Les relations entre Carlos Tavares et le conseil d’administration de Stellantis étaient devenues de plus en plus tendues, notamment au sujet de certains choix stratégiques. Les divergences d’opinion auront apparemment eu raison du patron du groupe. Carlos Tavares a été poussé à présenter sa démission le 1er décembre, un an avant la fin de son mandat. Celle-ci a été acceptée à effet immédiat, comme le confirme un communiqué de presse de Stellantis. John Elkann, président du conseil d’administration, va assurer l’intérim jusqu’à ce qu’un nouveau CEO soit nommé dans les prochains mois.
Le conseil d’administration avait déjà commencé à chercher le candidat à ce poste, une telle embauche se préparant bien à l’avance. Bien que plusieurs noms aient été évoqués, aucun ne s’impose pour l’instant comme une évidence. Dans tous les cas, le successeur de Carlos Tavares va hériter de dossiers compliqués à traiter. Les décisions de ce nouvel entrant risquent d’être encore plus impopulaires que celles de l’ancien dirigeant.
Redresser la cash machine américaine
Le marché américain ayant généré une grande partie des revenus du groupe durant les dernières années, il est donc crucial dans l’équilibre de Stellantis. Hélas, les ventes ont ralenti et les marques du groupe se retrouvent avec un stock important de véhicules. Les marques n’ont pas anticipé les signaux de durcissement du marché. Il faudra consentir à de fortes remises pour écouler les stocks, au détriment des marges.
Ce n’est pourtant qu’un des problèmes auxquels Stellantis est confronté aux États-Unis : les tensions avec les syndicats sont encore vives, et la dernière grève a coûté déjà très cher au groupe. L’élection de Donald Trump, marquée par une politique protectionniste, pourrait accentuer les difficultés, notamment avec des surtaxes douanières, une réduction des aides sur les véhicules électriques et un blocage des délocalisations. Même si les marques américaines comme Jeep ou Ram devraient pouvoir se rattraper sur les véhicules thermiques, cela va nécessiter de lourds ajustements.
Mettre fin à la guerre ouverte de Stellantis avec l’Italie
Depuis plusieurs mois, les relations avec l’Italie se sont nettement dégradées. Il peut être utile de rappeler que Stellantis est la fusion des marques du groupe PSA (Peugeot, Citroën, DS) et de FCA (Fiat, Jeep, Alfa, Lancia, Chrysler…). Les marques historiques italiennes se retrouvent de ce fait noyées dans ce groupe tentaculaire de 14 marques (15, si l’on ajoute le constructeur chinois Leapmotor). Comme tout mariage de ce type, la fusion ne se fait pas sans heurts. Au-delà des licenciements, il faut aussi rationaliser les dépenses. Dans tous ces changements, les marques italiennes se sont souvent trouvées désavantagées, ce qui a déjà créé des tensions internes.
Quand en plus le gouvernement italien vient y mettre son grain de sel, cela devient de plus en plus explosif. Les premières remarques de l’Italie ont certainement été prises un peu à la légère par Carlos Tavares. Le gouvernement italien a alors commencé à mettre des bâtons dans les roues du groupe, et également à passer au chantage financier. L’Italie a notamment menacé de ne plus subventionner les projets Stellantis si un minimum de garanties sur la production et l’emploi n’étaient pas données. Hélas, la stratégie d’électrification du groupe, qui devait contribuer à cela, bat de l’aile à son tour.
Voiture électrique : une bonne base, mais pas suffisante
Carlos Tavares a adopté une approche stratégique assez prudente concernant la voiture électrique, en optant plutôt pour des plateformes multiénergies. Les hésitations des marchés européen et américain sur l’électrique semblent lui avoir donné raison. Cependant, les tergiversations passées ont aussi contribué à mettre le groupe dans une position inconfortable — à la manière de « on y va, mais pas complètement ». Pour autant, Carlos Tavares a progressivement changé d’avis sur l’électrique. Probablement trop tardivement, car il a lui-même fait douter les clients par ses prises de position passées.
Le résultat est visible sur des produits comme Fiat 500e, dont la demande s’est effondrée en Europe. Même le fleuron Peugeot e-3008 ne s’illustre pas dans les ventes par rapport à son pendant hybride. Ces observations s’appliquent à l’ensemble du groupe. Malgré une gamme électrique étendue, la coexistence des motorisations a fragilisé la stratégie globale. Carlos Tavares assurait que Stellantis était prêt pour la nouvelle étape de la norme CAFE de 2025, il reste à voir s’il ne s’est pas montré trop optimiste sur le sujet.
Logiciel : la sous-traitance low cost a ses limites
Comme pour l’électrification, le groupe s’est finalement lancé à bras-le-corps pour rattraper son retard sur la partie logicielle. Le cap a été donné avec le projet « STLA brain », mais les moyens attribués à cette refonte de l’intégralité du développement software autour des véhicules interrogent. Le développement est largement délocalisé, principalement en Inde et au Maroc. En Europe, une poignée de salariés tente de superviser cette sous-traitance et paye pour les pots cassés.
Le Peugeot e-3008 a donc été lancée avec un logiciel pas assez abouti, et la Citroën ë-C3 (pourtant plus rustique) est encore plus problématique sur la question du logiciel. Tout ceci laisse une image dégradée de la qualité des nouveaux modèles. Si les mises à jour permettent des corrections progressives, elles n’effacent pas l’impact sur l’image des nouveaux modèles, surtout pour des véhicules qui sont de plus en plus chers. L’association avec le constructeur chinois Leapmotor pourrait apparaître comme une bouée de sauvetage sur ce point. Mais le prochain patron du groupe aura aussi fort à faire pour corriger le tir.
Supprimer ou vendre des marques emblématiques
Lors de la création de Stellantis, Carlos Tavares s’était engagé à ne pas sacrifier de marques parmi les 14 entités du groupe. Si cette décision semblait pertinente au départ, quatre ans plus tard, elle est difficilement justifiable. Plusieurs marques sont loin d’être rentables, malgré la rationalisation des dépenses et la mutualisation des plateformes.
Le futur patron du groupe va certainement devoir faire le travail de fossoyeur de marques que Carlos Tavares n’a pas souhaité engager. Autant dire que de telles décisions vont forcément le rendre particulièrement impopulaire, autant s’y préparer dès maintenant.
Si l’on sait ce que l’on perd en voyant Carlos Tavares quitter Stellantis, on ignore ce que le groupe va gagne en retour. Les prochains mois risquent d’être particulièrement stressants chez Stellantis.
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