Ces dernières années, les cas de femmes agressées par des chauffeurs Uber se sont multipliés. Pour éviter de perdre des parts de marché, l’application lance une option pour réserver des VTC conduits uniquement par des femmes.

L’application Uber voit arriver une nouvelle option lorsqu’on cherche une course : « Uber by women », rapporte Le Parisien en ce 28 novembre 2024. Après l’option dédiée aux adolescents, celle-ci vous garantit que votre chauffeur sera une chauffeuse. Ce choix de genre a été mis en place pour les clientes qui ne souhaitent être conduites que par des femmes. Uber y voit un moyen d’enrayer les agressions sexuelles et les viols de clientes.

Une nouvelle option dans Uber pour protéger les clientes

Afin d’éviter d’assumer entièrement le problème de chauffeurs Uber hommes, la directrice générale d’Uber France Laureline Serieys précise au Parisien qu’« il ne s’agit pas de leur dire [aux clientes] que c’est la seule manière de voyager en toute sérénité, mais juste de leur donner le choix ». Uber se défend d’ailleurs de mettre en place cette option en réaction à des faits divers. La directrice l’assure : « C’est la continuité d’un travail de très longue haleine sur les enjeux de sécurité et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. » Un travail réalisé en collaboration avec des associations de défense des droits des femmes et des experts en cybersécurité.

uber-by-women

La fonction Uber by women est déjà en place en Pologne et dans plusieurs pays d’Amérique latine : elle fait son arrivée en France. Interrogée par Le Parisien, la chauffeuse Shirley Dauger « ne compte plus le nombre de clientes qui lui font part de leur ‘soulagement’ en découvrant qu’une femme est au volant. » Uber Women est totalement utilisable par des hommes : ils peuvent sélectionner l’option comme ils pourraient le faire avec d’autres options (Comfort, UberX, Green, etc.) dans le menu déroulant. Cependant, il est clairement indiqué que ce ne sont pas des trajets pour eux : « Des trajets par des femmes, exclusivement pour les femmes. »

À noter que pour l’instant, il s’agit d’un programme pilote lancé uniquement en Île-de-France. Quant aux autres régions, cela dépendra du succès du programme, mais pas seulement. Pour les zones dans lesquelles il n’y a pas assez de conductrices par rapport au nombre de passagères, Uber n’activera pas Uber by women.

Uber by women est au même prix que n’importe quelle course, mais il y aura plus d’attente

Pour éviter de pénaliser ses utilisatrices, Uber assure que le coût ne sera pas plus élevé qu’une course avec un chauffeur, les prix seront les mêmes. Cependant, il y aura certainement plus d’attente, puisqu’il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes parmi les chauffeurs Uber. Mais l’application espère ainsi « féminiser la profession », déclare-t-elle au Figaro.

Parmi les 45 000 indépendants qui travaillent pour la plateforme (la moitié sont situés en Île-de-France), seulement 1 500 femmes sont recensées en région parisienne, soit un peu plus de 3 % des conducteurs. Uber a fait des estimations : le temps d’attente est en moyenne de 3 à 4 minutes aujourd’hui. Avec l’option Uber by women, il sera plutôt de 15 à 20 minutes, ce qui implique que la passagère puisse attendre seule dans la rue. S’il n’y a pas de conductrice à proximité, la fonction ne sera pas disponible. Depuis notre rédaction située au cœur de Paris, le temps d’approche simulé depuis l’application est trois à quatre fois supérieur aux temps traditionnels vers plusieurs destinations.

Un Uber en Toyota BZ4X // Source : Raphaelle Baut pour Numerama
Un Uber en Toyota BZ4X. // Source : Raphaelle Baut pour Numerama

L’autre problème, c’est l’acceptation des courses. Sur Uber, on paie uniquement le trajet effectif, lorsqu’on est dans le VTC. On ne paie pas les chauffeurs pour venir jusqu’à nous. Avec moins de chauffeuses, ces dernières pourraient refuser les courses qui sont trop loin. Uber a prévu le coup, avec « un système de bonus financier en réduisant le montant des très contestés ‘frais de service’ que la plate-forme de VTC prélève sur le prix des courses », écrit Le Parisien. Au lieu de 25 %, ce seront 15 % du prix du trajet qui seront prélevés par Uber. Néanmoins, cette réduction sera en place jusqu’au 28 février prochain et aucun prolongement n’est prévu, comme nous l’a confié Uber.

