd’hui.
En effet, quelqu’un qui n’y connait rien pourrait simplement chercher la borne la plus proche, et constater une fois brancher qu’il faut des heures avant de pouvoir repartir alors que la voiture promettait d’être à 80 % en moins de 30 minutes selon la brochure commerciale.
Enfin, les planificateurs embarqués dans les voitures doivent aussi se mettre à la page. Dans la plupart des modèles, c’est à peine acceptable. Pour certains, notamment chez Tesla, c’est plutôt bien adapté aux novices pour les grands trajets. À bord d’une Tesla Model Y — voiture la plus vendue au monde en 2023 —, les arrêts de recharge auraient été indiqués sur l’écran central dès le départ, avec le nombre de bornes à chaque station, leur état d’occupation et les temps estimés avant de repartir. Pour un conducteur, c’est très rassurant. Mais pour faire un reportage qui fasse parler de lui, pas sûr que ce soit le meilleur choix.
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