La Citroën Ami bouscule toutes les idées reçues sur la voiture, avec un cahier des charges parti de zéro pour répondre à une question : comment se déplacer efficacement en ville ?

Jouet, ridicule, ignoble, playskool, enfantine… les quolibets fusent quand on évoque la Citroën Ami. Le petit quadricycle léger à moteur, que nous appellerons par la suite « voiture » pour économiser des lettres, est pourtant bien plus malin que la plupart des véhicules de ces dernières décennies. Voyez plutôt : en 2020, les constructeurs automobiles enchaînent les sorties de SUV, thermiques ou électriques, alors même que la ville d’avenir qui se dessine semble avoir compris que la place accordée à la voiture depuis l’après-guerre était démesurée. Ces engins longs et lourds, qui répondent normalement à un besoin de déplacement long et confortable, s’entassent dans des boulevards congestionnés, où ils peinent à dépasser les 20 km/h en moyenne.

C’est aussi la voie empruntée par les constructeurs de véhicules électriques. Contre toute attente, la voiture électrique si pratique en ville, silencieuse, non polluante et rechargeable grâce à des bornes nombreuses dans les agglomérations, prend le même chemin. Comme si tous les constructeurs souhaitaient d’abord battre Tesla sur un territoire qu’il domine avant de réfléchir aux véritables besoins d’une population urbaine qui se compte en millions d’individus.

Tous ? Non. Un seul s’est refusé à entrer dans la course à la taille, à la puissance et à la démesure : Citroën, avec son Ami. Et après plus d’une heure au volant de ce petit véhicule, on en est certain : il dérange parce qu’il met un terme à plusieurs décennies de voiture comme élément ostentatoire de parade, pensé pour redéfinir profondément la mobilité à quatre roues.

La Citroën Ami, une ultra-urbaine électrique

Ce qu’il faut dire d’emblée, c’est que la Citroën Ami n’est pas une voiture pour tout le monde. Qu’importe : elle a une cible extrêmement précise et préfère la satisfaire plutôt que de faire trop de choses moins bien. Résolument urbaine, son périmètre d’accès s’arrête aux portes de la ville. Limitée à 45 km/h, comme toutes les voitures sans permis, la Citroën Ami n’emprunte pas les voies rapides ou autoroutes qui permettent de rejoindre les périphéries des villes.

On ne la voit pas, par exemple, être utilisée dans une ville comme Montpellier où les déplacements se font par une autoroute périphérique. On ne pourra pas non plus lui demander de faire rejoindre deux villages dans la campagne ou même de partir d’une banlieue pour rejoindre une grande ville. La Citroën Ami n’a bien qu’un usage : se déplacer à l’intérieur des villes et dans leurs périphéries proches.

Source : Louise Audry pour Numerama

Source : Louise Audry pour Numerama

C’est dans ces quartiers bondés de Paris que nous avons pu conduire la petite voiture. À aucun moment, elle ne nous a semblé trop limitée. Ses 45 km/h en vitesse maximale ne sont pas un obstacle : à Paris, comme dans beaucoup d’autres villes, l’interruption des feux de signalisation et les embouteillages causés par des individus seuls dans d’énormes véhicules personnels limitent la vitesse des véhicules à quatre roues. L’observatoire des déplacements à Paris indique que la vitesse moyenne d’une voiture est de 13,9 km/h. Ce qui montre bien que cela ne sert pas à grand-chose d’avoir un véhicule extrêmement véloce s’il n’est utilisé qu’en ville.

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Et la Citroën Ami, accessible dès 14 ans et sans permis, a même une conduite très douce, très plan plan : les accélérations sont très lentes. On a vraiment l’impression d’être en train de conduire une trottinette électrique avec un habitacle. Sans vitesse à passer, les commandes sont réduites au minimum : accélérer, freiner, mettre le frein à main, parfois reculer pour faire un créneau. A-t-on besoin de plus dans cet environnement ? Non.

