La Commission européenne doit sans doute se féliciter d’avoir freiné l’expansion des voitures électriques chinoises en Europe. L’enquête antisubventions a abouti à un vote des États membres en faveur de nouveaux droits compensateurs sur les importations de véhicules électriques en provenance de Chine – un vote toutefois remporté de justesse. Cette sanction s’applique ainsi dès le 30 octobre 2024 et pour les cinq prochaines années.
Cette surtaxe douanière est certainement vécue comme une victoire politique majeure. Mais, comme toujours quand les politiciens se mêlent de dossiers industriels complexes, les décisions et les textes sont bancals. Au mieux, cela ne changera rien aux problèmes de compétitivité des constructeurs européens, au pire, cela va précipiter leur déclin. Je sais que ce protectionnisme en séduira certains, mais je vais prendre le risque de les froisser en soulignant ce qui cloche dans l’histoire.
Sanctions sur les VE, mais pas les hybrides : logique !?
Ces nouveaux droits de douane s’appliquent exclusivement aux voitures électriques à batterie (BEV) et aux modèles à prolongateur d’autonomie (EREV), laissant les hybrides chinois de côté. Pour les constructeurs comme MG, l’aubaine est évidente : ils ont en stock des véhicules hybrides à tarifs ultra-compétitifs, qui se vendront comme des petits pains sur le marché européen. Surtout que les motorisations hybrides sont actuellement plébiscitées par le public, au détriment des voitures électriques qu’il faudrait pourtant adopter pour accélérer la transition écologique.
Les hybrides rechargeables (PHEV) échappent aussi à la surtaxe douanière, ce qui devrait faire les affaires de BYD avec sa technologie DM-i – même si les PHEV ont un peu moins le vent en poupe en Europe.
Mathématiquement, les marques chinoises capables de jongler avec un mix hybride et électrique seront moins lourdement pénalisées par cette surtaxe. Celles, comme Xpeng, qui ont tout misé sur l’électrique, paieront toutefois le prix fort pour vendre en Europe. Les marques occidentales produisant des électriques en Chine devraient pouvoir digérer la mauvaise blague, en grinçant un peu des dents.
Une production européenne plus équitable ?
L’Union européenne se réjouit à l’idée que les constructeurs chinois construisent des usines en Europe pour contourner la surtaxe. Comme si cette solution allait réellement mettre les constructeurs européens sur un pied d’égalité avec les constructeurs chinois : quel raisonnement naïf ! De l’aveu même de Carlos Tavares, lors du Paris Automotive Summit du 15 octobre, il est possible de produire à des coûts proches de ceux de la Chine… à seulement deux heures d’avion de Paris. Le patron de Stellantis, réputé pour compter chaque centime, faisait référence aux pays de l’Est, devenus le terrain privilégié des constructeurs (européens comme chinois) pour y implanter leurs usines.
L’avantage concurrentiel d’un constructeur chinois comme BYD ne vient pas uniquement de la production en Chine, mais de l’intégration verticale optimisée de toutes les étapes de fabrication du véhicule : de la batterie à l’électronique, tout est fait maison. À l’opposé, nos constructeurs historiques externalisent l’essentiel de la production aux équipementiers, qui dépendent plus que jamais de cette activité pour survivre. Le changement de paradigme en cours pourrait d’ailleurs leur être fatal.
Assembler des Leapmotor, BYD ou MG en Europe de l’Est, avec des pièces non surtaxées en provenance de Chine, n’aura qu’un impact marginal sur le prix final du véhicule. Ces marques resteront tout aussi dangereuses pour les constructeurs historiques qu’avec une production chinoise. Par ailleurs, rien n’empêche ces constructeurs de s’implanter juste à proximité de l’Europe : en Turquie, au Maroc, ou dans tout autre pays à faibles coûts de production. Cette surtaxe peut être contournée de mille manières.
La menace de la spirale inflationniste
Nombreux sont les constructeurs concernés à affirmer que la surtaxe ne sera pas répercutée sur les prix de vente, mais il est permis d’en douter à moyen ou long terme. Nous serons chanceux si tout ceci n’entraine pas une spirale inflationniste sur les véhicules électriques.
L’Europe paiera tôt ou tard l’affront perçu par le gouvernement chinois. Il ne faudra pas s’étonner si le prix des batteries ou la disponibilité de certains composants critiques en provenance de Chine venaient à perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales. Mais avant cela, les constructeurs allemands vont devoir faire le deuil du marché chinois, car ils y seront les victimes collatérales d’un bras de fer puéril. Apparemment, la Commission européenne s’inquiète moins de la survie de son industrie automobile que de montrer ses muscles à la Chine. Mauvaise idée !
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