Quand on prend le volant d’une Tesla pour la première fois, on se demande pourquoi il a fallu entendre qu’une petite entreprise californienne sorte de nulle part avec des propositions invraisemblables pour que la conduite en voiture soit entièrement réinventée. Et quand on teste, année après année, les nouveautés du constructeur après avoir essayé les modèles luxueux et avant-gardistes de la concurrence, on persiste à penser que Tesla est définitivement sur une autre planète.
À l’occasion de la sortie de la version 9 du logiciel des Tesla, disponibles pour tous les modèles, nous avons pu partir sur les routes et autoroutes de France sur un Model S 100D, la routière de la gamme. Le temps de constater à quel point, même avec une accélération moins décoiffante, Tesla laisse tout le monde derrière.
Découverte du nouveau logiciel
Difficile, aujourd’hui, de séparer Tesla d’Elon Musk. Et si les produits sont exceptionnels, nous ne pouvons oublier l’image dommageable que le milliardaire, malgré des idéaux louables, donne de ses entreprises. En tant que média réfléchissant la société au futur, nous trouvons légitime la critique d’un modèle de management corrosif, tout en reconnaissant l’innovation radicale quand elle tombe sous nos yeux. Novembre 2018 apportera une fraîcheur bienvenue à Tesla.
Le modèle d’essai prêté par Tesla nous a été remis avec la version 8 du logiciel. Cela signifie que nous avons pu voir tout le processus de mise à jour en action et comparer l’expérience sur les deux versions. Notons d’emblée une chose : ce processus, à lui seul, est déjà une chose inouïe sur le marché.
Audi nous assure qu’il ne vend pas de logiciel et que ses voitures coûtant plusieurs dizaines de milliers d’euros ne seront jamais mises à jour, même si elles embarquent le matériel capable de faire de la conduite autonome avancée. Une Ford Mustang achetée avant 2016 n’aura jamais l’interface amenant Apple CarPlay et Android Auto. Cette habitude absurde de l’industrie automobile qui vend ses véhicules sans suivi logiciel, Tesla ne la respecte pas : même la Model S que nous testions il y a quelques années a le droit à la V9 et à toutes ses améliorations.
La mise à jour prend environ 2 heures et ne consomme pas, ou peu, de batterie. Comme elle touche des fonctions liées à la conduite, le véhicule est indisponible. Une fois les deux heures passées, on se retrouve avec un petit tutoriel sur la nouvelle interface. Et une première bonne surprise : tout est si rapide !
Pour rappel, malgré un gigantesque écran et un logiciel plus agréable que celui de la plupart des véhicules, l’intégration par Tesla nous avait laissés sur notre faim. On avait l’impression de conduire une voiture du futur avec un système d’exploitation rappelant les heures sombres d’Android sur tablette tactile : boutons pas réactifs, input lag incroyable, animations saccadée, système de fenêtre et d’onglets complètement incompréhensible et peu ergonomique… Avec la V9 du logiciel, tous ces défauts appartiennent au passé.
Désormais, le grand écran d’une Tesla affiche en permanence la navigation. C’est une fenêtre figée en arrière-plan qui donne un accès au trajet, aux superchargeurs et aux activités sur la route. Le GPS est précis et les instructions sont bonnes. Pour le conducteur, elles sont répétées sur le tableau de bord derrière le volant, à gauche, de manière à ne pas quitter la route des yeux.
Toutes les fonctionnalités sont accessibles depuis des raccourcis rapides en bas de l’écran. Exit les fenêtres doubles à repositionner ou agrandir : désormais, vous accédez au menu par des onglets qui vont s’ajouter intelligemment par-dessus la navigation. Par exemple, si vous touchez l’icône pour afficher la musique, le lecteur musical apparaîtra dans une ligne simple.
Mais si vous souhaitez faire des choses plus précises que changer de chaîne ou augmenter le volume, la vue Musique prendra la moitié de l’écran. Si vous ajoutez par-dessus une autre info, comme la consommation énergétique, les fenêtres vont encore s’ajuster. Et en arrière-plan, la navigation n’aura jamais disparu : en deux taps sur l’écran, vous la retrouverez en plein écran.
Côté fonctionnalités liées à la voiture, tout est également infiniment plus clair. En bas à gauche, un onglet ouvre les paramètres du véhicule sur une fenêtre présentant les raccourcis les plus utilisés : ouverture des portes, des coffres, du toit ouvrant, éclairage, feux de route, etc. Les autres menus ont aussi subi un lifting et on trouve désormais toutes les informations sur des écrans de manière évidente. Le sous-menu conduite permettra de régler la récupération d’énergie au freinage ou la dynamique de la direction assistée, le sous-menu Autopilote permet de régler les paramètres de la conduite autonome. Efficace… et si fluide.
