Un chiffre extrait d’une étude de McKinsey a été repris par les journalistes économiques dans les médias français : un tiers des conducteurs de voiture électrique souhaiterait repasser au thermique. Le problème, c’est qu’il est sorti de son contexte. Il est même faux concernant le marché européen.

Les enquêtes peuvent être de très bons indicateurs pour prendre le pouls chez les automobilistes. Mais, comme les sondages d’opinion au moment des élections, ces études peuvent aussi donner des interprétations biaisées de la tendance de fond. C’est notamment le cas si l’échantillon n’est pas représentatif ou si les questions sont orientées. Dans ce contexte, les résultats de l’étude annuelle sur la mobilité du cabinet McKinsey font débats. L’étude a été publiée en juin 2024, mais elle refait parler d’elle en cette fin août dans les médias.

Cette enquête dresse un portrait peu glorieux de l’adoption de la voiture électrique. Combiné à des chiffres de ventes en berne, cela donne un cocktail explosif. Il en ressort même qu’un Américain sur deux possédant une voiture électrique envisagerait de revenir à une voiture à moteur thermique. La moyenne serait de 29 % à l’international (qui devient un tiers chez certains médias). Le chiffre a de quoi interpeller. Qu’en est-il pour la France ou l’Europe ?  

Fiat 500e dans une ville italienne // Source : Fiat
Fiat 500e dans une ville italienne. // Source : Fiat

82 % des conducteurs de véhicule électrique ne voudraient pas revenir au thermique en France

Il ne faut jamais s’arrêter à la première page d’une étude en choisissant uniquement les premiers chiffres affichés. En effet, si les chiffres dans d’autres pays ne sont pas toujours favorables à la voiture électrique, en raison d’une infrastructure médiocre, en Europe et en France, le résultat est bien différent. C’est d’ailleurs ce que montre cette étude, si on la lit dans le détail :

  • France : 18 % seulement des possesseurs de VE pensent éventuellement retourner vers une voiture thermique (875 personnes interrogées),
  • Norvège : 18 % également, sur 1 519 personnes interrogées,
  • Italie : 15 % des Italiens songent à reprendre une voiture thermique sur 986 interrogés,
  • Allemagne : 24 % des conducteurs de VE pourraient revenir au thermique sur 968 personnes consultées,
  • Europe : 19 % sur 4 348 personnes ciblées par l’enquête.

En Europe, le résultat est donc plutôt en faveur de l’électrique, puisque quatre personnes sur cinq (plus de 80 %) roulant en voiture électrique n’envisagent pas de revenir au moteur à combustion interne. Cela tend à contredire les chiffres relayés par certains médias. Voilà tout de même une autre perspective bien plus positive pour la voiture électrique.

Zoom sur les résultats européens de la question McKinsey // Source : McKinsey
Zoom sur les résultats européens de la question posée par McKinsey. // Source : McKinsey

Même le cabinet Mckinsey arrive à une conclusion similaire dans son article spécifiquement dédié au marché européen : « Une minorité de propriétaires actuels de véhicules électriques envisagerait de revenir aux véhicules à moteur thermique. »

Un autre son de cloche à l’international

Les chiffres communiqués par les médias ne sont pas faux pour autant. Cela peut également expliquer pourquoi certains constructeurs redoutent un ralentissement à long terme de la demande de voitures électriques.

3 grands pays concernés par l’étude plombent effectivement les chiffres :

  • Australie : 49 %,
  • États-Unis : 46 %,
  • Brésil : 38 %.

Point commun de ces pays : l’infrastructure de recharge est largement insuffisante pour rouler l’esprit tranquille sur de grandes distances. Le coût de possession d’une voiture n’est pas forcément toujours aussi avantageux pour les propriétaires interrogés, avec des coûts d’électricité ou d’achat qui sont trop élevés par rapport aux ceux liés aux véhicules thermiques.

Tesla Model Y  // Source : Tesla
Tesla Model Y : le modèle le plus vendu au monde. // Source : Tesla

C’est ainsi que l’étude réalisée sur 9 pays (Allemagne, Australie, Brésil, Chine, États-Unis, France, Italie, Japon, Norvège) obtient que 29 % des automobilistes roulant en voiture électrique pourraient songer à revenir à une voiture à moteur traditionnel. Précisons que l’étude utilise le conditionnel, il s’agit en aucun cas de faits avérés, mais d’hypothèses suggérées aux répondants de l’enquête.

L’échantillon de l’enquête McKinsey en question

S’il n’est pas toujours utile d’avoir de larges panels pour obtenir des résultats jugés probants, celui de McKinsey soulève quand même quelques questions quant à la pertinence des extrapolations de l’enquête.

McKinsey édite son étude annuelle auprès d’un échantillon de 36 954 répondants de 9 pays, soit une moyenne de 4 100 automobilistes par pays. Ce qui peut sembler suffisant pour une telle enquête.

Il faut en plus souligner que la question adressée aux propriétaires de véhicules électriques ne concernait qu’une partie des répondants : 8 993 répondants au niveau mondial, soit environ 24 % de l’échantillon.

En Europe, ils sont 4 348 automobilistes à avoir répondu à cette question pour 4 pays. Cela signifie également qu’à l’échelle de grands marchés comme les États-Unis ou la Chine, il y avait probablement autant de répondants (ou peut-être moins) que pour un marché comme l’Italie. Est-ce significatif ?

Cela soulève forcément des questions, notamment lorsqu’on conclut que, dans le pays de Tesla, un Américain sur deux hésite à revenir à un véhicule à essence ou diesel. Même dans un pays où le pétrole est roi, cette tendance ne colle pas avec les éléments remontés par les clients de voitures électriques.

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