L’Italie repart à l’attaque contre la voiture électrique. Cette fois, elle accuse Stellantis, Tesla, VW et BYD de tromper les consommateurs sur l’autonomie des véhicules. Enjeu commercial ou nouvelle manœuvre politique ?

Le gouvernement italien persiste et signe dans sa guerre contre la voiture électrique. Après avoir taillé dans les aides à l’achat et soutenu ouvertement le maintien des moteurs thermiques face à l’Europe, l’Italie ouvre une enquête contre plusieurs constructeurs majeurs du secteur, comme l’indique l’agence Reuters le 21 février 2025. Stellantis, Volkswagen, Tesla et BYD sont ainsi accusés par l’autorité de la concurrence italienne de présenter des autonomies jugées trompeuses sur leurs voitures électriques.

La procédure lancée soulève des questions : est-ce un moyen pour l’Italie de récupérer de l’argent de la part des constructeurs, ou y a-t-il une vraie volonté d’améliorer la communication à ce sujet pour le consommateur ? L’autonomie des voitures électriques varie avec la météo et le vieillissement de la batterie, ce qui reste une zone d’ombre connue de cette technologie. Sur le fond, l’Italie a raison de s’inquiéter des informations communiquées aux consommateurs, car le système est perfectible, la forme par contre aurait pu être bien plus diplomatiques.

Une attaque italienne ciblée contre l’électrique

L’Autorité italienne de la concurrence et du marché accuse les principaux constructeurs d’électrique d’afficher des autonomies qui ne correspondraient pas aux conditions réelles d’utilisation. En cause, l’écart entre les chiffres annoncés et les performances observées en conduite quotidienne. L’entité reproche également aux marques concernées de ne pas fournir aux consommateurs d’informations claires et complètes à ce sujet.

Ministre des Entreprises et du Made in Italy, Adolfo Urso à la conférence des 125 ans Fiat // Source : Fiat
Ministre des Entreprises et du Made in Italy, Adolfo Urso à la conférence des 125 ans Fiat. // Source : Fiat

Pourtant, Tesla, BYD, Stellantis ou Volkswagen utilisent bien ce que l’Europe leur impose de communiquer aux consommateurs : la norme WLTP. Ces écarts sont bien connus et inhérents à la norme. Alors, pourquoi cette croisade contre l’électrique, alors que les consommations des thermiques et surtout des hybrides sont tout aussi sujettes à caution ? Le pays a clairement choisi son camp. L’Italie a déjà cessé les subventions dédiées à la voiture électrique, tout en défendant des incitations prolongées pour les hybrides rechargeables et les modèles thermiques les moins polluants.

L’Italie est l’un des plus mauvais élèves en matière de transition vers la voiture électrique en Europe. La voiture électrique n’y représente que 4,2 % des voitures neuves, soit 65 620 immatriculations en 2024. Pour comparaison, en France, malgré le ralentissement du marché, la voiture électrique représente 16,9 % de part de marché, soit 290 614 unités. Pourtant, les deux marchés sont d’une taille similaire.

Pourquoi viser seulement Tesla, BYD, Stellantis et Volkswagen ?

Un autre élément retient l’attention : pourquoi le gouvernement italien vise-t-il uniquement ces quatre groupes automobiles ? Bien sûr, Tesla est le leader de la voiture électrique en Europe et en Italie aussi, il semble ainsi assez logique de s’y attaquer en tant que symbole de la voiture électrique. Néanmoins, cela pourrait tendre inutilement les relations de Giorgia Meloni avec Elon Musk, ce qui serait un jeu dangereux.

Pourquoi Stellantis ? Le départ de Carlos Tavares, l’ancien patron, aurait dû apaiser les relations conflictuelles avec le gouvernement italien. Pourtant, la hache de guerre n’est probablement pas encore enterrée. Comme le groupe possède toutes les marques italiennes, il est forcément dans le viseur des autorités locales.

Présentation de l'Alfa Romeo Milano avec la présence de Carlos Tavares // Source : Capture du live Alfa Romeo
Présentation de l’Alfa Romeo Milano électrique avant le renommage imposé par le gouvernement Italien // Source : Capture du live Alfa Romeo

Quant à BYD, sa part de marché est relativement insignifiante en Italie. Pourquoi la marque se retrouve-t-elle mêlée à tout cela ? En Italie, BYD n’a vendu en 2024 que :

  • 545 Atto 3 ;
  • 461 Seal ;
  • 408 Dolphin ;
  • Le reste est encore plus anecdotique.

À y regarder de plus près, le choix des victimes de l’enquête semble surtout politique : on y retrouve le leader américain Tesla, le constructeur chinois le plus connu BYD, le symbole de l’industrie allemande Volkswagen et Stellantis pour le reste de l’Europe.

Pourtant, en observant le classement des ventes des voitures électriques de 2024 en Italie, d’autres marques auraient pu être visées :

  1. Tesla Model 3 : 7 943
  2. Tesla Model Y : 7 435
  3. Volvo EX30 : 3 836
  4. Dacia Spring : 3 542
  5. Jeep Avenger : 2 477
  6. BMW iX1 : 2 366
  7. Fiat 500 : 2 345
  8. Audi Q4 e-tron : 2 006
  9. MG4 : 1 850
  10. Peugeot 208 : 1 616
  11. Renault Twingo : 1 546
  12. Volkswagen ID.3 : 1 528
  13. smart fortwo : 1 516
  14. Mercedes EQA : 1 408
  15. Peugeot 2008 : 1 131
  16. Fiat 600 : 934
  17. smart #1 : 865
  18. Porsche Macan : 771
  19. Citroën C3 : 758
  20. Ford Mustang Mach-E : 665

Une stratégie d’obstruction assumée

Cette enquête illustre encore une fois une politique italienne défavorable à l’électrique. Il convient de préciser que, si les constructeurs concernés sont considérés comme coupables, ils pourraient écoper de sanctions financières pouvant atteindre 10 millions d’euros. Cela jettera en plus le discrédit sur la voiture électrique — autant dire que cela n’arrange en rien la situation en Italie.

Il y a quand même tout un paradoxe derrière cette action. Le gouvernement italien s’est mis en tête de séduire les constructeurs automobiles, notamment chinois, pour qu’ils viennent implanter leurs usines de production automobile en Italie. Mais quel constructeur voudra s’y risquer avec un gouvernement qui est capable de les attaquer en retour dès qu’un élément ou une déclaration leur aura déplu ?

Reste à voir si cette stratégie anti-VE portera ses fruits, ou si elle finira par isoler l’Italie dans un marché européen en pleine mutation.

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