Le seul souci rencontré vient de la détection des places de parking, peut-être trop habitué aux immenses places américaines. Difficile, pour lui, de repérer les places, pourtant immenses, que nous lui suggérions. Paradoxalement, nous avons réussi une fois à le déclencher sur un espace que nous n’aurions peut-être pas tentés nous-mêmes et il faut reconnaître son efficacité : passez en marche arrière et la Model S s’occupe de tout. Un créneau au millimètre près… qu’on aimerait utiliser plus souvent.
De son côté, le tableau de bord derrière le volant a connu un lifting cosmétique. Les commandes vocales ont un logo plus épuré et des raccourcis tombent sous le pouce droit — on peut activer différents paramètres sans lâcher le volant. À gauche, la navigation est précise et indique tout à la fois les sorties, les voies à emprunter et les informations sur le trajet. Au centre, on voit toujours ce que voit la voiture. Mais pour tester cela, il faut conduire : conduisons.
En route
Contrairement à une tendance de l’industrie automobile qui surcomplexifie ses postes de pilotage, une Tesla surprend toujours par son côté épuré. Ici, un volant, deux pédales et 3 commodos. Grosso modo, vous accélérez, vous freinez, vous agissez sur les roues, vous mettez un clignotant et vous activez ou désactivez l’Autopilote. La main droite n’est jamais sollicitée pour la conduite : le commodo n’est là que pour démarrer ou arrêter le véhicule.
Et c’est là où tout le paradoxe Tesla entre en jeu : le constructeur parvient à la fois à proposer une voiture dont la conduite plaisir dépasse ou égale les meilleurs véhicules sportifs du marché et dont la conduite routine sur des trajets longs est annihilée, presque rendue inexistante. Tout cela s’explique par deux ingrédients : les moteurs électriques surpuissants et l’Autopilote.
La conduite électrique
Avec sa puissance disponible immédiatement sous l’accélérateur, chaque Tesla est une voiture qui vous collera au siège en sortie de péage ou en entrée d’autoroute. Avec une 100D, on peut atteindre les 100 km/h en 4,2 secondes, dans un silence déstabilisant. C’est bien simple : on a plus l’impression de conduire un vaisseau spatial sur sa rampe de lancement qu’une voiture. Aller si vite et de manière si discrète, ça cloche.
Et pourtant, le silence est un plaisir auquel on s’habitue vite, même en ville, même à 20 km/h, même dans les bouchons, enfermé dans cet habitacle spacieux qui peut se pressuriser pour résister aux attaques bactériologiques — autant dire que la pollution extérieure n’y a pas sa place. Malgré son poids, la Tesla se déplace comme un chat, ne laissant entendre au conducteur que l’adhérence des pneus sur la chaussée et le frottement de l’air contre le véhicule.
Dès lors, le plaisir est constant et instantané. Pointes de vitesse, dépassements, freinages, conduite sportive, conduite douce en mode éco… tout y passe et rien ne déçoit. On se prend à jouer avec la consommation électrique, pour faire varier, en temps réel, l’autonomie restante du véhicule, extrêmement bien gérée par Tesla. Sur un modèle 100D, nos confrères de Caradisiac ont pu enchaîner 700 km à 35 km/h. L’anxiété liée à la charge est loin et le réseau de superchargeurs de Tesla est suffisamment bien fait pour que toutes les destinations françaises et européennes soient accessibles à cette routière électrique sans se prendre la tête.
Côté recharge, le seul problème vient malheureusement des villes et collectivités : les prestataires sont trop nombreux sur les bornes, les bornes sont, elles, plutôt rares, les offres ne sont pas claires et leur accès est parfois archaïque (créer un compte, avoir une carte type transport en commun pour l’utiliser…). On aimerait pouvoir s’arrêter sur une borne dans une ville comme on s’arrête à la pompe d’une station d’essence : insérer une carte de crédit ou passer un smartphone en paiement sans fil dessus, débloquer un type de charge et lancer le processus immédiatement.
Pour les urbains qui n’ont pas de garage, c’est la solution la plus évidente. En passant devant les rares stations Belib’, le service parisien, dégradées et dont les places sont occupées par des véhicules thermiques, on se dit que la marge de progression est colossale pour les pouvoirs publics et les acteurs privés.
