Il a suffi d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres sur les réseaux sociaux. TF1, déjà épinglée cet été par l’ARCOM pour ses reportages à charge sur l’électrique, a récidivé le 2 mars au 20 h.
Pour mettre en valeur la technologie de voitures électriques à prolongateur d’autonomie (EREV), la chaîne a créé un narratif qui confère encore le mauvais rôle à l’électrique. C’est le retrait des chiffres de leur contexte qui en est la cause. Numerama revient sur les informations communiquées par TF1 pour expliquer ce qui ne va pas dans ce reportage.
Non, il ne faut pas 10 recharges pour 340 km
Le principal élément reproché au reportage repose sur une mauvaise interprétation des chiffres et par un montage tendancieux. Une journaliste a interrogé un automobiliste à une station de recharge, le propos de celui-ci est : « j’ai fait Lyon – Clermont-Ferrand et je suis revenu, je dois être à 10 recharges », ce que la voix off conclut avec un « pas assez d’autonomie ! Et si nous vous disions que rouler 1000 km sans s’arrêter sera bientôt possible. » Rappelons au passage que rouler 1 000 km sans s’arrêter est formellement déconseillé par la sécurité routière.
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Les spectateurs ont donc compris que l’automobiliste avait rechargé 10 fois sur un trajet de 340 km (aller-retour Lyon-Clermont), soit une recharge tous les 34 km. Même une Citroën Ami peut faire plus de kilomètres, le propos choque forcément. Mais alors, que se cache-t-il derrière cette déclaration ? L’automobiliste est pourtant filmé branchant une Volkswagen ID.3, décidemment Volkswagen n’a pas de chance avec les reportages TF1. Néanmoins, même avec la petite batterie de 58 kWh et par grand froid, le véhicule peut réaliser bien plus de kilomètres.
Le problème, c’est que ni l’automobiliste interrogé, ni la voix off ne précise oralement que les images ont été tournées à Saclay, en région parisienne. Il n’y a qu’une petite indication dans un coin de l’écran pendant quelques secondes pour le préciser. Il ne s’agirait donc pas de 10 recharges sur un parcours de 340 km, mais sur un parcours de 1 000 ou 1 200 km. Cela reste beaucoup de recharges, mais c’est déjà plus cohérent avec le froid, l’autoroute et peut-être un excès de prudence de son conducteur (ou un mauvais compte du nombre de ses recharges : 8 recharges, ressenties 10).
Néanmoins, le tort est fait, car la voiture électrique passe encore pour un véhicule qui n’a « pas assez d’autonomie », comme le martèle le reportage à plusieurs reprises.
Une impression confortée par la suite du reportage
Le sujet principal n’était pas tant la voiture électrique que la déclinaison à prolongateur d’autonomie (EREV) qui rencontre un certain succès en Chine. Celle-ci promet sur le papier jusqu’à 1 000 km, le graal absolu de certains automobilistes apparemment. Si TF1 ne cite la marque à aucun moment, le reste du reportage concerne Leapmotor (associée au groupe Stellantis), qui importera courant 2025 cette technologie en Europe avec ses modèles.
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En quoi cela consiste ? Le Leapmotor C10 EREV est équipé d’une batterie de capacité inférieure à la version 100 % électrique : 29 kWh contre 69 kWh, par contre le modèle dispose d’un moteur thermique et de 50 litres de réservoir d’essence qui servent à recharger la batterie. Il s’agit d’un système différent de l’hybride rechargeable, adopté dans le passé par les Chevrolet Bolt et BMW i3, mais toujours par la Mazda MX-30 actuellement. Il a été progressivement abandonné avec l’amélioration des batteries et du réseau de recharge. Le marché chinois est néanmoins assez friand de cette solution, et les modèles pourraient arriver en Europe.
Pour présenter cette solution, là encore TF1 va un peu vite dans ses propos qui peuvent alors prêter à confusion. Notamment lorsque la voix offre explique le principe du EREV, le présentant comme une voiture électrique en précisant : « son autonomie est prolongée par un générateur. Lorsque la batterie électrique se vide au bout de 200 km, un petit moteur d’appoint à essence situé à l’avant prend le relai. » Le propos est confirmé par un représentant de Leapmotor, dont l’intervention a été coupée pour la résumer à : « on passe comme ça d’une autonomie de 200 km à plus de 1 000 km ».
Forcément, les spectateurs novices en la matière n’auront retenu qu’une chose : la voiture électrique à 200 km d’autonomie, sauvée grâce au moteur thermique. Il n’est jamais précisé que la batterie en question ne fait que 29 kWh, soit deux fois moins que le modèle C10 EV. Le SUV familial de 4,73 mètres de long embarque l’équivalent d’une batterie de Dacia Spring ou de Fiat 500e, forcément cela donne une autonomie de batterie que d’environ 200 km (145 km wltp selon les communiqués Leapmotor). La version électrique annonce une autonomie de 420 km wltp. Une précision qui n’est jamais faite et qui rend ce reportage inutilement à charge la voiture électrique.
TF1 s’est déjà fait rappeler à l’ordre par l’ARCOM à l’automne pour des reportages orientés contre la voiture électrique. Sur les réseaux, TF1 est à nouveau massivement signalée à l’autorité compétente pour son reportage du 2 mars. L’attitude du JT de TF1 face au traitement du véhicule électrique reste incompréhensible. Les mêmes faits, sans omission ni montage, auraient abouti au même résultat sans dénigrer l’électrique.
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