De nombreux cas d’agressions sexuelles de chauffeurs VTC Uber

En 2018, il y aurait eu 3 045 agressions sexuelles lors de trajets Uber, dont 235 viols (au conditionnel, puisqu’il s’agit des cas rapportés au service), selon un rapport édifiant publié par Uber après des appels au boycott de l’application. En France, le mouvement avait été initié par la journaliste et activiste féministe Anna Toumazoff sous le nom #UberCestOver, sorte de #MeToo dans les VTC Uber.

Face à cela, Uber avait déjà mis en place des systèmes pour renforcer la sécurité des femmes. Vérification des comptes passagers, anonymisation du numéro de téléphone, partage de course avec des proches, vérification du tracé de la course, aide d’urgence, etc. Des fonctions utiles, mais qui ne suffisent pas à totalement enrayer le phénomène. Aujourd’hui, les cas d’incidents « graves » et d’agressions représentent 0,0003 % des courses, précise Uber France, ce qui est « évidemment déjà beaucoup trop » pour sa directrice Laureline Serieys.

Source : Uber
Source : Uber

Comme l’a déclaré sur X Anna Toumazoff ce 28 novembre, « les hommes violent tellement les femmes qu’il faut en arriver là ». Ce que mettent en cause les communautés féministes, ce ne sont pas les systèmes de protection des femmes mis en place par Uber, mais un problème systémique. Avec Uber by women, de nouvelles questions se posent quant à la protection des femmes.

Comment être sûr qu’un chauffeur n’usurpe pas une identité et ne se fait pas passer pour une femme via son compte, ou ne se fait pas sous-louer un compte de conductrice ? Dans le premier cas, Uber vérifie l’identité des chauffeurs avec leur société et leur permis. Dans le second cas, c’est le même système qu’avec Uber Eats : à des moments aléatoires, l’application peut demander un selfie. Une scène qui peut arriver, en témoigne le récent film L’Histoire de Souleymane, sur un immigré guinéen qui livre des repas via la plateforme.

Comment protéger les conductrices Uber ?

Pour les chauffeuses, cela devrait apporter de nouvelles courses : les quelque 1 500 partenaires de l’application en région parisienne ont suivi plusieurs réunions organisées par Uber « pour améliorer la sécurité des clientes et des conductrices ».

Si ce sont des femmes qui conduisent, quid des hommes clients de la plateforme ? Certaines conductrices se refusent déjà à travailler de nuit. On sait que pour respecter le RGPD, Uber ne collecte pas d’informations sur le genre de ses clients, puisqu’il ne s’agit pas d’une information nécessaire. D’autant plus qu’avec l’application, on peut commander une course pour quelqu’un d’autre. Alors, comment éviter que les conductrices soient visées par des hommes malintentionnés ? Dans certains pays, les conductrices peuvent sélectionner une option, « Préférences pour femmes ». Elle n’est toutefois pas disponible en France : Uber argue qu’elle n’est pas utile si Uber by women est déjà disponible. Certains pays comme la Pologne disposent des deux simplement parce que « Préférences pour femmes » était déjà là.

Image promotionnelle pour l'option Uber by women // Source : Uber
Image promotionnelle pour l’option Uber by women. // Source : Uber

Cependant, lorsqu’une conductrice accepte un trajet Uber by women, elle peut refuser de faire monter un homme dans leur véhicule. Si c’est le cas, elle peut refuser la course sans conséquences : elle n’aura pas de frais d’annulation à verser (mais pas de compensation pour le trajet jusqu’au passager), et pas d’impact sur son taux d’annulation.

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