Quand une marque chinoise inconnue promet monts et merveilles, prudence ! Qui sait ce que l’on trouve sous la jolie couche de vernis ? Après plusieurs désillusions, l’édito de la newsletter Watt Else du 22 août est justement allé gratter la surface pour mieux comprendre qui est Skyworth.

À moins de deux mois du Mondial de Paris 2024, j’échangeais avec un confrère au sujet des marques présentes et absentes du salon. Après avoir passé en revue les constructeurs traditionnels, il m’annonce : « Et il y aura aussi Skyworth. » Si, comme moi, vous vous demandez « qui est Skyworth ? », accrochez-vous. J’ai creusé le sujet pendant plusieurs heures et je n’étais vraiment pas préparée à ce que j’allais découvrir. 

Skyworth, une marque chinoise, prévoit de profiter du salon auto de Paris pour partir à la conquête des marchés français et européens. Mais, alors que la filiale française fait ses premières apparitions dans les médias, le discours commercial de la marque m’interpelle.

Léger arrangement avec la réalité ?

Grâce à L’argus, on apprend que « la marque se hisse à la 19ᵉ place sur le marché chinois, avec 4 000 véhicules neufs vendus par mois ». Voilà une donnée facile à vérifier en recoupant les données publiées par les médias chinois. Skyworth n’a jamais dépassé les 2 300 ventes mensuelles en Chine. En moyenne, la marque se positionne autour de la 70ᵉ place des constructeurs. En 2024, les ventes n’ont d’ailleurs pas dépassé les 1 250 exemplaires par mois. En complément, la marque exporte à l’international quelques centaines de véhicules par an. Néanmoins, les pays cités en exemple par Skyworth sont à considérer avec prudence, la marque s’y lance seulement. En Thaïlande, par exemple, il ne s’est vendu que 5 voitures (dont 4 le mois dernier), et ce n’est pas un cas isolé.

Skyworth K bientôt en France // Source : Skyworth/Skywell
Skyworth K présenté à la rentrée en France // Source : Skyworth/Skywell

Sur BFM Business, plusieurs déclarations du président de Skyworth France, Mickael Fitoussi, ont également attiré mon attention : les véhicules seraient « homologués en Europe depuis 4 ans », alors que le premier modèle de la marque a été lancé en 2021, en Chine. « Il y a une vingtaine de modèles » : à moins de compter l’activité de bus et camions électriques d’une autre branche du groupe, le compte n’est pas bon. Skyworth a deux modèles : une voiture électrique et une déclinaison hybride (à moitié BYD), ainsi qu’un concept-car (qui sera visible au salon) et des projets. 

La filiale française promet de se battre pour installer une usine en France (ou en Europe), usine aussi promise en Arabie saoudite à la signature d’un juteux partenariat local. Cela fait beaucoup de promesses d’usines pour une production limitée. Skyworth aspire aussi à ouvrir plus de 50 points de vente en France dès l’année prochaine (avec du service après-vente pour les clients) et prévoit d’atteindre 1 200 immatriculations par an. Le tout avec un modèle à la fiche technique moyenne qui n’a obtenu qu’une étoile à son crash test en Chine en 2023 (version avant facelift). Vous connaissez la fable de la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf ? 

Le caméléon des noms 

Alors que j’essayais de cerner la marque, ses modèles et sa présence sur des marchés internationaux, je suis tombée sur un os. L’activité automobile du groupe a une fâcheuse tendance à changer de nom (pour ses marques et produits). Prévu pour lancer la marque en Chine en 2021, le Skywell ET5 est devenu le Skyworth EV6 juste avant sa commercialisation.

Le modèle a pourtant gardé le nom de Skywell ET5 en Roumanie, Pologne, Iran et Israël. En Turquie, le plus gros marché hors de Chine, la voiture électrique s’appelle Skywell Long Range. En Allemagne, elle est revendue par un importateur sous le nom d’Elaris Beo (14 exemplaires en 2024). C’est aussi une Fregata Ariel 8 en Thaïlande ou une Skywell BE11 au Royaume-Uni. En France, elle devrait porter le nom de Skyworth K, mais il s’agit toujours bien du SUV Skyworth EV6.

Les premiers tests anglais du Skywell BE11 / Skyworth K / Skyworth EV6

Présenté en 2021 lors d’événements en Amérique du Nord, le modèle électrique aurait dû être commercialisé par un importateur sous le nom d’Imperium SEV. Un problème juridique l’a fait changer de nom pour Liteborn Aurium SEV. Finalement, la voiture n’a jamais été homologuée pour ces pays et les 1 500 clients canadiens ayant déposé un chèque de réservation de 100 $ rament pour récupérer leur dépôt.

Un passé trouble 

L’histoire de Skyworth n’est pas forcément très éloignée de marques électroniques comme BYD ou Foxconn, à quelques détails près. Le groupe est devenu le roi des télécommandes, puis des téléviseurs couleur en Chine. En plein succès, le patron, Stephen Wong (ou Huang Hongsheng pour son nom chinois), et plusieurs dirigeants finissent pourtant en prison pour fraude.

Après cette pause forcée de quelques années, l’entreprise se diversifie dès 2010 vers les véhicules à nouvelles énergies : d’abord, les bus et camionnettes. Malgré quelques dérapages de falsifications de documents (et de véhicules) pour maintenir des subventions, l’activité se développe bien. Ce qui amène Stephen Wong à lancer des voitures électriques à partir de 2017.

Skyworth au salon de Beijing // Source : Skyworth
Skyworth au salon auto de Beijing (Stephen Wong 2eme en partant de la droite) // Source : Skyworth

Cette histoire singulière est apparemment à l’image de son patron. Selon CarNewsChina (et d’autres médias chinois), Stephen Wong a affirmé lors du salon de Beijing 2024 que l’achat d’une Skyworth permettrait à chaque propriétaire de prolonger sa propre vie de 30 ans supplémentaires. Il a même ajouté : « Depuis que je conduis une voiture électrique Skyworth, mon hypertension, mon diabète et d’autres problèmes ont été guéris. » (La marque a démenti ces déclarations et indique que les médias chinois repandent de fausses informations). Après tout ça, j’ai hâte de découvrir la marque au Mondial de Paris, et vous ? 

Si vous avez apprécié cet édito, n’hésitez plus à vous abonner à la newsletter Watt Else. Chaque semaine, vous recevrez un édito garanti sans langue de bois et des actualités décryptées sur la mobilité électrique.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.