À l’évocation de Jaguar, chacun se rappellera un souvenir différent : des voitures élégantes ou le rugissement d’un moteur mythique. Le charme So British de la marque anglaise iconique, au logo emblématique, a traversé les décennies. Mais, aussi séduisante soit-elle, cette aura ne suffit plus pour survivre en 2024.
Aux grands maux, les grands remèdes : Jaguar a entrepris une transformation radicale de sa stratégie, de ses produits et de sa communication. La marque a décidé de tout miser sur une gamme de véhicules de luxe 100 % électrique pour séduire une clientèle entièrement renouvelée. Autant dire que dans le contexte actuel, cela équivaut à s’attaquer à l’ascension de l’Everest… en talons aiguilles. Une mission périlleuse, que la marque a en plus décidé de braver en se coupant de tout soutien du public. Seule contre tous, voilà une posture inédite.
On efface tout et on recommence
De nombreuses marques sont déjà passées par là. Néanmoins, Jaguar pourrait bien devenir un véritable cas d’école. Pas pour les bonnes raisons, hélas. Les étudiants en communication et marketing se pencheront probablement sur cette histoire comme on analyse un naufrage célèbre : fascinant, mais dramatique.
En rompant brutalement avec 100 ans d’histoire, Jaguar a commis un crime de lèse-majesté aux yeux du public. Son nouveau logo et sa communication flamboyante détonnent totalement dans l’univers automobile. Trop coloré, trop moderne, soi-disant trop « woke » et surtout, pas assez Jaguar. Jamais on avait vu un tel consensus… dans la critique. Les réactions ont été acerbes, parfois carrément violentes.
Pourtant, ironie du sort, on n’avait jamais autant parlé de Jaguar. Pour une marque en si mauvaise posture, cette déferlante d’attention est presque un cadeau inespéré.
Un futur qui divise
Tous les regards étaient braqués sur Miami ce 2 décembre, où Jaguar a dévoilé sa vision de l’avenir. Toutefois, la polémique autour de l’avenir de la marque est loin d’être éteinte. L’un des slogans — « Copy nothing » (« ne rien copier ») — se retourne même contre elle comme un boomerang. Pour une création censée être unique, le résultat semble étrangement familier : un mélange de Rolls-Royce Spectre et d’un concept Saab dessiné par le même designer.
Le futur de Jaguar ? Un coupé deux places de la longueur d’une limousine, avec un capot interminable et des lignes taillées à la serpe. Un hommage aux voitures d’avant-guerre croisé avec le futurisme d’un Cybertruck, le tout décliné en rose Miami ou bleu Londres, façon Barbie. Rien de logique, rien de rationnel, juste de l’exubérance pure. Même avec 1 000 ch et 700 km d’autonomie annoncés, difficile d’être convaincu.
« C’est OK de ne pas l’aimer », assumait le directeur de la création de Jaguar, Gerry McGovern, lors de la présentation. L’homme s’est justifié en disant que les créateurs anglais ont l’habitude de créer la controverse. Il ne reste rien du félin que l’on a connu par le passé, Jaguar évolue désormais dans un monde absurde et surréaliste, comme le personnage fictif de la Panthère Rose.
Qui pour acheter ?
Une énigme demeure : qui achètera une Jaguar en 2026 ? Les clients historiques, profondément outrés par le virage pris, n’ont pas digéré cette trahison des valeurs de la marque. Pour eux, Jaguar s’est reniée en troquant son héritage pour suivre les tendances éphémères des réseaux sociaux. Le concept Jaguar Type 00 a peut-être séduit quelques amateurs, mais est-ce suffisant ?
La marque vise dorénavant une jeune clientèle, branchée et fortunée, prête à débourser plus de 130 000 € pour des voitures électriques aussi luxueuses que disproportionnées. La dernière marque à avoir tenté cet exercice périlleux, Faraday Future, peut se targuer d’avoir vendu quelques dizaines d’exemplaires. Quitte à miser sur des designs décalés, Jaguar aurait pu s’offrir Fisker — au moins, cela aurait eu du panache.
Si vous avez apprécié cet édito, abonnez-vous à notre newsletter Watt Else pour recevoir les prochains directement dans votre boîte email.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.