L’Autopilote
L’autre versant de Tesla, c’est sa confiance en sa technologie d’aide à la conduite. Sur les véhicules modernes concurrents, il est souvent difficile d’accéder à ces paramètres, demandant plusieurs réglages, clics sur molettes et autres interrogations. D’autant que, dans des versions plus ou moins finies, les constructeurs ne prennent pas la mesure du danger : on trouve des véhicules qui « se garent seuls », mais ne gèrent ni l’accélérateur ni le frein, d’autres qui repèrent les panneaux de signalisation de vitesse, mais n’adaptent pas la leur, d’autres encore qui n’ont pas pensé à matérialiser la route et ce que la voiture voit et peut faire… Tout l’inverse de Tesla.
Car l’Autopilote, année après année, devient de plus en plus impressionnant. Nous l’avons testé sur un trajet de porte de Clichy à Paris jusqu’à Honfleur et c’est peu dire que le logiciel s’est encore amélioré. Tesla fait tout pour que l’utilisateur l’active : pas de configuration, pas de réglages, vous tirez deux fois un commodo de gauche et l’Autopilote active un régulateur de vitesse adaptatif calé sur le dernier panneau de signalisation rencontré et un maintien de la voie. Toute la circulation est matérialisée à l’écran, si bien que vous savez exactement ce que la voiture voit.
Une moto vous dépasse par la droite de manière brusque ? Elle apparaît à l’écran grâce aux 8 caméras désormais activées, avant même que vous ne la voyiez, et l’Autopilote met un petit coup de frein préventif. Vous voulez dépasser, mais une voiture décide de vous griller la priorité au dernier moment ? L’Autopilote comprend l’info et se rabat sur la ligne initiale après avoir vérifié qu’elle était libre. Un ralentissement brusque pour travaux ? Bien plus en douceur qu’un humain, le logiciel ajuste sa vitesse et ira même jusqu’à l’arrêt complet, avant de repartir. L’Autopilote est bluffant en conditions idéales et, en 2018, parvient à être extrêmement rassurant lors des problèmes éventuels rencontrés sur la route.
En résulte, déjà, une sensation d’être le copilote actif du véhicule. Cela n’annule pas encore la vigilance (l’Autopilote vous punit si vous lâchez le volant trop souvent en se désactivant jusqu’à l’arrêt du véhicule, après vous avoir prévenu bien entendu), mais cela fait passer les voyages bien plus sereinement. La fatigue ne vient jamais et le stress de la route n’est pas au rendez-vous non plus : après quelques kilomètres et quelques tests pour voir comment l’Autopilote réagit, il gagne notre confiance comme aucun système de pilotage automatique n’a pu le faire jusqu’ici.
Et c’est pour cela que Tesla bouleverse le monde calme de l’automobile à chaque avancée, à chaque mise à jour : on peut regretter le luxe et les finitions d’une berline allemande vendue au même prix, mais qu’est-ce que cela vaut par rapport à l’anéantissement des temps de trajet ennuyeux sur autoroute ou nationale et la conduite si grisante en électrique ? On regrette simplement que les choses n’aillent pas aussi vite qu’en Californie : en l’état, on aurait tout à fait aimé que la Model S fasse le trajet complet de l’entrée de l’A13 jusqu’au Superchargeur Rouen Sud.
Si aujourd’hui, Tesla parvient à un tel niveau dans les deux mondes de la conduite, on ne peut qu’avoir hâte de voir la suite. Et pour cela, la Model 3, plus petite, moins chère et plus adaptée aux villes européennes, arrive en 2019.
Le verdict
Tesla Model S
Voir la ficheOn a aimé
- La puissance et le calme
- L'Autopilote
- Le logiciel V9, enfin à la hauteur
On a moins aimé
- Le parking auto difficile à déclencher
- Que faire quand on ne conduit plus mais qu'on doit surveiller la route ?
- Des plaisirs encore réservés aux plus fortunés
La Model S 100D, vendue à partir de 115 000 € avec l’Autopilote, est indéniablement l’une des preuves que l’avenir se façonnera en partie autour de l’automobile électrique. Grisante à conduire, silencieuse, sécurisée et constamment mise à jour, la berline de Tesla associe le confort nécessaires aux longs trajets et la dynamique de la conduite plaisir.
Avec son logiciel en version 9, Tesla prouve aussi à l’industrie que le service après-vente logiciel est un modèle d’avenir : en améliorant radicalement l’interface embarquée, l’Autopilote et différents composants du véhicule, le constructeur américain prend encore une longueur d’avance.
Il faut maintenant, plus que jamais, que ce confort rejoigne les gammes inférieures et que les pouvoirs publics s’accordent pour donner à la voiture électrique la place qu’elle mérite dans nos villes et nos campagnes.
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