Alors c’est clair, la Citroën Ami ne permet pas d’avoir une conduite brusque, dynamique ou énervée. Mais qui regrettera ces comportements toxiques d’automobilistes quand ils auront disparu, faute de moteur à faire rugir ? À la place, on se retrouve avec un véhicule très doux, passe-partout, capable de se faufiler dans les petites rues et avec un rayon de braquage si faible qu’il peut presque tourner sur lui-même. Vous ne savez pas faire un créneau ? Vous saurez avec une Citroën Ami. Vous savez faire un créneau ? Vous allez devoir réapprendre avec une Citroën Ami, tant la manœuvre est aisée, trop aisée.

Un design cheap, mais fonctionnel

Citroën aurait-il dû faire mieux côté design ? Quand on voit ce véhicule cuboïde, on se dit que le bon goût est mort. Mais n’est-ce pas de la vanité que de vouloir rouler dans une œuvre d’art ? L’urgence à changer nos comportements en ville ne mérite-t-elle pas la sensation de se sentir ridicule dans une boîte de conserve ? Assurément. Et même ce rectangle aux bords arrondis s’explique : il permet tout à la fois de rendre la conduite bien plus sûre en contenant la majorité du véhicule dans le champ de vision du conducteur, façon autotamponneuse et… d’avoir de la place.

Source : Louise Audry pour Numerama

Source : Louise Audry pour Numerama

Deux adultes ne s’écrasent pas côte à côte dans la Citroën Ami. Et même avec deux personnes, l’espace qu’il reste est suffisant pour faire des courses ou embarquer du matériel de sport. La place est large devant le passager, les vide-poches permettent de contenir une veste et il reste même un espace entre les sièges et le compartiment batterie. Vous pourrez enfin poser quelques affaires sur la plage arrière. Un véhicule plus effilé aurait perdu cet espace précieux, bien pratique quand on n’a pas de coffre.

Alors certes, pour contenir le prix du véhicule autour de 7 000 € (ce qui est bien inférieur aux autres voitures sans permis), Citroën a coupé dans le cahier des charges « équipement ». À vrai dire, à part un tableau de bord avec un compteur, un volant, des sièges (peu confortables) et des pédales, on ne trouve rien dans l’Ami. Même les poignées sont des sangles. Le rétroviseur central a été économisé, non nécessaire sur ce type de véhicule. Pas d’autoradio non plus : Citroën imagine que tout le monde a aujourd’hui une petite enceinte Bluetooth. La seule option que l’on trouve, c’est un port USB et un porte-smartphone. Mais l’appareil que vous trimballez dans votre poche est probablement plus performant que la plupart des systèmes d’infodivertissement des voitures les plus onéreuses : à quoi bon s’embarrasser d’une dépense en plus ?

Source : Louise Audry pour Numerama

Source : Louise Audry pour Numerama

Source : Louise Audry pour Numerama

Source : Louise Audry pour Numerama

Si l’on voit le verre à moitié vide, on dirait que Citroën a été radin. Oui, nous aussi sommes habitués aux véhicules modernes et nous regrettons nos caméras de recul et autres capteurs de proximité. Mais ces options auraient demandé un tout autre concept : l’Ami n’est là que pour vous transporter en ville d’un point A à un point B. Partant de là, on aurait aimé un peu de confort côté siège et une meilleure isolation — on entend à l’intérieur tout ce qui se passe à l’extérieur. Oh, et puis ce rétroviseur central qu’il faudra aller acheter à un moment ou à un autre pour s’éviter un torticolis. De même, l’autonomie de l’Ami à 70 km demandera une recharge au moins hebdomadaire.

Tous ces défauts évidents ne réduisent pas la proposition de Citroën à néant, bien au contraire. Ils montrent simplement que nous avons affaire à une « version 1 ». Si le succès est au rendez-vous, et on imagine mal qu’il ne le soit pas dans les villes, alors les prochaines Ami corrigeront ces défauts de jeunesse. On se prend même à espérer que le format séduise d’autres constructeurs, qui proposeront leur vision de la voiture électrique ultra-urbaine. Car le jour où la plupart des voitures individuelles en agglomération feront 1m40 de large pour 2m40 de long, la question de la place de la voiture en ville ne se posera plus.

Et pour cela, il faut que les constructeurs osent revoir leur idée fixe de la voiture.

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